Imágenes de páginas
PDF
EPUB

La prémiere, réprit Afinodée, ett une Vicille Marquise qui aimoit un jeune Officier qui fervoit en Flandres. Elle lui avoit donné une groffe fomme pour faire sa Campagne. Elle s'avisa de confulter une Dévineresse pour favoir ce qu'il faifoit. La Dévineresse le lui montra dans un verre. La Marquise le vit aux genoux d'uue jeune Flamande, & elle en a perdu l'efprit

La feconde est lafemme d'un Corregidor à qui la rage d'avoir été appellée Bourgeoise par une femme de la Cour a troublé la raifon. Latroifiéme eft une Procureuse qui preffoit fon mari de lui acheter une croix de diamants de dix mille ducats. Il n'en a voulu rien faire. Elle en est devenuë folle. Après la Procureuse est une Coquette à qui la tête a tourné de dépit d'avoir manqué un grand Seigneur, dont elle avoit médité la rnine. Dans ces deux petites loges au dessous de ces Dames, il y a deux Servantes qui ont perdu l'esprit. L'une de douleur de n'être pas fur le Teftament d'un vieux Garçon qu'elle a servi; & l'autre de joye, en apprenant la mort d'un riche Trésorier dont elle eft unique heritiere.

G6

Après

Après vous avoir montré les foux qui font enfermez, poursuivit le Diable, il faut que je vous en faffe voir qui meriteroient de l'être.

CHAPITRE XI.

Qui devroit être plus long que le précédent.

T

Ournons-nous du côté de la Ville, & à mesure que je découvrirai des sujets dignes d'être mis au nombre de ceux qui font ici, je vous en dirai le caractére. J'en vois déja un que jene veux pas laiffer échapper. C'est un nouveau Marié. Il y a huit jours que fur le rapport qu'on lui fit des coquetteries d'une Avanturiere qu'il aimoit, il alla chez elle tout en fureur, brifa une partie de ses meubles, jetta l'autre par les fenêtres, & le lendemain il l'époufa. Un homme de la forte, dit Dom Cleofas, merite affûrément la premiére place vacante en cette maison. Ila un voifin, réprit le Démon, que je ne trouve pas plus fage que lui. C'est un Garçon de quarante cinq ans qui a dequoi vivre, & qui veut se mettre au fervice des Grands.

J'apJ'apperçois la Veuve d'un Jurisconfulte. Elle a soixante ans passez, la bonne Dame. Son mari vient de mourir. Elle s'est retirée dans un Couvent afin que fa reputatinn soit, dit elle, à l'abri de la médisance. Je découvre aussi deux Pucelles, deux filles, dis-je, de cinquante ans qui font des vœux au Ciel pour qu'il leur enleve leur Pere qui les tient enfermées comme des mineures. Elles espérent qu'après sa mort elles trouveront de jolis hommes qui les épouseront par inclination. Pourquoi non, dit l'Ecolier? Il y a des hommes d'un goût fi bizarre! J'en demeure d'accord, répart le Diable; elles peuvent trouver des épouseurs, mais elle ne doivent pas s'en flatter. C'est en cela que confiste leur folic.

Il n'y a point de païs où les femmes se rendent justice fur leur âge. Il y a un mois qu'à Paris une fille de quarante-huit ans & une femme de foixanteneufallerent chez un Commiffaire témoigner pour une Veuve de leurs amies dont on attaquoit la vertu. Le Commissaire interroge d'abord la femme & lui demande fon âge. Quoique fon Extrait Baptiftaire fût écrit sur son front,

G7

front, elle ne laissa pas de dire hardimeant qu'elle n'avoit que quarante ans. Après qu'il l'eût interrogée, il s'adreffa à la Fille: Et vous, Mademoifelle, lui dit-il, quel âge avez-vous? Passons aux autres questions, Monfr. le Commiffaire, répondit-elle, on ne doit point nous demander cela. Vous n'y pensez pas, Mademoiselle, repritil; ignorez-vous qu'en Justice il faut confeffer la verité? Ohil n'y a Justice qui tienne, répliqua brusquement la Fille! Mais je ne puis, dit-il, recevoir vôtre dépofition si vôtre âge n'y est pas. C'est une circonstance requife. Si cela eft absolument néceffaire, répartit-elle, regardez-moi donc avec attention & mettez mon âge en confcience. Le Commiffaire fans la bien examiner, marqua vingt-huit ans. Il lui demanda ensuite fi elle connoiffoit la Veuve depuis long-temps? Avant fon mariage répondit-elle. J'ai donc mal cotté vôtre âge, reprit-il, car je ne vous ai donné que vingt-huit ans, & il y en a vingt-neuf que la Veuve est mariée. Hé bien, Monfieur le Commiffaire, repartit la Fille, écrivez donc que j'en ai trente; j'ai pû à un an connoître

noitre la Veuve. Cela ne seroit pas régulier, répliqua-t-il, ajoûtons en une douzaine. Non pas, s'il vous plaît, interrompit-elle; tout ce que je puis faire, c'est d'y mettre encore un an; mais je n'y mettrois pas un mois avec, quand il s'agiroit de mon honneur. Quand elles furent forties de chez le Commissaire, la femme dit à la Fille: Admirez un peu ce nigaud qui nous croit affez fottes pour lui aller direnôtre âge au juste. Ce n'est pas affez vraiment qu'il foit marqué fur les Regiftres denos Paroiffes, il veut encore l'écrire fur ses papiers, afin que tout le monde en foit inftruit. Pour moi, je me mocque de cela J'ai fupprimé vingt années à bon compte: vous avez fort bien fait d'en faire autant. Qu'appellez vous autant, répondit la Fille d'un ton brusque? vous vous mocquez de moi, j'ai tout au plus trente-cinq ans. Hé, ma petite, réprit l'autre d'un air malin, à qui le ditesvous? je vous ai vû naître. Il y a longtemps à la verité. Je me souviens d'avoir vû vôtre Pere. Lorsqu'il mourut, il n'étoit pas jeune, & il y a près de quarante ans qu'il est mort. Oh mon Pere,

« AnteriorContinuar »