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avoir recours à ces trésors toujours ouverts, à cette fource inépuisable de lumieres & de prudence, pour se remplir de ces grandes Regles, de ces principes invariables qui élevent l'efprit & qui fortifient le cœur du Juge. Par-là il arrivera promptement à ce point de maturité qu'on n'acquiert souvent que par une expérience tardive.

Chargé des plus grands intérêts de la Juftice, il ne pourra être fupérieur au poids, à la multitude & à la diverfité des affaires, s'il n'a reçu de la naiffance une mémoire excellente qui faififfe avec promptitude & qui ne perde jamais les connoiffances qu'elle a faifies, une pénétration d'efprit capable de tout approfondir, un jugement exquis & folide qui le conduife sûrement à la décifion, s'il ne met à profit ces dons de la Nature, par une application qui ne foit jamais divertie, par un oubli de tous les plaifirs, hors de celui de fervir le Public. Pour relever un Ministere fi faint & fi utile, il doit encore perfectionner ces préfents du Ciel par une piété fans oftentation, fidéle à tous les devoirs de la Religion, par une noblesse de fentiments incapable de se démentir, & par un zele de la juftice qui foit le principe & la force de toutes fes actions. Enfin, il faut qu'aux qualités de l'efprit qui font naître l'admiration, il ajoute toutes les vertus du cœur, feules capables de mériter toute la confiance.

Je ne fais point d'application: vos fentimens la feront fans que j'y contribue. Cette réputation univerfelle, acquise par tant d'actions célebres, l'avoit déja prévenu; mais le Barreau qui fe fentit animé d'une nouvelle ardeur, qui fut excité à faire de nouveaux efforts pour se rendre digne des bontés de la Cour, publiera toujours combien il fut redevable à de fi grands exemples. Cet illuftre Barreau que M. le Chancelier a chéri avec tant de tendreffe, (il nous permet encore cette expreffion) qu'il a protégé fi utilement & en tant de manieres, auquel il a fi fouvent tracé l'image de la plus parfaite éloquence & de la plus exacte probité fi néceffaire à l'Orateur, ne perdra jamais ni la mémoire de fes vertus, ni la reconnoiffance de fes bontés.

Heureux ceux qui ont pû contempler de plus près toute la force & l'étendue de ce grand Génie; pénétrer dans ces Cabinets où tout infpiroit la science & la vertu, où l'innocence des mœurs, la pureté des fentiments, la candeur, l'ingénuité, l'humanité, la douceur de la Société fe joignoient à une capacité qui non-feulement embraffoit toutes les parties de la Jurifprudence, mais qui s'étendoit encore à toutes les Sciences qui pouvoient ou être utiles ou enrichir l'efprit.

On avoit craint jufques-là de se livrer à des connoiffances qui ne paroiffoient étrangeres que parce qu'on les regardoit comme trop abftraites dans leur objet, comme infinies dans leur étendue & M. le Chancelier les avoit épuifées fans s'être jamais écarté des fonctions de la Justice, fans avoir rien ignoré de ce qui étoit effentiel à fes devoirs. Ce qui auroit rempli la vie de plufieurs hommes, n'avoit été que l'occupation de fon repos & le délaffement de fon efprit.

Auffi confommé dans toutes fes connoiffances que s'il n'en avoit cultivé qu'une feule, les plus éclairés, ceux qui excelloient, étoient furpris de voir que fes vues avoient été plus loin que l'application la plus conftante. Esprit véritable ment fublime, efprit né pour être l'ornement de fon Siécle, il fourniffoit à ceux qui avoient vieilli dans l'étude de ces différentes Sciences, de nouvelles réflexions, des routes jufqu'alors inconnues, pour les porter jufqu'à leur derniere perfec

tion.

Quelles efpérances ne conçut-on pas fur le progrès d'un mérite fi rare & fi univerfel? Quelles dignités parurent être au-deffus de fa capacité! Quels vœux ne forma-t'on point pour fon Elévation? Et qui ne crut que former des vœux en fa faveur, c'étoit en former pour l'honneur de la Justice & pour le bien de l'Etat?

Il paffe dans la place de Procureur Général, dans un temps où les travaux pénibles de la Charge d'Avocat Général caufoient de juftes allarmes pour fa fanté.

Le Public en fut redevable à un grand Magiftrat, * dont la mémoire sera toujours révérée dans ce Tribunal. Ce Magif

* M. le P.P. du Harlay.

trat, exact obfervateur d'un mérite auquel ceux qui s'offenfent de la Vertu même ne pouvoient refuser leur estime, inspiré, forcé par le feul intérêt du bien public, avoit fait connoître au Roi combien il lui étoit important de fe conserver dans une autre fonction, un fi excellent défenfeur de fes droits, un protecteur fi zèlé des intérêts de l'Eglife & du Public.

M. d'Agueffeau fut alors perfuadé qu'il devoit fe remplir de tout votre efprit, s'animer de tout votre zèle, fe revêtir, pour ainfi dire, de toute votre justice, fe regarder comme comptable envers vous de la police de toutes les Jurifdictions qui vous font foumises, responsable de l'ordre de toutes les Magiftratures, chargé de l'exécution de toutes les Loix, tenu de vous déférer tous les abus, & de prévenir rous les défordres.

