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docte conservateur honoraire de la bibliothèque d'Abbeville (1).

Je ne crains pas de dire que ces registres, très intéressants et très variés, des Rohault, des Lavernot-Paschal, des d'Aguesseau, des d'Aboval et des Gargan, ont jeté un jour tout nouveau sur la vie des classes aisées en Picardie aux xvi et XVIIe siècles.

Depuis lors, M. le baron Tillette de ClermontTonnerre a donné au Bulletin de la Société d'Emulation (1901) le Livre de Raison d'un bourgeois d'Abbeville au XVIIe siècle (Georges Mellier), et en ce moment même M. le vicomte de Calonne édite dans les Mémoires des Antiquaires de Picardie le Journal des Le Clerc de Bussy, datant de la même époque.

En Artois, on n'a publié jusqu'ici, si je ne me trompe, que des fragments sommaires du livre de raison de Jean Thieulaine (2), document des plus

(1) Abbeville et le Ponthieu, mélanges et fragments d'histoire, Paris, 1894, in-8°: Notes généalogiques sur les Gargan et les d'Aboval, pp. 17-28. Le livre de raison de Lavernot-Paschal, président de la sénéchaussée de Ponthieu, pp. 149-196. Le livre de raison d'un maïeur d'Abbeville (1545-1613), pp. 311-414. (Ces études ont paru d'abord dans les Mémoires de la Société d'Emulation d'Abbeville.)-Livre de raison de deux seigneurs picards (1559-1692), dans le Cabinet historique de l'Artois et de la Picardie, tomes VII et VIII.

(2) X. de Gorguette d'Argouves. Un livre de Raison en Artois (XVIe siècle), extraits historiques, 1888, 63 pp. in-8°; extr. du t. XXI des Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie.

intéressants et qui mériterait une publication plus étendue. C'est tout et c'est trop peu.

En Boulonnais, les livres de famille sont particulièrement rares. J'en connais peu d'inédits, et, sauf celui qui nous occupe, ils ne sont pas de premier intérêt. En revanche, trois registres très curieux ont déjà été publiés par la Société Académique de Boulogne : celui des Blondin et des Duhamel (1), un des plus intéressants qui se puissent voir (1401 à 1806);— celui des Desaint (2), du XVIIIe siècle, dont le Dr Hamy a su tirer si bon parti au point de vue de l'histoire économique et sociale de notre région; enfin celui des Frest d'Imbrethun (1646 à 1709), qui vient de paraître dans notre Bulletin (3).

ce

Le registre que je présente aujourd'hui à la Société ne dépare pas cette série; s'il ne contient aucun renseignement économique n'est pas un livre de comptes il renferme des documents du plus haut intérêt pour l'histoire du Boulonnais, et, au point de vue social, on en peut tirer plus d'un enseignement utile.

(1) E. Deseille. Un livre de famille; Bull. Soc. Acad., 1884, t. III, pp. 410-425.

(2) Dr E.-T. Hamy. La Vie rurale au XVIIIe siècle dans le Pays Reconquis; Mémoires, 1906, t. XXIV, pp. 333-397.

(3) D'E. Dutertre. Livre de raison des Frest ou Fret, sieurs d'Imbretun; Bulletin, 1907, t. VII, pp. 596-608.

II

Le registre, disais-je plus haut. Dois-je employer le singulier? A dire vrai, il y en a quatre :

1o Le livre de raison proprement dit, manuscrit in-12, relié en parchemin, est composé de quatre-vingt-quatorze pages presque toutes remplies; mais il est facile de voir qu'il n'en comprenait primitivement que quarante-huit, et que toutes les autres ont été ajoutées; le papier n'est pas le même, le format non plus. La rédaction, commencée en 1552, se poursuit jusque vers 1730, mais elle n'est pas continue on a rempli après coup les vides laissés primitivement dans le cahier. Il ne paraît y avoir aucune lacune. J'ai reproduit les actes ainsi qu'ils étaient transcrits, sans me préoccuper de les coordonner;

2o Ce cahier étant rempli, on en a commencé un autre du format in-32 oblong; il est dérelié et n'a que trente pages écrites sur cent dix. Du côté opposé on a inscrit quelques comptes et dépenses sans intérêt. Commencé en 1705, ce livre a été continué jusqu'en 1778;

30 Un petit cahier non relié, de vingt pages, dépasse tout le reste en importance. Il a pour titre : «Estat de tout ce qui s'est passé dans le Boullenois et dans la Basse Ville de Bou

logne, depuis le mois de juin 1656 jusques au mois d'avril 1657. »

C'est une relation originale faite par Jacques Hibon, sieur de La Fresnoye, mayeur de Boulogne, des événements, quorum pars magna fuit, de la première insurrection suscitée en Boulonnais (1656-57) par les atteintes de Colbert et de Louis XIV aux privilèges de la province;

4° Quelques cent ans plus tard, un Hibon philosophe et sensible crut devoir rajeunir la prose de ses ancêtres, et la mettre au goût du jour. C'était, je pense, Noël-Jacques-François Hibon, sieur de La Fresnoye. Le manuscrit qu'il a rédigé porte bien avec soi la marque de son temps: il est conçu et écrit dans le style précieux et solennel de l'école de Jean-Jacques; composé peu avant la Révolution, entre 1'783 et 1789, l'auteur y omet des choses importantes; par exemple, il ne nous dit pas ce que c'était que le fief de La Fresnoye, ni quand il est entré dans la famille ; en revanche, il nous sert de longues tirades en faveur de l'allaitement maternel, et condamne verbeusement la sévérité des parents qui s'opposent aux amours de leur progéniture: « Les doux noeuds de l'himénée », le « cœur sensible des jeunes et tendres amants » reviennent fréquemment sous sa plume attendrie. Enfin, il nous donne une seconde relation des troubles de 16561657; ce récit diffère assez du précédent; il est inutile d'ajouter que, rédigé cent trente ans après les événements, il n'a pas la même autorité qu'un rapport contemporain, écrit par l'un des princi

paux acteurs du drame. Cependant, à titre de renseignement et de tradition de famille, cette réédition amplifiée mérite d'être conservée.

Cette généalogie existe en double exemplaire : l'un, qui paraît avoir été écrit en premier lieu, est un cahier de papier, format in-8°, de dix-huit feuillets ou trente-six pages, dont vingt-sept seulement sont écrites. L'autre est un petit volume grand in-12, relié en veau, de cent vingt-quatre pages dont quatre-vingt-treize sont écrites (plus le frontispice). Le texte est à peu près identique à celui de l'autre exemplaire, sauf quelques variantes insignifiantes. Le dos de la reliure est orné de fers représentant des fleurs et des croisettes, et porte ce titre :

GENEAL
DES

HIBONS

La tranche est dorée et la reliure très soignée. Epigraphe du frontispice :

Verba volant,

Sed scripta manent.

Tous ces manuscrits appartiennent aujourd'hui à madame Horace Hibon de La Fresnoye, à Paris, qui me les a obligeamment communiqués.

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