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a eu de la peine à fe refoudre à me faire du mal, parce que parmi quelques bonnes qualitez qu'elle a pu reconnoître en moi, elle a toujours pu voir un fonds de tendreffe, de refpect & d'admiration pour fa perfonne, qui méritoit quelques égards & qui m'auroit affurement fauvé des effets de fa juftice,fi elle n'avoit preferé l'intérêt public à fa reconnoiffance. Adieu Monfieur. Il me femble que nôtre amitié eft à present au deffus de tous les complimens qui ont coûtume d'être à la fin des lettres.

XVIII. LETTRE

Du Comte de Buffy à Madame de M.....

M

A Chafeu, ce 26. Février 1673.

ADAME de la R ** a beau montrer mes lettres, fon exemple ne me gâ tera pas je ne montrerai pas les fiennes : mais j'ai envie de prendre un peu plus garde à l'avenir à qui je ferai des faveurs; car cela n'eft pas plaifant, voyez-vous, qu'on les aille publier à tout le monde. Le bruit de guerre retranche un peu plus les plaifirs des Dames ; & fi elle fe declare &

qu'elle dure, adieu la galanterie, il fe faudra contenter du folide. Mais cette pauvre galanterie eft bien réduite, de n'être plus que chez le Duc de C **. De quoi s'avifet-il à l'âge qu'il a d'être galant? Croit-il que les Dames lui pardonnent de s'être rangé fi tard fous leur empire? C'eft un rendu à qui elles ne fe feront pas. Je fuis bien-aife que la femme de qualité ait été mortifiée; car il y a plaifir de voir abbaiffer l'orgueil de ces grandes naiffances qui regardent fi fort le refte des humains du haut en bas.

Ileft beau au Roi de répandre de tems en tems de petites graces parmi les jolies filles de la Cour, pu ement par galanterie. Monfieur de Mortemart ne la fera pas longue. Je croi l'affaire de C *** une ga lanterie, & point un mariage.

XIX. LETTRE

De Madame de Sc... au Comte de Buffy.

V

A Paris, ce 27. Février 1673.

Ous avez raison, Monfieur, de dire que je devrois avoir des amis; car affurément je fuis une très-bonne femme.

Cependant je vous avoue fincerement que de la maniere dont je conçois l'amitié, je n'ai que d'agréables apparences d'amis; & je me trouve des fentimens tellement audelà de ceux qu'on a pour moi, quand je me mets à regarder de près aux chofes, qu'à la réserve de mes deux amics Meldemoifelles de V ** & de P **, je laifferoislà le métier d'amie comme fort inutile. 11 eft vrai que ces deux amies réparét un peu dans mon efprit l'opinion que j'avois', que ceux qui cherchent la veritable amitié étoient auffi fous que ceux qui cherchent la Pierre Philofophale. Je ne dis pas tout ce ci pour vous, Monfieur : car il me fem ble que vous faites fort bien votre devoir. Il paroît que vous ne me connoiffez guéres encore, parce que vous dites que j'en fçai tant fur l'amour; cependant c'est un tyran qui m'a refpectée, ou qui m'a méprifée; mais enfin il y a eu des gens affez redoutables qui m'ont dit je ne fçai quoi que je n'entendois point. Je vous en fais la confidence: cela ne me paroît pas trop joli. Si ce n'est que cela, je m'en fauverai bien.

X X. LETTRE.

Du Comte de L... au Comte de Buffy.

A Paris, ce 2. Mars 1673.

L n'y a pas eu de combat entre l'armée de M. de Turenne & celle des Allemans, Monfieur. Ceux-ci y ont mis bont ordre, à ce qu'on dit; car ils ont abandonné leur bagage & leur canon, & se font retirez à grandes journées, pour ne pas dire en fuyant. Vous pouvez juger quelle foye on a à Saint-Germain.

Il est vrai que la perte de Moliere eft irréparable je croi que perfonne n'en fera moins affligé que fa femme; elle a joué la Comedie hier. Je vous envoye une Epitaphe qu'on a fait fur cette mort, & un Sonnet pour Madame de C ***.

Monfieur de Brandebourg a donné avis à Monfieur de Turenne qu'il y avoir un homme dans fon armée qui lui avoit offert de l'empoifonner, & que cela lui avoit fair, horreur.

DE

EPITAPHE

MOLIERE.

Paffant, icy repofe un qu'on dit être mort.
Je ne fçais il l'eft, ou s'il dort;
Sa maladie imaginaire

Ne peut pas l'avoir fait mourir:
C'eft un tour qu'il joue à plaifir;
Car il aimoit à contrefaire.
C'étoit un grand Comedien.
Quoi qu'il en foit, ci git Moliere;
S'il fait le mort, il le fait bien.

MADA ME DE C...

aux pieds de fes Fuges.

SONNET.

Pour un crime d'amour dont je ne fuis coupable Que pour avoir le cœur trop fenfible & trop doux, Dois-je avoir un Tyran fous le nom d'un Epoux, Arbitres fouverains de mon fort déplorable?

Et le barbare auteur des maux dont on m'accable

Ofe-t-il fe fervir de Themis & de vous

Pour m'immoler bientôt à fes chagrins jaloux, Et me faire perir pour être trop aimable ?

Ah! confultez de grace & vos yeux & vos

cœurs :

Ils vous infpireront d'être mes protecteurs. Tout ce que fait l'amour n'eft-il pas legitime? Et vous qui temperez la fevere Themis, Pourriez vous vous refoudre à châtier un crime, Que la plupart de vous voudroit avoir commis

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