Je n'en sais rien. Arrêtez un moment. BRAIN-W OR M. Si j'étois sûr qu'ils ne mie reconnussent pas, j'approcheróis. ED WAR D. L'avez-vous trouvée ? STEPHEN, moitié pleurant. Non je crois, en vérité, qu'on m'a ensorcelé. EDWARD. Ne pleurez pas que vous importe cette perte? STEPHEN. Je ne la regrette qu'à cause d'une bague à devise que je tiens de Mistriss Mary. EDWAR D. Une devise! Oh! mon cher, expliquez-la moi. STEPH E N. Elle est admirable; la voici : quoique l'imagination soit endormie, mon amour est profond; c'està-dire qu'elle ne me haït pas, elle m'aime tendrement. Moi, je lui ai repliqué dans une autre devise: tant mieux ; j'en fais juge Saint Pierre, EDWARD. Je ne vois pas que ce Saint ait affaire là-dedans. C'étoit pour rendre la devise plus intéressante. ED WAR D. A merveille! Partons. BRAIN-W OR M. Je ne puis consentir à les laisser aller. Arrive ce qu'il pourra. (-Il approche.) — Voudriez-vous, Messieurs, échanger quelques écus contre cette lame? Je suis un pauvre militaire, un homme qui, , en toute autre occasion, rougiroit d'avoir recours à d'aussi viles ressources; mais la nécessité, Messieurs, en ordonne autrement. Si vous ne me paroissiez pas attachés à la profession des armes, je périrois plutôt en silence, que de m'exposer à la honte d'un refus. Faites-moi la grace de considérer que ce n'est pas moi qui vous parle, mais le besoin cette démarche ne s'accorde pas avec mon courage..、、 ED WAR D. Où as-tu servi? BRAIN-W OR M. Dans toutes les dernières guerres de la Bohême, de la Hongrie, de la Pologne, de la Dalmatie: & où n'ai-je pas servi, Monsieur ? J'ai combattu quatorze ans, tant sur mer que sur terre ; j'ai suivi la fortune des meilleurs Généraux de la Chrétienneté (1); j'ai reçu deux coups de feu à la prise d'Alep, & un autre à la réduction de Vienne; j'ai été à Marseille & à Naples ; j'ai été trois fois esclave sur des galères, où j'ai reçu un dangereux coup de feu à la tête, un autre à la cuisse ; & malgré tous ces accidens, je suis sans soutien & n'ai pour toute fortune que les cicatrices qui attestent mon courage. STEPH E N. Combien voulez-vous vendre cette épée, mon ami? BRAIN-WORM. Mon généreux Monsieur, vous êtes un Gentilhomme connoisseur, vous m'en donnerez ce qu'il vous plaira. (1) Tout le rôle de Brain-Worm où il s'agit de militaire, est relatif à la vie de l'Auteur. Quoique vous paroissiez me connoître, je vous prie néanmoins de me dire votre prix. BRAIN-WORM. La lame est digne d'armer le plus grand Prince de l'Europe.... ED WAR D. Lorsqu'elle sera dans un foureau de velours. Comptez qu'elle en aura un beau, dès qu'elle m'appartiendra. Je ne la porterois pas comme elle est, quand on me donneroit un ange (1). BRAIN-WORM. Je vous jure, Monsieur, que c'est une lame de Tolède. STEPHE N. J'aimerois mieux qu'elle fût d'Espagne. Si la poignée étoit d'argent, qu'en demanderiez-vous ? ED WAR D. Vous ne l'acheteriez pas; allons-nous-en. Voilà un shelling, reprenez vos armes.... STEPH E N. Puisque vous parlez ainsi, je veux l'avoir. Voici un autre shelling, je ne permettrai pas qu'on me (1) Monnoie de ce temps. surpasse en générosité. Croyez-vous qu'ayant le moyen d'acheter une épée, je me promènerai comme les paysans, avec un bâton?... ED WAR D. Vous en trouverez d'aussi bonnes dans la cité. STEPH E N. Je veux absolument acheter celle-ci, précisément parce qu'on me la vend à la campagne. Oh! j'aimerai cette épée de campagne! Dites-moi vîte votre dernier prix ? ED WAR D. - Je vous répète que je ne veux pas que vous l'achetiez.... STEPH E N. Et moi je vous jure que je l'aurai, dussai-je en payer deux fois la valeur. ED WAR D. Venez.-Vous êtes un imbécile.... STEPHEN. Vous l'entendez, mon ami. A cause de l'épithète, j'achète votre épée au prix qui vous conviendra. Suivez-moi, je vous payerai. BRAIN-W OR M. De tout mon cœur, Monsieur. (Ils sortent.) |