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GENEALOGIE OU DESCENTE DES HIBONS

A PARTIR

de leur établissement à Boulogne en MCCCCLXXX (1480)

Il suffit de sçavoir penser pour reconnoitre l'utilité de l'histoire. C'est elle qui nous apprend comment les familles se sont formées, comment les villes se sont peuplées, comment les royaumes se sont élevés; elle nous marque les différentes époques de leur élévation ou de leur décadence; elle nous rend présens des évènemens qui sont arrivés dans un tems bien antérieur à celui où nous vivons; sans elle tout ce qui s'est passé depuis Adam jusqu'à nous serait enseveli dans un éternel oubli. Mais de toutes les histoires celle qui intéresse le plus un particulier, c'est celle de sa famille; quels soins ne devrions-nous pas prendre pour arracher au néant le nom des premiers auteurs de nos jours? N'y sommes-nous pas engagés à titre de reconnoissance; ne doivent-ils pas avoir une part dans notre souvenir? Comment leur payerons-nous ce petit tribut si nous ne sçavons à qui nous sommes redevables de ce que nous sommes : quoi de plus commun cependant que de rencontrer des personnes qui ne pourraient faire remonter la généalogie de leurs ancêtres plus haut qu'à leur grand-père ou leur ayeul tout au plus; combien n'en voit-on pas même qui seraient dans l'impossibilité de prouver qu'ils sortent d'une branche légitime? L'indifférence qu'on a à cet

égard ne sçaurait être portée plus loin, et l'abus, parce qu'il est presque général, cesse d'être abus. C'est ici où on connaît l'homme; peu inquiet de l'avenir, il ne pense qu'au moment présent. Que d'inconvéniens ne résulte-t-il pas néanmoins de cette conduite? Ils sont trop sensibles pour vouloir ici les mettre dans un grand jour; l'expérience nous en rend tous les jours. les témoins; en effet, il se présente un emploi favorable, on a toutes les qualités requises pour le posséder avec distinction; mais il faut tant de degrés de noblesse; on en a effectivement; mais comment les prouver? Où ira-t-on les chercher; on se trouve dans la dure nécessité de lâcher prise parce qu'on a eu des ancêtres trop négligens. Il survient un héritage; on est le seul qui ait droit d'y prétendre; mais on ne peut rapporter aucun acte qui constate la proximité de la parenté; on est supplanté, parce qu'on ne peut rien. prouver. Nos ancêtres, dit-on, auraient dû prévoir ces évènements; celà est vrai, mais est-on plus vigilant qu'eux; témoins de leur indolence, ne règle-t-on pas sa conduite sur la leur, et ne se contente-t-on pas toujours d'en parler sans en rien faire? Il est à présumer que la famille dont on entreprend ici de décrire la généalogie a commencé à sentir les conséquences de cette négligence en 1480, époque de son établissement à Boulogne; il n'y a néanmoins rien de certain; car on peut également croire que ce qui manque à été perdu ou est péri par vétusté; il est inutile de s'arrêter sur cet objet de contestation, on va s'attacher à remettre sous les yeux ce qui en reste, d'après les manuscrits qui ont été transmis. On sent trop bien l'indispensable nécessité d'être fidel dans la

description d'une généalogie pour qu'on ait eu la témérité d'altérer en la moindre chose la vérité de celle-ci. On sera toujours à même de s'en convaincre, puisque les originaux sur lesquels elle a été rédigée pourront être produits à quiconque le désirera.

Josse Hibon, principe de cette généalogie, vint s'établir à Boulogne en 1480 dans une maison qui existe encore aujourd'hui, située Rue de la Grande. Folie ou Tant-perd-tant-paye; on ne sçait quel est le pays qu'il quitta, et on ne connoit point les raisons qui l'ont déterminé à choisir cette ville pour séjour; en rapprochant la date de sa transmigration et celle de son mariage, on peut tirer quelques indications probables; il épousa Demoiselle Masson, fille du sieur Masson, marchand bourgeois de ladite ville, la même année de son établissement; cette circonstance paraît prouver qu'il était depuis quelque tems retenu dans cette ville par les liens de l'amitié; ce n'est pas d'aujourd'hui qu'un étranger arrivant dans une ville y fait des connoissances et forme des liens indissolubles qui l'y fixent; cette demoiselle Masson fut l'objet de la conquête de Josse Hibon; ils vécurent ensemble comme de vrais époux; le ciel témoin de leur union leur envoya au bout de neuf mois un fils qui fut baptisé en l'église de St-Nicolas et à qui on donna le nom de Jean; ce fut le seul enfant qui couronna les noeuds de leur himénée; un seul instant aurait pu leur enlever l'espoir de faire passer leur nom à d'autres. Mais heureusement le ciel leur conserva ce fils unique, qui dans la suite fut surnommé le Vicomte, Il forma

