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Vous ferez peutêtre furpris de voir combien j'ai de plaifir à entendre les louanges du Roi car enfin il m'a fait du mal; & quand je l'aurois mérité, peu de gens fe font juftice: mais j'aime encore mieux qu'on ait mauvaise opinion de ma condui te paffée, & avoir droit d'efperer un changement à ma fortune, d'un grand Prince qui peut avoir été furpris, & qui ne trouve pas de honte à fe repentir, que d'être justifié par les injustices d'un maître fans honneur, qui n'en reviendroit jamaís.

Je fuis allé plus loin que je n'avois penfé, Monfieur. Mais je ne me retiens pas aifément quand il s'agit de louer notre Maître, & moins encore quand j'en parle à un homme qui l'aime & qui l'eftime autant que vous faites.

XXVI. LETTRE.

Du Pere R.. au Comte de Buffy.

A Paris, ce 25. Mars 1673.

J E vous envoye, Monfieur, les Femmes fçavantes de Moliere. Vous y trouverez des caractéres qui vous plairont, & des chofes fort naturelles. La querelle des

deux Auteurs, le caractere du Mari qui eft gouverné & qui veut paroître le maître, ont quelque chofe d'admirable, auffibien que le caractere des deux Sœurs. Le ridicule des femmes fçavantes n'eft pas tout à-fait pouffé à bout; il y a d'autres ridicules plus naturels dans ces femmes, que Moliere a laiffé échaper, & ce n'eft pas le plus beau. Neanmoins à tout prendre, vous ferez content : je ne laiffe pas de vous en demander votre avis.

J'envoye à Mademoiselle de Buffy un livre de dévotion de ma façon, pour l'oppofer aux Femmes feavantes. Ayez la bonté de le lui offrir de ma part. Je vous envoye le commencement de mes Reflexions fur la Poëtique vous m'encouragerez à continuer, fi vous avez la bonté de me les corriger, & de me dire franchement vos penfées. Ce que je vous envoye n'eft qu'un projer mal digeré, mais il fe pourra rectifer fur vos lumieres.

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XXVII. LETTRE.

Réponse du Comte de Buffy au

J

Pere R...

A Chafeu, ce, 24. Mars 1673.

:

E vous rends mille graces, mon R. P des livres que vous m'avez envoyez le vôtre eft admirable: je l'ai lû avec deux de mes bons amis; ils en font charmez auffibien que moi.

Pour la Comédie des Femmes fçavantes, je l'ai trouvé un des plus beaux ouvra ges de Moliere. La premiere fcene des deux Sœurs eft plaifante & naturelle : cel le de Triffotin & des Sçavantes, le dialogue de Triffotin & de Vadius, le caractere de ce mari qui n'a pas la force de refifter en face aux volontez de fa femme, & qui fait le méchant quand il ne la voit pas, le perfonnage d'Arifte homme de bon fens & plein d'une droite raifon, tout cela eft incomparable. Cependant, comme vous remarquez fort bien, il y avoit d'autres ridicules à donner à ces Sçavantes, plus naturels que ceux que Moliere leur a don-. nez. Le perfonnage de Belife eft une foi-. ble copie d'une des femmes de la Comé

die des Visionnaires. Il y en a d'affez folles pour croire que tout le monde eft. amoureux d'elles, mais il n'y en a point qui entreprennent de le perfuader à quelqu'un malgré lui.

Le caractere de Philaminte avec Martine n'eft pas naturel. Il n'eft pas vraisemblable qu'une femme faffe tant de bruit & enfin chaffe fa fervante, parce qu'elle ne parle pas bien françois ; & il l'eft encore moins que cette fervante, après avoir dit mille méchans mots, comme elle doit dire, en dife de fort bons & d'extraordinaires; comme quand Martine dit : L'efprit n'eft point du tout ce qu'il faut en ménage;

Les livres quadrent mal avec le mariage.

Il n'y a pas de jugement à faire dire le mot de quadrer par une fervante qui parle fort mal, quoiqu'elle puiffe avoir du bon fens. Mais enfin, pour parler jufte de cette Comedie, les beautez y font grandes & fans nombre, & les défauts rares & petits.

XXVIII. LETTRE

De Mademoiselle du P. au Comte de Buffy.

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A Paris, ce 19. Mars 1673,

A1 fait venir vos lettres à leurs adreffes, &-je vous en envoye les réponfes. Si on ne me les avoit fait attendre fi longtems, je vous aurois écrit plûtôt.

Je ne fuis pas encore confolée de la mort du Pere Lalleman. Il étoit fort de mes amis, & de ceux du Pere Rapin. Je croi qu'il vous aura envoyé fon livre de la Perfection du Chriftianifme, & que vous l'aurez trouvé beau.

C'est une chose étrange combien il s'eft paffé d'actions extraordinaires depuis peu, & le tout pour de l'argent. On n'entend parler ici que d'empoifonnemens & d'affaffinats. Il ne fe paffe rien de femblable en Bourgogne; tout le monde y vit dans la bonne foi.

Je vous envoye, Monfieur, une Epita phe de Moliere par la Fontaine. Je caufe ray plus longtems avec vous une autre fois. Adieu Monfieur.

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