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Son principe général étoit qu'on ne doit parler que pour montrer & faire fentir quelque vérité, & qu'un Difcours qui ne fert qu'à faire paroître l'efprit de celui qui l'a compofé, fans rien prouver à ceux qui l'écoutent, n'est pas *It Dif- réellement éloquent. « L'Eloquence, difoit-il *, » refuse son secours à ceux qui veulent la réduire » à un fimple exercice de paroles, & les dégra» dant de la dignité d'Orateurs, ne leur laisse » que le nom de Déclamateurs ».

cours, p. 15.

Fidele à fuivre ce principe, il commençoit par choisir un fujet utile, qu'il réduisoit à une propofition intéreffante. Il s'affuroit de la certitude de cette propofition par des preuves qu'il disposoit dans un ordre qui pût en faire la démonstration. Il la présentoit dans le plus beau jour dès l'entrée du Difcours ; il en développoit enfuite toutes les parties dans un plan qui, fans être trop marqué, fe faifoit sentir distinctement; il propofoit enfin des maximes qui en étoient autant de conféquences, & qu'il terminoit en rappellant en termes précis, mais énergiques, le point fixe, & comme l'éguillon qu'il

* II Difcours, p. 15.

vouloit (felon fon expreffion *) laiffer dans co l'ame de fes Auditeurs.

Une forte application qui lui étoit naturelle, augmentée par l'habitude de s'occuper de grands objets, lui faifoit envisager toutes les faces de fon fujet, concevoir & digérer le deffein & l'ordonnance du tableau qu'il vouloit en tracer. Il éprouvoit auffi-tôt * «Que ces mêmes paroles >> qui fuient ceux qui les cherchent uniquement, » s'offrent en foule à un Orateur qui s'eft nourri pendant long-temps de la substance des choses » mêmes; que l'abondance des penfées produit >> celle des expreffions; que l'agréable fe trouve » dans l'utile; & que les armes qui ne font don» nées au Soldat que pour vaincre, deviennent » fon plus bel ornement ».

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Son imagination & fa mémoire sembloient alors s'empreffer à lui fournir à l'envi les termes les plus choifis, & à les mettre dans la place la plus convenable, pour former, par leur liaison, un édifice auffi orné que régulier, qui fe trouvoit achevé en moins de temps qu'il n'en eût fallu à un autre pour rassembler quelques matériaux.

* II Difcours, p. 19.

L'Eloquence couloit de fa plume, même lorfqu'il ne penfoit pas à être éloquent. Il écrivoit toujours bien, parce qu'il s'étoit inftruit parfaitement de l'art de bien écrire. Il l'avoit réduit à quelques regles qui font répandues dans fes Difcours.

Il étoit perfuadé que la clarté eft la premiere vertu du ftyle, & la premiere regle de la Langue Françoise qui s'affujettit plus qu'aucune autre à rendre les penfées nettement. Une expreffion obfcure, ou impropre, lui paroiffoit une faute contre cette Langue, autant que contre l'Eloquence; & il exprimoit fi clairement les idées les plus abftraites, qu'il les mettoit à la portée de tous les efprits.

Attentif à peindre fidélement chaque objet, & à ne joindre jamais enfemble des images difparates, il sçavoit amener ces traits vifs & frappants, que les Anciens appelloient Lumina orationis: il les préparoit fi habilement, qu'ils ne servoient en effet, qu'à augmenter la lumiere, fans produire un faux jour; & il conseilloit de les facrifier, plutôt que de s'expofer au repro

che d'avoir, en cherchant à éblouir, manqué, ou de justesse dans la pensée, ou d'exactitude dans l'expreffion.

Il exhortoit à éviter ce style affecté & ambigu, qui femble dire beaucoup & n'éclaircit rien; qui excite la furprise plutôt que l'admiration; & qui ne paroît au-deffus du langage ordinaire, que par une fuite d'Enigmes, dont plusieurs mêmes ne méritent peut-être pas la peine qu'il faudroit fe donner pour en deviner le mot.

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Il sentoit fur-tout la néceffité indispensable de s'énoncer clairement dans les matieres de Jurifprudence, & encore plus dans la rédaction des Loix. Il ne regrettoit pas le temps qu'il employoit à en dreffer les difpofitions avec une correction, avec une pureté de langage, qui font reconnoître son style dans toutes celles dont il a été l'Auteur. Dans les affaires des Particuliers, il donnoit fouvent l'exemple de cette attention fcrupuleuse fur les termes des Jugements qu'il avoit recommandée à tous les Magistrats dans fes Mercuriales*; & l'on étoit fur- *II Mercu pris de voir l'usage qu'il fçavoit faire, même Cenfureu

riale, fur la

blique, p. 59; dans ces occafions, de l'art de bien écrire.

& XIV Mer

l'Attention, p.

170.

curiale, fur Le ftyle de l'Orateur doit joindre à la clarté l'abondance & les ornements. Mais il vouloit que cette abondance fût femblable à celle d'une terre fertile & bien cultivée, & non à la vaine opulence d'un luxe qui n'aime que le frivole, & n'amaffe que le fuperflu. A l'égard des ornements, il recommandoit qu'ils fuffent convenables au fujet, éclatants fans fard, riches fans profufion, & magnifiques fans oftentation. Ainfi il défapprouvoit également un aridité d'efprit qui ne forme que des traits décharnés, fans graces & fans couleurs, & ces parures recherchées ou mal afforties, qui défigurent souvent ce que l'on croit embellir.

cours, p. 28.

C'est ce qui l'avoit conduit à examiner en *11* Dif- quoi confifte le bon goût *. « Ce goût général » & univerfel, de tous les temps & de tous les » Pays; ce goût de la Nature, qui, malgré les » efforts d'une fauffe éloquence, eft toujours » sûr d'enlever l'eftime des hommes & de forcer » leur admiration ».

*JII Inftruc

tion, p. 347.

Il penfoit qu'il y a un vrai beau *, supérieur

aux

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