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dessein de se donner des successeurs en épousant Demoiselle Jeanne Machaire; cette épouse, aussi économe de ses dons que sa mère, ne donna à son mari qu'un héritier qui fut aussi appellé Jean. Aussi jaloux que son père de transmettre son nom à d'autres, il épousa Jeanne Le Sueur, fille de Me Antoine Le Sueur, contrôleur et procureur en la Sénéchaussée du Boulonnois; ce Jean Hibon fut marchand, bourgeois et échevin de la ville de Boulogne; c'est lui qui est repris dans le procès-verbal de la verrification des Coutumes du Boulonnois fait le seize octobre mil cinq cens cinquante; il eut aussi un seul héritier qui comme ses ancêtres porta le nom de Jean. Jusqu'à présent on eût dit que la Providence se plaisait à chaque génération à ne faire naître qu'un seul rejetton; mais ce dernier Jean, ayant épousé Demoiselle Antoinette de Creperuis (1), en eut trois enfants; le premier s'appellait Pierre, le second Jean et le troisième, qui était une fille, reçut le nom d'Antoinette. L'ainé fut le seul qui voulut partager avec une compagne les douceurs du ménage; les deux autres gardèrent le célibat; Jean vécut dans le monde, et Antoinette prit le parti de se consacrer à Dieu pour le servir dans l'état monastique; le couvent des Religieuses de l'ordre de St-François fut la retraite qu'elle se choisit; elle garda jusqu'à sa mort une exacte observance des règles de la maison. Pierre se rendit donc utile à la société en épousant dle Jeanne de Parenty, fille du s Robert de Parenty, maïeur de Boulogne; il eut la consolation de voir naître huit

(1) Lisez Crespicul.

enfans qui furent le gage de leur union; ils furent tous baptisés en l'église de St-Nicolas; on les nomma François, Josse, Catherine, Nicolas, Jeanne {1), Marie, Pierre et Robert. Catherine fut la première qui se maria; elle épousa Artus Masson, fils de Nicolas, marchand bourgeois et échevin de cette ville, et d'Isabeau Clinet (2); elle ne jouit pas longtems de la compagnie de son époux ; après un an de mariage, il fallut se soumettre à une séparation cruelle; la mort trancha les jours de cet infortuné dans la fleur de son âge, dans le tems où il était le plus à portée de goûter les douceurs de l'himénée; un héritier aurait pu diminuer l'amertume des douleurs de son épouse; ce bienfait ne lui fut point accordé ; quelques larmes versées sur le sort malheureux de son mari furent le terme de sa tristesse. Un an après, elle prit la résolution de se former de nouveaux liens; un voyage fait à Guisnes lui valut une conquête: Jean Le Beuf marchand brasseur demeurant dans ce bourg fut l'objet de son choix; elle l'épousa peu de tems après; elle ne fut pas plus heureuse sous ce second règne que sous le premier; la stérilité fut son partage. Marie Hibon eut comme sa sœur deux maris auxquels elle survécut sans avoir d'enfans: le premier fut Antoine Framery, et le second Robert Duflos, demeurant au bourg de Marquise. François Hibon leur frère fut plus heureux qu'elles il épousa en 1577 Françoise Dieu, fille du sieur Jean Dieu, ancien échevin et argentier de cette ville, et de dile Antoinette Bouchel,

:

(1) Variante: Jacques (dans l'exemplaire relié). Mais c'est bien Jeanne qu'il faut lire.

(2 C'est Cleuet.

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