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la Fontaine, il n'y en a point qui ait mieux fuivi les traces de ce grand Maître que M. Richer. On trouve dans fes Fables une netteté & une précifion embellies de mille traits avoués de la nature, & il n'y a rien à défirer qu'un peu plus de vi→ vacité, & certain enjoûment que ces réflexions, fi familieres à la Fontaine, jettent dans la narration. On peut auffi lui reprocher je ne fçai quelle égalité qui approche de la monotonie. Son ftile manque de cette variété qui pique la curiofité du Lecteur, & ne lui permet pas de s'ennuyer. C'eft au Public à prononcer fur le recueil que j'ofai lui donner il y a trois ans, de trente-deux Fables accompagnées de quelques autres Poëfies. Un Critique hebdomadaire me fit une especê de crime de la facilité qui paroît, dit-il, dans ma verfification; d'autres m'ont fait l'honneur de les approuver en général, & fi j'ofe être l'écho de ces juges fans

C

xxvj DISC. SUR LA FABLE. doute trop indulgens, d'en compa rer quelques-unes à celles de la Fontaine; je puis dire que fi la critique ne m'a point abattu le courage, la louange ne m'a point infpiré de vanité. L'une & l'autre n'ont fervi qu'à me rendre plus attentif dans la compofition de ces nouvelles Fables. Je ne me jetterai point aux genoux du Public pour implorer fa protection. Un juge équitable ne donne rien aux follicitations & tout à la bonté de la cause.

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FABLES NOUVELLES.

FABLE I.

Le Payfan accufé de Magie. Labor improbus omnia vincit.

P

Auvreté fouvent eft un vice : Tel s'en plaint tous les jours qui peut s'en garantir.

A la Cigale avec justice,

Commere la Fourmi fçut le faire fentir. Mais comment l'éviter, file fort peu pro

pice

En faveur d'un mortel ne veut fe démentir? Au lieu d'apostropher le fort & fa malice, Travaillez le travail domtera fon caprice, C'est le lot que le Ciel voulut nous départir.

A

Certain homme, parent du vieillard de
Corice, *

Pour tout bien n'eut qu'un champ, dont cent fois en un jour

Il eût fans fe laffer aifément fait le tour. D'ailleurs terrain ingrat, & chez qui la Na?

ture

Sembloit du Laboureur défier les travaux.
Mais travaillant fans ceffe, à force de culture,
Le Maître industrieux corrigea fes défauts.
Cent fois au même endroit fa pioche re-
paffe :

Le terroir étoit fec; rigoles & canaux
Y conduifent de loin leurs falutaires eaux
Du tuf & des cailloux le fumier prit la
place:

Dans fon enclos enfin il fixa pour jamais
Et la brillante Flore, & la blonde Cérés.
Tous les ans fa richeffe augmente:
II n'étoit de beaux fruits que fur fes espal-

liers;

Les voifins n'avoient rien, fa recolte abon

dante

* Vid.Virg. Georg. Lib. IV. vers, 1274

Rempliffoit toujours fes greniers,
Son bonheur excita l'envie,
Et partant la calomnie.

Tant de fertilité n'a rien de naturel;
Mon voifin eft forcier, je le donne pour tel,
Dit unManant jaloux; par parole magique
Il dépouille nos champs pour enrichir le
fien.

Sans doute il eft Magicien.

Le bruit de l'un à l'autre en peu fe communique:

Il eft

cru,

car le mal fe croit mieux que

le bien.

Un forcier parmi nous! Nous n'en fouffrirons rien.

Il faut, dit la troupe ruftique, Déférer ce méchant à Monfieur le Bailli. On l'accufe, il paroît, & pour toute défense Il montre un bras nerveux, au travail endurci,

Un fils dans fon adolefcence,

Robufte comme lui, bien vêtu, bien nourri: Bêches, fourches, rateaux font mis en évAij

dence,

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