Tentacions. Tirer du chofe dans le monde que corruption & que mifere, on doit être dans une joye continuelle,lorfque par une grace particuliere de Dieu on s'en eft détaché entierement. 406. C'est une chofe ordinaire à ceux qui entrent dans le fervice de Dieu de croire qu'ils n'y avancent pas à cau. fe des tentations qui les font quelquefois tomber. Mais ils en doivent laiffer le jugement aux Miniftres de JESUSCHRIST, qu'il a nommés la lumiere du monde : & pourvû que leurs chûtes n'aillent pas jufqu'au peché mortel, ils ne doivent point s'en troubler. 407. Dieu tire de nos plus grands bien du pechés de grand biens. Et le diable au contraire tâche de tirer de grands maux des plus grands biens que font les Juftes. mal. Contre le 408. La premiere chofe qu'il faut trouble faire après les chutes qui ne tuent pas l'ame, c'est d'entrer dans une paix intérieure pour s'opposer au démon, qui fçachant que même les plus juttes péchent fept fois le jour, tâche de jetter le trouble dans leur efprit comme le meilleur moyen de les pouffer enfuite Chutes dans le précipice. & reme ales. 409. Un excellent moyen de nous re lever de nos chûtes, eft d'élever aussitôt notre pensée vers Dieu, pour lui témoigner dans un humble & paifible aveu de notre faute & fans y employer aucunes paroles, que nous connoiffons notre mifere. Car ce filence est comme une suspension de notre efprit, qui montre que nous fçavons que Dieu feul eft la force de notre ame, & qu'il n'y a que lui qui la puiffe rendre victorieufe des démons, des objets du monde, & des images de nos fautes paffées qui feroient capables de nous troubler. Fautes 410. Tant s'en faut que les fautes legeres nuifent à ceux qui ont foin de les legercs. réparer,que fouvent elles leur fervent. Ils en deviennent plus défians d'euxmêmes, plus confians en Dieu, plus vigilans, plus retenus, & plus forts pour réfifter au demon. bles. 411. Comme l'Apôtre dit de fes bon- Chûtes nes œuvres que ce n'étoit pas à lui inévita qu'on les devoit attribuer, mais à la grace de Dieu qui étoit en lui, les créatures qui font de mauvaises impreffions en nous, peuvent dire que ce n'eft pas elles qu'on en doit accufer, mais la malignité de l'enfer répandue en ellès. Prétendre s'en pouvoir exem tcs. ter feroit vouloir épuiser de démons Ménager 412. Toute notre vertu consiste à J.C.ne de nous 413. Comme après l'hyver quand le fe rap foleil revient des extrémités du monde proche pour nous rendre les jours de l'Eté, il ne fe rapproche que peu à peu: Ainfi les ames qui ont été long-tems dans une espece d'hyver par l'éloignement de la grace, ne fçauroient recevoir de que peu à peu. ९ la chaleur & des lumieres femblables à celles des jours de l'Eté,que lors que le foleil de juftice qui eft JE S U SCHRIST, commençant de paroître en elles, elles détruisent peu à peu par divers exercices de pieté leurs mauvaises habitudes. Cependant elles doivent fouffrir avec patience le retardement de ces jours divins après lefquels. elles foupirent, & s'eftimer heureufes d'être affûrées que nonobftant les nuages que forment leurs chûtes, elles arriveront enfin à ce grand midi qui détruira non feulement toutes leurs ténébres, mais jufques à leurs moindres ombres. 414. Rien ne fait tant croître la gra- Péchés ce dans l'ame des juftes & ne les forti- veniels& té. fie davantage que l'humilité du cœur: humili & il n'y en a point de plus grande que celle qui naît des péchés commis par notre infirmité naturelle, ou par l'habitude que nous avons contractée, Ou par tous les deux enfemble. Ainfi quand il arrive que l'humilité fe multiplie autant que ces péchés veniels il n'eft pas infirmité par commis croyable combien ils donnent moyen de multiplier ces mouvemens d'humilité, & nous rendent forts contre les Contre le trouble. Difficul péchés multipliés de cette forte. 415. Plufieurs exemples de l'Ecriture nous apprennent que l'orgueil ce grand ennemi de la grace qui eft toute dans l'humilité, eft fouvent plus ruiné par nos péchés que par nos vertus : ce qui fait qu'on ne doit jamais fe troubler jufques à approcher pour peu que ce foit de la défiance & du désespoir. Cain & Judas y tomberent pour n'avoir pas voulu faire pénitence ni pleurer avant le pardon de leurs péchés, comme faint Pierre, & travailler après le pardon comme faint Paul. 416. S'il y a de l'orgueil à croire té à for- que l'on ait le même pouvoir de fe retir du pé- tirer du péché que l'on a eu d'y tomber, il y en a encore davantage à s'imaginer qu'on le puiffe faire avec la même facilité. ché. Ne fe 417. C'est une grande marque de la troubler grace de Dieu, d'être fidéle dans la des ten- tentation, & de ce que nos fautes nous tations. reviennent dans l'efprit & nous donnent de la peine. C'eft fe foûtenir & non pas tomber: c'eft vaincre, & non pas être vaincu que de fe trouver C'eft re- en cet état. culer que 418. Quand on auroit mené la vic de ne pas du monde la plus chrétienne, on re avancer. |