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deffein de vous montrer de ce lieu élevé tout ce qui fe paffe à l'heure qu'il eft dans Madrid. Je vais par mon pou? voir diabolique enlever les toits des maifons, & je veux que malgré les tenebres de la nuit, le dedans fe découyre fans voile à vos yeux. A ces mots, il ne fit fimplement qu'étendre te bras droit, & auffi tô: tous les toits parurent enlevez. Alors l'Ecolier vit comme en plein midi tout l'interieur des maifons.

Le fpectacle étoit trop nouveau pour n'attiter pas toute fon attention. Il promena fa vûë de toutes parts, & la diverfité des chofes qui l'environnoient eut dequoi occuper long-temps fa curiofité. Seigneur Ecolier, lui dit le Demon, cette confufion d'objets que vous regardez vec tant de plaifir eft à la vérité trèsagreable à voir; mais pour vous donner une parfaite connoifance de la vie humaine, il faut que je vous explique ce que font toutes ces perfonnes que vous voyez Je vais vous reveler les motifs de leurs actions & Icurs plus fecrettes penfées.

Confiderez d'abord dans cette mai

fon

fon à droite ce veillard qui compte de l'or & de l'argent, c'eft unavare. Admirez ce vieux fou; avec quel plaifir il contemple fes richeffcs! il ne peut s'en raffafier. Mais regardez en même temps ce que font fes heritiers dans la chambre prochaine; ils ont fait venir fecrettement une foreiere, pour demander quand il mourra. Remarquez dans la maifon voifine cette vieille Coquette qui fe couche après avoir laiffé fes cheveux, fes foureils & fes dents fur fa toilette. Voyezvous plus loin ce Galand fexagenaire qui revient de faire l'amour, il a déjà ôté fon ceil & fa mouftache poftiche, & fa perruque qui cachoit une tête chauve; il attend que fon valet lui Ste fon bras & fa-jambe de bois pour fe mettre au lit avec le refte.

I

Jettez les yeux fur cet Hôtel magnifique, vous y verrez un and Seigneur couché dans un fuperbe appartement. Il a près de lui une caffette remplie de billets doux. 11 Tes lit pour s'endormir voluptueufement, car ils font d'une Dame qu'il adore, & qui lui fait faire tant de dépenfe qu'il fera bien-tôt réduit à folliciter

une

une Viceroyauté. Remarquez dans la maifon prochaine à main gauche, Dona Fabula qui vient d'envoier chercher une Sage-femme; elle va donner un heritier à Dom Torribio fon mari. N'étes vous pas charmé du bon naturel de ce Cavalier? Les cris de fa chere moitié lui percent l'ame; il est pénetré de douleur, il fouffre autant qu'elle; avec quel foin & quelle ardeur il s'empreffe à la fecourir! Effectivement, dit l'Ecolier, voilà un homme bien agité; mais en recompenfe j'en apperçois un autre qui dort fort tranquillement dans cette même maifon, fans fe foucier du fuccez de l'affaire. La chofe le regarde pourtant, reprit le Boiteux, c'eft un domeftique qui eft la caufe premiere des douleurs de fa Maîtreffe. Regardez au dela cet hypocrite qui fe trotte de vieux oing, pour aller à une affemblée de forciers qui fe tient cette nuit entre S. Sebastien & Fontarabie. Je Vous y porterois tout à l'heure pour vous donner cet agreable paffe temps, fi je ne craignois d'être reconnu du Demon qui y fait le bouc. C'est un Coquin qui me trahiroit; il ne manque

roit pas de donner avis de ma fuite à nôtre Magicien. Ce Diable & vous, dit l'Ecolier, vous n'étes donc pas bons amis? Non vrayemnt,, repartit Almodée; il y a deux ans que nous eûmes enfemble à Paris un démêlé pour un enfant de famille qui fongeoit à s'établir. Nous pretendions tous deux en difpofer ; il en vouloit faire un Commis, j'en voulois faire un homme à bonnes fortunes; nos catharades en firent un mauvais Moine pour finir la difpute. Après Icela on nous reconcilia, nous nous 'embraffames; depuis ce temps-là nous fommes ennemis morrels.

Laiffons-là

morrels.uole

tte belle affemblée,

dit D. Cleofás, & continuons d'e xaminer ce qui fe paffe en cette Ville. J'y confens, reprit Je Diable, rions un peu de ce vieux Muficien, qui chante une chanfon paffionnée a fa jeune femme. Il veut qu'elle en admire l'air qu'il vient de compofer; mais elle en aime mieux les paroles, parce qu'elles font d'un beau Cavalier dont elle eft aimée, & qui les a données à fon mari pour les mettre en chant. Mocquons-nous de

ce.....

ce.

Attendez, je vous prie interrompit Dom Cleofas, apprenez-moi auparavant ce que fignifient ces étincelles de feu qui, fortent de cette ca ve? C'eft une des plus folles occupations des hommes,répondit leBoiteux, Celui que vous voyez dans cette cave auprès de ce fourneau embrafé cft un fouffleur. Le feu confume peu à peu fon riche patrimoine, & il ne trouvera jamais ce qu'il cherche, parce qu'entre nous la pierre philofophale n'est qu'une belle chimere, que j'ai forgée moi-même pour me jouer de l'efprit humain, qui veut paffer les bornes qui lui ont été preferites Et qui font, reprit l'Ecolier, ces femmes que je vois à table dans la maison voifine? Ce font deux fameufes Courtifancs, repartit le Diable, & ces deux Cavaliers qui font la débauche avec elles, font deux des plus grands, Seigneurs de la Cour. Ab qu'elles me paroiffent jolies & amufantes, dit D. Cleofas je ne m'étonne pas fi les gens de qualité les courent. Quelles font de careffcs à ceux-là, il faut qu'elles foient bien amoureufes d'eux! Que vous étes jeune, repliqua l'Ef

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