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vains se mirent sur les rangs, & la scène Angloise prit enfin un aspect moins sauvage. Thomas Sackville, Lord Buckhurst & Thomas Norton firent paroître en 1590. la première Tragédie qui mérita ce nom. Gorbeduc, quoique remplie de défauts, étoit néanmoins écrite d'un style plus correct; le langage en est plus épuré que tout ce qui avoit paru jusqu'alors. Puttenham, Auteur contemporain, en parle en ces termes dans son Art poétique :

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<< Les ouvrages de Lord Buckhurst & » de maître Edward Ferrys méritent,

à

la premiere piéce tragi-comique qui mérita ce titre : ce genre dramatique étoit très-informe jusqu'alors.

Il parut aussi des Pastorales mêlées de chansons : Guerin est le premier Auteur qui semble les avoir introduites sur le Théatre François, & leur avoir donné ce nom.

Jodelle, la Peruze, Guerin & Garnier guidés par la lecture des Poëtes Grecs & Latins qui leur fournit de judicieuses réflexions, donnèrent au Théatre François une forme plus raisonnable, & bannirent par leurs productions, presque toutes celles qui avoient paru jusqu'à leur temps. Mais ceux qui les suivirent jusqu'au règne de Louis XIII, bien loin de perfectionner ces heureux commencemens retardèrent les progrès par la foiblesse de leurs ouvrages,

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en

» mon avis, la palme pour la Tragédie: » le Comte d'Oxford & maître Richard » Edward, celle de la Comédie. Cependant » le grand Auteur, dans ce genre, est ce » maître Ferrys; ses pièces sont pleines » de gaité & de bonne humeur, & aussi >> plaisantes que celles de John Heywood, » mais plus savantes & d'une plus riche » invention. C'est pourquoi il écrivoit » également bien les Tragédies, les Co» médies & les Farces, & procuroit au » jeune Roi Edward VI tant de bonnes » récréations, qu'il en reçut honneur & >> récompense ».

Il ne reste aucun vestige des productions de ce magnifique Edward Ferrys, qui cependant brilloit au milieu du seizième siècle. Mais il parut bientôt un Auteur dont les talens l'emportèrent sur tous ses contemporains: John Lillie composa une Pastorale nommée Ephües & fon Angleterre, ou l'Anatomie de l'Esprit, qui causa une révolution dans le dialecte Anglois. Elisabeth la protégea; toutes les Dames

briguèrent l'honneur d'être disciples de Lillie, & l'on ne s'exprimoit plus à la Cour qu'en longue Ephüiste; l'ignorer étoit d'aussi mauvais ton que de n'y pas parler aujourd'hui le François. Cependant ce chef-d'œuvre qui produisit un changement si rapide, n'étoit qu'une mauvaise rapsodie pleine d'allusions & de métaphores, qui fut l'origine du pédantisme & de toutes les absurdités qui distinguèrent le règne de Jacques premier, successeur d'Elisabeth.

L'on voit insensiblement la scène Angloise sortir du cahos; les dissentions publiques & les guerres civiles en retardèrent peut-être les progrès. Les Arts, enfans de la paix & d'un bon gouvernement, ne se plaisent que dans le repos : cependant, par un effort aussi subit qu'étonnant, on vit tout-à-coup briller les génies de Shakespear, de Beaumont & Fletcher, & de Ben-Johnson. Malgré l'irrégularité de leurs pièces, si l'on considère le siècle où elles furent écrites, & les modèles que ces illustres Auteurs avoient encore sous les

yeux,

yeux, on sera forcé d'admirer leurs talens. Leurs productions changèrent aussi la face du Théatre; on forma des Troupes plus régulières. Celle du Comte de Leicester, sous la direction de Burbage, obtint la première, en 1574, des lettres-patentes ; mais avant cette époque, les Enfans de la Chapelle d'Elisabeth étoient déjà incorporés en une espèce de Troupe; ils ne jouoient que devant la Reine, sous la direction de leur maître Richard Edward; & quoique les pièces dramatiques fussent alors le Spectacle favori de la Nation les Enfans de Choeur de l'Eglise de Londres obtinrent, en 1590, la permission de représenter les Mystères & les Moralités.

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Les Enfans de Saint-Paul, guidés par un esprit plus éclairé, avoient déjà, en 1578, pris le titre d'Acteurs dramatiques; & dès que le Théâtre devint un objet de lucre, les Enfans de la Chapelle Royale se réunirent à une nouvelle Troupe, connue sous le nom des Enfans des Menus-Plaisirs, &

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représentèrent les premiers, toutes les pièces de Lillie, de Ben-Johnson, & des Auteurs leurs contemporains. Cette Troupe, l'objet de la jalousie de leurs confrères acquit la plus grande considération, & devint ensuite la pépinière où se formèrent les Acteurs les plus distingués.

On eft surpris de voir renaître le goût des Anglais pour les Spectacles; les progrès en furent si rapides, qu'on compte dix- sept Théatres construits depuis l'année 1570, jusqu'en 1629, & autant de Troupes pour les occuper. La Reine en donna l'exemple aux Seigneurs, & chacun s'empressoit d'avoir ses Comédiens; mais ceux des particuliers ne pouvoient représenter en public, sans une permission spéciale de leurs maîtres.

Elisabeth, à la prière de Sir FrancisWalsingham, & pour se distinguer de ses sujets, choifit parmi les différentes Troupes, douze des meilleurs A&teurs, les pensionna, & leur accorda le titre de Comédiens de la Reine.

Bientôt, par un abus effroyable, les

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