Il crut que non-feulement le Palais, non-feulement cette grande Ville, mais les Provinces les plus éloignées de votre Reffort, devoient reffentir les effets de fes foins & de fon application; que par une continuelle correspondance avec tous les Magiftrats inférieurs, il étoit obligé de porter-par-tout l'impreffion & le refpest de votre Autorité, former entre ce premier Tribunal, & les Tribunaux fubalternes, cet accord parfait, fi néceffaire pour maintenir l'ordre, & pour faire régner une discipline uniforme; fe prêter fans réserve à tous les befoins de la Juftice, être inftruit de tout, remédier à tout, à l'impunité des crimes, à l'oppreffion des foibles, à l'indolence des Officiers, à leurs divifions fi fatales au Public, l'abus de leur autorité, à l'excès même de leur zèle.

à

Cenfeur néceffaire de tous les vices par fa Dignité, il fe propofa de faire respecter la Censure fans la rendre odieuse; & fans rien relâcher de l'autorité des Loix ni de la rigueur de fon Ministere, de n'affecter ni un zèle farouche, ni une austérité inflexible, dont le feul fruit eft d'irriter & non de corriger, d'imprimer la crainte fans inspirer la vertu; d'imiter enfin la perfection qu'un grand Philofophe defiroit dans la Loi même, de gagner fouvent les hommes, de perfuader beaucoup, fans employer par-tout les menaces & la terreur des peines.

C'eft

C'est à vous, Meffieurs, à décider fi M. le Chancelier a rempli ce caractere qu'il s'étoit propofé: fon attention à toutes les fonctions de fon Miniftere vous eft connue.

Vous fçavez encore fi fon exemple, plus efficace que la Loi même, fi cette vie toujours irréprochable, ne fut pas une cenfure utile & continuelle, qui ramenoit les hommes à la regle, & qui les faifoit rentrer dans l'ordre, autant par le defir de l'imiter que par la honte qu'il y avoit de perféverer dans le défordre.

Dans ces jours confacrés à la cenfure publique, il forma l'idée du Magiftrat accompli, du Juge exempt de toutes les foibleffes, élevé au- deffus de toutes les craintes, de toutes les affections, perfectionnant la Juftice par la Religion, & réduifant toutes fes vues & fes defirs à l'accompliffement de fes devoirs. Il avoit trouvé dans ce Tribunal un grand nombre d'excellents & de parfaits modeles de ce Magiftrat accompli. Mais ne l'avoit-il pas lui-même exprimé par fes mœurs & par fa conduite? & par-là n'étoit-on pas encore engagé à s'affermir contre le relâchement, & à fe fortifier dans la vertu?

Mais fa modeftie ne peut être bleffée, fi je dis que de toutes les fonctions attachées à fa Dignité, celle qui l'intéressa le plus, celle qui lui fut la plus chere, fut d'être par devoir & état le protecteur des pauvres & des malheureux. Je n'ai garde de divulguer ici les fecrets de fa charité, je ne parle que du Magiftrat Public.

par

Il eut toute la tendreffe & toute la prévoyance d'un pere de famille, pour régler & pour foutenir ces Hôpitaux, afiles tant de miferes, que la piété a édifiés, & que le malheur temps a fi fouvent menacés d'une ruine prochaine.

de

des

Ceux qui gémiffoient dans d'obfcures prifons, foit par la malignité de leurs ennemis, foit par l'injuftice de leur fortune, trouvoient un accès toujours libre pour faire parvenir jufqu'à lui le récit de leur infortune & de leurs difgraces; ou plutôt, fon attention les prévint & pénétra jufques dans ces affreufes demeures, quelqu'éloignées qu'elles fuffent, pour leur procu

Tome I.

i

rer par fes fecours & par fon autorité, ou la fin ou le foulagement de leurs maux.

Survient-il une disgrace univerfelle dans le Royaume ? la rigueur de l'hiver a-t-elle anéanti fans reffource l'espérance de la moiffon? Egalement fenfible aux miferes publiques & particulieres, fon coeur en eft agité, il en ett pénétré, fa prudence n'en eft point déconcertée : il court aux remedes & aux précautions. Le plus grand, le plus vif de tous les intérêts n'a jamais excité des follicitations plus empreffées auprès du Souverain & des Miniftres, que celles que M. le Chancelier employa pour obtenir & pour faire avancer ces fecours étrangers, feuls capables de remédier abfolument au mal, mais que les obstacles d'une longue guerre rendoient trop tardifs.

Dans l'attente de ces remedes éloignés & incertains, il fit renouveller ces anciennes Loix qui furent l'ouvrage d'un grand Chancelier, pour faire circuler toutes les réserves que l'avarice avoit formées, que l'inhumanité déroboit aux befoins publics.

Vous lui accordâtes ces Réglemens fi falutaires, qui par une fubfiftance néceffaire confervoient la vie à tant de perfonnes destinées à périr par la faim & par la néceffité; en un mot, il réveilla l'activité de tous les Magiftrats, fon esprit anima tout, fon zele fe répandit dans toutes les Provinces, & s'il ne put vaincre le mal, du moins eut-il la confolation d'en diminuer l'excès & d'en abréger la durée.

Combien d'autres différents genres de mérite! Vos réflexions vous repréfentent tout ce que ce grand Magiftrat a fait de concert avec vous, dans le cours d'un Miniftere fi important, pour l'intérêt de l'Eglife, pour le bien de l'Etat, pour la dignité de cette augufte Compagnie. Que je fouhaiterois pouvoir parler de cette fermeté d'ame prête à facrifier, non des efpérances qu'il ne forma jamais, mais fa Dignité même, plutôt que de prêterfon Miniftere au facrifice de nos faintes Libertés, de ces Loix fi anciennes, que nos Peres ont toujours regardées comme le fondement de la Religion & de l'Etat? Que ne m'est-il permis d'expofer à vos yeux d'autres exemples de

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