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moins fini qui lui donne, pour ainsi dire, un moment pour reprendre haleine. C'est ce que M. d'Agueffeau fon pere, qui joignoit un goût. exquis au talent de l'Eloquence, remarqua dans un de fes Difcours, & lui fit fentir d'une maniere auffi douce qu'ingénieuse. Après en avoir entendu la lecture, il lui dit fimplement qu'il étoit bien. Le fils, frappé de cette espece de filence, qui le privoit des avis dont il auroit. defiré de profiter, & croyant qu'il restoit bien des défauts à réformer dans ce Difcours, le conjura de les lui indiquer. Mais le Pere ne fet rendit point à fes inftances, & lui expliqua ainfi la raison de fon refus: Le défaut de votre Difcours eft d'être trop beau; il feroit moins bien fi vous le retouchiez encore. Ce fait, raconté par M. le Chancelier d'Agueffeau lui-même, avec cette candeur qui fied fi bien à un grand homme, nous a autorisé à proposer ici une critique qui nous fait fentir de plus en plus tout le prix des ouvrages fur lefquels elle peut tomber, puifque leur unique imperfection, eft de n'offrir rien qui ne paroiffe parfait.

Celui qui fe livre ainsi au travail de la révifion en retire l'avantage de fe former un style, qui devient comme fa Langue naturelle, qui fe foutient toujours *, «lors même qu'il n'a pas eu » la liberté de mefurer toutes fes expreffions.... »& l'on croit qu'il a travaillé pendant long» temps à perfectionner un édifice, dont il a eu » à peine le loifir de tracer le premier plan ». On étoit toujours furpris d'entendre M. le Chancelier d'Agueffeau parler, même fans préparation, avec autant d'ordre, d'élégance & d'ornement, que s'il eût prononcé le Difcours le plus médité. Les Connoiffeurs fçauront difcerner dans fes Harangues, celles qu'il a moins travaillées & celles qu'il a revues avec le plus de foin, & ils pourront douter fur la préférence entre les unes & les autres.

LE PRÉCIS que nous venons de faire de ses principes fur l'Eloquence, fuffit pour faire voir que la raison préfidoit à tous fes travaux, & qu'on pouvoit lui appliquer ce qu'il a dit dans sa feconde Harangue: Il penfe comme un PhiloSophe, & il parle comme un Orateur.

* III' Dife

page 40.

Il s'étoit inftruit à fonds de l'art de penfer, & ses Ouvrages méritent l'éloge qu'il a fait d'un excellent Livre compofé par deux grands DiaIV Inftruc- lecticiens, en difant « que l'on y voit * une appli

tion,

page 17.

» cation continuelle des préceptes de la Logi

» que, qui enseignent à renverser les argumens » les plus captieux, & à démêler les sophismes les plus fubtils, en les ramenant toujours aux » regles fondamentales du raisonnement ».

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*

Son génie & fon goût l'avoient conduit jusqu'à ce qu'il y a de plus abftrait dans les Mathématiques, & l'application lui coûtoit fi peu, qu'il en faifoit même son délaffement. « Il les * II* Difc. » regardoit comme les routes naturelles, & fi l'on peut s'exprimer ainfi, les avenues de » l'efprit humain ; mais attentif à ne pas con» fondre les moyens avec la fin », il confeilloit de ne pas s'arrêter uniquement à contempler les vérités qui en font l'objet, mais d'en faire un *1* Inftruc- usage encore plus utile pour* « acquérir la jufteffe d'efprit, la clarté des idées, l'ordre & la » méthode qui font néceffaires, foit pour nous » conduire nous-mêmes à la découverte de la

tion, p. 258.

» Vérité,

»Vérité, soit pour nous mettre en état de la » présenter aux autres avec une parfaite évi» dence ».

L'application qu'il avoit donnée à la Dialectique & aux Sciences abftraites, lui avoit fait fentir que pour s'inftruire, & pour convaincre, le meilleur moyen eft de joindre les regles de la Logique à l'ordre de la Géométrie, en se servant de la premiere pour former des raisonnements forts & concluants, & de la feconde pour les arranger* de telle maniere qu'ils ten-, *IV'Inftruc; dent au même but, par une espece de gradation de vérités qui naiffent toujours l'une de l'autre, & fe fortifient mutuellement. C'eft ainfi que ❝par un fecret enchaînement de propofitions également fimples & évidentes, l'efprit eft >> conduit de vérités en vérités; enforte que l'on >> eft furpris de voir que la fimple méthode a » fervi de preuve, & que l'ordre feul a produit » la conviction 55.

* * II Dife

La même méthode appliquée à toutes les parties de la Philofophie, lui avoit ouvert une route également sûre & lumineufe, par laquelle Tome I.

d

pag. 17.

il avoit fait un progrès qui étonnoit ceux mêmes qui les avoient le plus cultivées.

Il avoit une trop grande idée de cette science en général, pour la confondre avec une liberté préfompteufe, qui fans étude, fans principes, fans autre maître que l'amour-propre, se croit en droit de tout détruire & de tout construire à fon gré, & rejettant toute vérité, ne rassemble que des chimeres.

Le véritable Philofophe s'éleve par un bon •ufage de la raison, à des notions fimples & indubitables, d'où il defcend par degrés à des conféquences certaines, loin de vouloir enlever à notre Intelligence jufqu'à ces premieres notions, & renverfer avec elles toute science, & la Philofophie elle-même. Il fçait qu'il y a une lumiere qui éclaire tous les Efprits, une voix qui * Effai fur le parle à tous lesc œurs, des * Loix primitives, reconnues même par ceux qui y font rebelles que l'Auteur de la nature & de la raifon dicte également à tous les hommes, & qu'il a gravées dans le fonds de notre Etre. C'eft-là qu'il puife la connoiffance des devoirs de l'homme, loin

Droit Public.

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