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de flatter fes erreurs, en faisant naître la Société de l'orgueil & de l'intérêt, qui font les fources des divifions entre les Particuliers & entre les Peuples. Il regarde les Paffions comme un trouble de l'ame, non comme le reffort qui doit la mouvoir; comme des maladies qu'elle éprouve, non comme fon état naturel. Il fuit ce qui pourroit exciter leurs agitations, pour vivre fous l'empire paifible de la Raison. Dans un calme profond, il goûte cette fatisfaction pure, cette douce joie, que la vue de la Vérité peut feule produire, qui lui paroît un bien au-dessus de tous les biens extérieurs, & véritablement digne d'un Etre raisonnable. Tels furent autrefois ces Sages, qui après avoir fait l'honneur de leur fiécle, ont fait l'admiration des fiécles fuivans; & tel a été de nos jours M. le Chancelier d'Agueffeau.

Plus heureux & plus inftruit que ces anciens Sages qui connurent l'Etre fuprême, & ne lui rendirent pas l'hommage qu'ils lui devoient, & qui chercherent envain, dans eux-mêmes, leur force, leur gloire & leur bonheur; il étoit intimement convaincu qu'il n'y a que la Religion

qui puiffe apprendre à l'homme ce qu'il a été, ce qu'il eft, ce qui peut le rendre tel qu'il doit *Ire Inftruc- être ; que * « les préceptes qu'elle renferme font

tion, p. 260.

page derniere.

» la route assurée pour parvenir à ce fouverain

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Bien que les anciens Philofophes ont tant cher» ché, & qu'elle feule peut nous faire trouver ». *IV Inftr. Que c'eft elle* «qui doit animer tous nos tra» vaux, qui en adoucit la peine, & qui peut » feule les rendre véritablement utiles ». Il en avoit tiré cette conféquence que la Religion eft *11 Inftr. la vraie Philosophie *. Les Lecteurs trouveront dans plufieurs endroits des Ouvrages con*Voyez I tenus dans ce Recueil *, ce que pensoit fur une

page 289.

Inftruct. page

260 & fuiv. matiere fi importante un Magiftrat qui s'eft ac

p.

Ile Inftruct.

le

288 & fuir. quis à tant de titres la réputation de Sçavant, Droit Public. d'homme d'Efprit & de grand Philosophe.

De-là, cette Philofophie Morale, auffi conforme à la Raison, mais plus parfaite que celle des Dialogues de Platon, & des Offices de Ciceron, qui rendit M. d'Agueffeau refpectable dès fa jeuneffe. C'eft cette Philofophie dont il *Ier Difc. donne une fi noble idée, en difant que *«l'hom» me n'est jamais plus libre que lorfqu'il affujet

page 7.

tit fes Paffions à la Raifon, & fa raifon à la » Juftice ». Il parloit ainfi dans fa premiere Harangue, à l'âge de vingt-cinq ans ; & l'on peut dire que l'occupation de toute fa vie a été de réprimer les Paffions dans lui-même & dans les de remonter aux premieres idées de la Justice, pour les faire goûter aux autres, après s'en être rempli lui-même.

autres,

C'est à ces deux objets principaux que l'on peut rapporter fes Difcours, par lefquels nous avons cru que le Recueil de fes Ouvrages devoit commencer, & qui en feront le premier Volume. Il fera fuivi d'autres Tomes, à mesure que nos recherches pourront nous en fournir la matiere, & nous mettre en état de répondre aux defirs du Public. On y verra l'usage qu'il a fait fucceffivement dans les fonctions importantes dont il a été chargé, de l'Art de la parole, & de la Science du raifonnement.

LE PLAN qui nous a paru le plus naturel, a été de placer enfemble les Difcours qui font du -même genre, en obfervant entre eux l'ordre de

leurs dates, dont nous nous fommes informés le plus exactement qu'il nous a été poffible.

Ce Volume fera donc partagé en quatre Parties, qui contiendront quatre différentes efpeces de Difcours.

1o. Ceux qui ont été prononcés à l'ouverture des Audiences du Parlement.

2o. Les Mercuriales.

3°. Les Réquifitoires faits au Parlement en différentes occafions, auxquels nous joindrons un Difcours prononcé à la Chambre de Justice en 1717.

4°. Des Instructions fur les Etudes propres à former un Magiftrat, & un Effai fur le Droit Public, qui concerne un des principaux objets de ces Etudes.

La premiere Partie fera la moins étendue. On fçait que les Difcours qui s'adressent aux Avocats, à l'ouverture des Audiences, se font par les trois Avocats Généraux, chacun à leur tour. M. d'Agueffeau n'ayant exercé la Charge d'Avocat-Général que pendant dix ans, n'en a prononcé que trois. Mais ils pourroient former

enfemble un corps d'Ouvrage d'Eloquence & de Morale fur la profeffion d'Avocat, dans le goût du Livre de Ciceron de l'Orateur, & des Traités de Quintilien. En effet, ils ont pour objet d'établir, en premier lieu, en quoi confifte la principale gloire d'une profeffion fi honorable; en fecond lieu, quelle eft la fource de la faine Eloquence; & enfin, quelles font les causes qui peuvent la faire dégénérer.

Le premier fujet lui donna occafion de faire

*

cours, p. 12.

voir que l'Indépendance de la fortune élever Di l'homme au-dessus des autres hommes, & que la dépendance de la Vertu l'éleve au-deffus de lui-même.

Le fecond fujet l'engagea à traiter le fond même de l'Art de perfuader, dont la fource est dans la connoiffance de l'homme, & dans ceile de la Morale, & il fit voir auffi que c'est par ces connoiffances que l'on parvient à* réunir l'Art de bien vivre à celui de bien parler.

Il trouva le troifiéme fujet dans le Dialogue de Caufis corrupta Eloquentiæ, que l'on croit être de Quintilien, & que quelques Sçavanis

* II Dif cours, p. 28.

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