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prophane n'annonceroit-elle pas qu'il y avoit d'autres Spectacles représentés par des Acteurs préposés à cet effet?

Les Clercs de la Paroisse de Londres représentèrent aussi les Mystères l'an 1390 & l'an 1409, la dixième du règne de Henri IV; ils jouèrent huit jours de suite la Création du Monde : tous les Seigneurs du Royaume, disent les Auteurs contemporains, quittèrent leurs châteaux pour voir ce magnifique Spectacle, représenté à Clerkenwel, ou Puit-aux-Clercs, (endroit qui depuis porta ce nom.)

Ce n'étoit pas seulement la Capitale qui possédoit ces saints amusemens; on représentoit aussi les Mystères dans les Provinces. Carew, Auteur contemporain de la Reine Elisabeth, en parle dans sa description de celle de Cornwall. « Les ha>> bitans de ces cantons, dit-il, sont plus >> grands amateurs des Mystères, que des >> autres Spectacles. On les représente dans >> un champ ouvert, sur un terrein de » quarante à cinquante pieds de diamètre :

» tous les Campagnards s'y rendent en >> foule pour y voir les miracles & les » sujets tirés de l'Ecriture - Sainte, pro» noncés en idiôme Cornwallien : les diables » & d'autres personnages aussi divertissans » amusent leurs yeux & leurs oreilles ».

Ne peut-on pas nommer ces siècles grossiers, le fommeil des Muses? On fit quelques efforts pour les tirer de leur assoupissement; mais on n'y parvint que par degrés. Les Moralites qui succédèrent, ou plutôt qui s'établirent sur le modèle des Mystères, ne valoient guères mieux : c'étoit un mélange de sujets ridicules, bouffons & pitoyables, traités indistinctement sans goût ni jugement (1).

Ces farces cependant annonçoient une

(1) Au commencement du seizième siècle, les Moralites Sotties, &c. &c. étoient fort en vogues en France; il est possible que les Anglois les aient imités des François, ou peut-être ceux-ci des premiers. De tout temps il y a eu une grande analogie entre ces deux peuples: on adopte insensiblement les mœurs de ses voisins, même leurs ridiéules; ce qui se passe de nos jours, en est une preuve assez convaincante.

par

lueur de génie, inconnue jusqu'alors. Les vices, les vertus & les passions y étoient personnifiés; on en tiroit une espèce de morale; mais la religion y jouoit toujours le principal rôle. Elles servirent les desseins ambitieux d'Henri VIII & de la Reine Elisabeth, & inculquèrent dans l'esprit du Peuple, des principes dictés la politique. Ce Prince connoissant tout l'avantage qu'en tireroit sa nouvelle doctrine, défendit l'an 1533, par un acte passé au Parlement la vingt-quatrième année de son règne, à tout Acteur & Maître Rimeur, de chanter, déclamer ou représenter des sujets contraires à la propagation des nouveaux dogmes. Il recommandoit à tout bon sujet d'accueillir les Spectacles orthodoxes dans sa maison, pour contribuer, disoit-il, à l'instruction de la nouvelle foi, & à l'édification des familles. Malgré cette défense, les partisans des deux Religions animés par un esprit de zèle, se permirent des épigrammes contre leurs adversaires : cette guerre Religieuse

donna naissance aux Farces fatyriques. John Heywood, bouffon d'Henri VIII, fut le premier compositeur dans ce genre (1). Ses pièces furent très-bien accueillies du Public. Il donna l'idée d'en composer de plus régulières. Henri Parker produisit, en 1535, une pièce qu'on représenta sous le titre latin Pescator. Ce fut la première fois qu'on se servit du mot de Comédie en Angleterre; mais ce titre n'appartint qu'à la pièce de John Still, depuis Evêque de Bath. Il composa une Comédie en cinq actes, nommée Gammer, Gurton's Needle, ou l'Eguille de Gammer Gurton. Quoique ce ne fût qu'un tissu informe de scènes sans aucune liaison, on y découvroit cependant du génie ; il y avoit quelques caractères assez naturellement peints: elle fut représentée vers le milieu du seizième siècle (2).

(1) Il mourut au commencement du règne d'Elisabeth. (2) Le Théatre François dut sa première pièce dramatique à Etienne Jodelle. Il donna en 1552 une Tragédie nommée Cléopâtre, imitée des Grecs, pour la forme &

Le succès de John Still réveilla l'émulation de ses contemporains, & plusieurs Auteurs, à son exemple, exercèrent leurs talens pour le Théatre. Le plus distingué fut Richard Edwards, maître de la Chapelle de la Reine. Il donna au Public, en 1585, deux pièces, Palemon & Arcite, & Damon & Pithias, ou les deux plus fidèles amis du monde. Dans la première, on imitoit si naturellement le cri d'une meute de chiens, que la Reine & toute l'assemblée ( dit l'Editeur de ces ouvrages) crurent être dans la cour du Palais (1). D'autres Ecri

pour la coupe; les Auteurs contemporains n'osèrent plus travailler que dans le genre qu'il venoit d'indiquer.

Jean de la Peruze & Guerin donnèrent plusieurs pièces, dont ils avoient aussi formé le plan & la fable; mais ils adoptèrent toujours pour modèles ou les Grecs ou les Latins.

Etienne Jodelle fut aussi le premier Auteur qui composa une Comédie digne de ce nom : on la représenta à la suite de Cléopâtre, (Histoire abrégée du Poëme dramatique.)

(1) Robert Garnier avoit déjà donné en 1568 une face nouvelle à la Scène Françoise; sa Bradamante, fut

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