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FABULISTES

FRANCOIS.

Le génie François eft naturellement né pour la Fable; nous aimons à conter & à entendre conter. Cette paffion décidée paroît dans l'eftime où étoient nos anciens Romanciers, qui amufoient le peuple & les plus grands Seigneurs même, du récit de leurs Romans, à qui l'on donnoit auffi le nom de Fabliaux, où ils prétendoient fouvent renfermer des maximes de Morale & de Politique. *

JEAN DE MEUN.

: On trouve dans un manufcrit de la biblioteque duRoi, intitulé: L'ap parution de Jean de Meung, uneFable

* Voyez le fçavant traité des Romans de M. Huets

très-réguliere, & qu'un Sçavant a regardée comme un chef-d'œuvre d'enjoûment & de naïveté, malgré le vieux langage de l'Auteur. C'est un jugement auquel je foufcris volontiers: à mon avis on ne peut narrer avec plus de grace, ni dialoguer plus naturellement. Il faut être la Fontaine pour mieux réuffir. Le titre de cette Fable eft: le Palmier & La Gourge, c'est-à-dire, Gourde Calebaffe. On trouvera peut-être à redire que je parle d'un Auteur pour une feule production; mais en fait d'Ouvrages d'efprit, on doit avoir plus d'égard à leur mérite * qu'à leur nombre, & fi l'on vouloit parler des Auteurs que le Sonnet å illuftrés, on ne pafferoit pas fous filence le nom de Desbarreaux.

M. de la Fontaine a encore eu quelques prédéceffeurs, mais fi fort inférieurs à fon mérite qu'à peine font-ils connus.

* Ponderantur, non numerantur. Plin, Hift, nat. J'ai

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N***.

J'ai lu un recueil de Fables en vers françois par unAuteur duXVIo. fiecle, dont le nom m'eft échapé. Il est affez jufte dans fes fujets, qui font d'invention. Il ne manque pas d'imagination, mais on y trouve le défaut de fon fiecle, où l'on prenoit la groffiereté pour la naïveté, & des détails bas & ridicules pour des traits finis de la nature.

FURETIERE.

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Furetiere apparemment encoura par les effais de la Fontaine donna cinquante Fables en vers françois, qui font tombées dans l'oubli qu'elles méritoient. Point de traits délicats, aucuns de ces coups de pinceau qui caractérisent le beau. Une verfification dure & gênée où l'Auteur prend à chaque pas qu'il fait, le ridicule pour l'enjoûment,

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& le groffier pour le naïf. Il eft vrai que, comme M. de la Motte, l'Auteur eut à-peu-près l'honneur de l'invention. Le peu de fuccès qu'ont eu les Fables de Furetiere, eft une preuve fenfible que ce genre d'écrire demande autre chofe que de l'efprit: car perfonne n'en avoit plus que lui.

VILLEDIEU.

Les Fables allégoriques de M. de Villedieu ont eu pendant un tems un fort affez heureux on ne fçauroit lui refufer de la délicateffe & la jufteffe; mais la Poëfie n'étoit pas le beau côté de cette illuftre. Ĉes pieces allégoriques ont eu le deftin de la plupart des Ouvrages de ce goût, qui n'eft point celui des François, qui veulent prefque par tout voir leur cœur occupé autant que leur efprit. Ceux qui ont voulu introduire l'Allégorie fur notre Théâtre, ont reconnu la vérité de cette

réflexion. Leurs pieces allégoriques ont prefque toutes rebuté le Spectateur, ou n'ont eu qu'un fuccès paffager.

PILPAY.

Je ne dis rien des Fables de Pilpay qu'on nous a données en profe Françoife. Le goût qui eft l'ame de ce recueil eft fi différent du nôtre, qu'on ne peut en louer que l'imagination, qui nous paroît encore affez fouvent déreglée. Ce qui eft vrai à l'égard d'un peuple, ne l'eft pas toujours à l'égard d'un autre; d'ailleurs ce font fouvent plutôt de longues Allégories que de véritables Fables.

- LA FONTAINE

Il étoit réfervé à la Fontaine de. donner à la Fable toutes les vraies beautés dont elle eftfufceptible. Tout devient or entre fes mains.La nature, pour parler avec un moderne, eft par

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