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Troupes particulières devinrent l'école de la cence & de la sédition ; elles représentoient des pièces, dans des endroits écartés, pratiqués à cet effet, & s'y livroient à la plus grande dépravation: le Gouvernement allarmé, fut forcé d'y mettre ordre par des avertissemens très-rigoureux, en exceptant néanmoins les maisons des Seigneurs, qu'on ne pouvoient pas dépouiller de leurs droits. L'étude du Théatre commença par degrés à lui donner un aspect plus décent. Les Auteurs dramatiques de la fin du seizième siècle & du commencement du dixseptième, parvinrent à l'épurer; mais avant d'arriver à une réforme totale, il fallut plus d'un siècle. Cependant, le règne de Jacques Ier. donna la plus grande espérance; ce Prince aimoit les lettres, les cultivoit & les protégeoit, mais il lui manquoit ce goût qui distingue si bien les Auteurs modernes. Il accorda, en 1603 la première année de son règne, des lettres - patentes à Shakespear, Fletcher, Burbage, &c., &c., avec la permission de jouer non-seulement sur le Théâtre

nommé le Globe, situé sur les bords de la Tamise, mais dans tout le Royaume, jusqu'à ce qu'il en ordonnât autrement. C'est à cette époque qu'on doit fixer la véritable naissance du Théatre Anglais (1).

Les Poëtes & les Auteurs dramatiques abondoient de toute part; chaque jour produisoit une nouvelle pièce, dont le plus grand nombre n'existoit qu'un moment. On ne célébroit plus aucune fête publique ou particulière, sans y avoir quelques spectacles analogues aux circonstances: le Roi, la Reine, & toute leur Cour, jouoient la Comédie. Ce goût se soutint pendant pres

(1) Alexandre Hardy fleurissoit en France vers la fin du seizième siècle: on ne connoît ni l'époque précise de sa naissance, ni celle de sa mort; on sait qu'il vivoit encore en 1628, & qu'il composa huit cents pièces, dont il en reste quarante - une. Il avoit du talent, du goût & des connoissances, & auroit sans doute produit de bons ouvrages s'il avoit eu le temps de les corriger. Mairet, Rotrou & quelques autres Auteurs distingués, donnèrent une nouvelle face à la Scène Françoise, sous le ministère du Cardinal de Richelieu; mais il étoit réservé au grand Corneille de lui donner ce lustre, dont elle a joui depuis ce célèbre Auteur.

que tout le règne suivant, & ce furent les sombres Puritains qui le condamnèrent comme un amusement diabolique. On connoît les maux qu'attirèrent sur l'Angleterre les pernicieux principes de cette secte fanatique : ils bouleversèrent l'Etat, & commirent un crime qu'on n'oubliera jamais. Ces malheureux usurpateurs du pouvoir monarchique, firent passer le 11 Février 1647, un acte au Parlement, qui déclara les Comédiens auffi punissables que des vagabonds, & soumis comme eux aux corrections spécifiées dans les Statuts de la trenteneuvième année du règne d'Elisabeth, & la septième de Jacques Ier. (1). Ce même acte ordonnoit au Lord Maire, aux Juges de Paix de la cité de Londres, de Westmins

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des comtés de Middlessex & de Surry,

(1) Tandis que le fanatisme dégradoit l'art dramatique en Angleterre, la France l'encourageoit en décernant des honneurs au père de son Théatre. Le grand Corneille déjà connu par diverses pièces dramatiques, & sur-tout le Cid représenté en 1637, fut reçu en 1647 membre de l'Académie Françoise.

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qu'ils eussent à démolir sur le champ toutes les salles de Spectacles dans leurs juridictions, & leur enjoignoit de faire publiquement fouetter les Acteurs accusés de jouer. dans des maisons particulières: après cette punition, ils devoient leur faire signer une promesse de renoncer à leur état; s'ils s'y refusoient, les emprisonner, jusqu'à ce qu'ils eussent donné une caution suffisante, & en cas de récidive, les déclarer vagabonds incorrigibles, & les traiter comme tels, suivant les Loix. Enfin, il fut ordonné qu'on confisqueroit au profit des pauvres tout l'argent provenu des spectacles, & que toute personne qui assisteroit à une représentation dramatique, paieroient cinq fchelins d'amende.

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Doit-on s'étonner après cela, que l'Europe ait été si long-tems plongée dans l'ignorance, & que l'exemple des Romains, encore récent au démembrement de leur empire, ait eu si peu d'effet sur les différentes nations qui avoient été les témoins de leur prospérité. Les Anglois, peuple philosophe

& éclairé, au milieu d'un siècle où les arts & les sciences faisoient par-tout des progrès, furent sur le point de voir rentrer leur scène dans le néant, au moment même où elle promettoit les plus grands succès. Telest le pouvoir du despotisme, fondé sur une aveugle superstition.

Les hostilités entre le Roi & le Parlement, avoient déjà plusieurs fois interrompu les spectacles, mais dès que cet acte foudroyant fut public, les Auteurs, par attachement à leur Souverain & leur protecteur, quitterent le brodequin pour endosser la cuirasse, & combattirent en faveur de sa cause. Le sort de la guerre fut fatal à la Monarchie; le Roi périt par un meurtre exécrable, & les Muses & les Comédiens allèrent en silence pleurer cette horrible catastrophe.

soit

Cependant, quelques Acteurs indigens qui survêcurent aux malheurs des temps, par zèle ou par néceffité, se hasardèrent à reparoître sur un Théatre échappé à la fureur des fanatiques; mais des soldats

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