devenoit une scene touchante entre elle & l'efprit à qui le cœur l'avoit préfentée. Le peuple fe fouleve àRome contre le Sénat: le moyen d'irriter d'avantage une populace émue, étoit peutêtre de lui prouver directement le tort qu'elle fe faifoit à elle-même Une Logique exacte les eût convaincus fans les perfuader; mais l'adreffe de Menenius-Agrippa lui réuffit, il fçut s'introduire à leurs efprits par la voie du fentiment, & la Fable du chef & des membres les toucha & les persuada. Je n'ajouterai point d'autres exem◄ ples à celui-ci, ce ne feroit que copier une infinité de difcours fur le pouvoir des Fables, trop communs, pour être ignorés de perfonne. Il me fuffira de renvoyer le Lecteur aux Fables d'Efope. Le recueil que nous en avons pourroit fervir de commentaire au corps de l'Hiftoire Grecque; la plupart de ces Fables J ayant autant de rélation aux affaires des différens peuples de la Grece, & à leurs mœurs, que les Ouvrages de Xénophon & les Haran gues de Démofthenes. L'application même en eft fouvent fi naturelle, qu'il eft furprenant que de tant de Sçavans qui fe font plûs à accabler les Anciens fous l'énorme poids de leurs commentaires, il n'y en ait point qui ayent jetté la vûe fur Efope, tant de fois traduit, copié & imité. Si le zele eût été modéré, il n'auroit pû qu'être très-utile au Public. On y auroit vû avec un vrai plaifir la plus polie & la plus fpirituelle des Nations gouvernée par un Fabulifte, qui par les difcours d'un Loup & d'un Agneau, &c fçavoit lui infinuer les maximes les plus importantes de la Morale & de la Politique, avec plus de fuccès que ces Sages fi vantés. i L'avantage des Fables fur la Mo rale directe & les préceptes didactiques, eft fenfible.Celui qu'on reprend n'a point le chagrin de fe voir le but direct où va tomber la répréhenfion; celui qui reprend eft d'autant mieux écouté qu'il ne fait point le perfonnage de Légiflateur. Il ne paroît point qu'on veuille agir avec la supériorité de donneur de leçons & d'avis, qui fuffit feule à nous indifpofer, fans même que nous nous en apperce vions; car de toutes les opérations de l'homme, celles que produit l'amour propre, font les plus promtes & les plus vives. L'idée qu'un home me fe met au-deffus de nous, eft offenfante, elle ne peut manquer d'influer fur ce qui nous vient de fa part. Dans la Fable vous ne trou→ vez que l'image d'un ami qui vous ménage même encore affez, , pour ne s'adreffer à vous que par l'entremise de vos inférieurs, qui font les Animaux qu'on introduit dans la Fable. Si l'on joint à ces avantages les agrémens dont ce petit Poëme eft fufceptible, cet enjoûment qui em2 bellit la nature dont on ne peint que les traits les plus rians, ces dialogues vrais & naïfs qui foutiennent la nar ration, on ne peut douter de la préférence que doit avoir la Fable fur les autres moyens d'inftruire. É SO PE. Plufieurs Auteurs ont embraffé ce genre d'écrire. Les Fables recueillies fous le nom d'Éfope ont été la fource, où prefque tous ont puifé. On ne peut rien imaginer de plus jufte & de plus fpirituel que ce recueil, quoique l'état où nous le voyons ne foit fans doute pas celui où l'avoit mis Éfope. Je fuis même tenté de croire que ce qui nous refte eft plutôt un espece d'abrégé de l'original, que l'original même. Planudes qui peut y avoir retranché, |