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>> remarqué, que lorsqu'on faisoit bouillonner; >> dans une très-grande quantité d'eau, une petite » quantité de salpêtre, on n'en retiroit qu'un sel » salé, semblable au sel marin ou au sel gemme, » c'est-à-dire, un sel acide, chargé d'une terre >> absorbante. Voilà ce que m'ont donné les opéra>>tions dont je viens de parler.

>> J'ai remarqué que cette eau, quoique insipide » et dégoûtante, dissout le savon, ainsi que celle » qui est bonne à boire; et elle diffère en cela de » celle des puits de Paris, qui n'est pas bonne à cet » usage. J'ai fait dissoudre un peu de nitre dans de >> l'eau commune qu'on boit à Pondichery, et en» suite j'y ai fait dissoudre du savon; il s'y est dis>> sous comme dans l'eau que les peintres et les tein>> turiers indiens emploient dans leurs ouvrages ».

Lettre de M. Poivre au père Cœurdoux.

Je dois rendre justice aux recherches que vous avez faites (1) sur la façon dont les Indiens peignent leurs toiles: vos découvertes sont très-justes et fort exactes; les amateurs des arts doivent vous savoir bon gré des connoissances nouvelles que vous leur avez fournies sur cet article. Je trouve dans votre lettre les differentes opérations de nos peintures,

(1) Voyez la lettre précédente.

expliquées assez clairement, et bien détaillées; je désirerois seulement que vous pussiez donner en Europe une notion plus distincte des diverses drogues qui entrent ici dans la peinture des indiennes. Si pour cela, vous pouviez dérober à votre zèle apostolique quelque moment de loisir, vous rendriez un service réel à nos curieux d'Europe, en leur donnant de nouvelles explications sur le fruit que vous nommez cadoucale, et sur la plante que vous leur avez déjà fait connoître sous le nom de chayaver: ce sont-là les deux ingrédiens les plus essentiels, dont le défaut de connoissance pourroit empêcher de réussir ceux qui voudroient, en Europe, tenter d'imiter les peintures de l'Inde.

Le cadoucaïe est un vrai myrobolan dont, comme vous savez, nos droguistes distinguent jusqu'à cinq espèces le myrobolan citrin, le myrobolan indien ou noir, le chébule, l'emblique, et le myrobolan bellerique. Nos Malabares ne se servent que des deux premières espèces, qui ont beaucoup de sel essentiel et d'huile : après les avoir broyées ils les mêlent avec du lait de buffle femelle : cette espèce de lait n'est point absolument nécessaire; j'ai éprouvé que celui de vache fait le même effet. Si c'est l'onctuosité du premier qui le rend préférable au second dans ce pays-ci, la même raison n'est pas pour l'Europe, où le lait de vache est beaucoup plus onctueux que tous les laits que l'on peut trouver dans l'Inde.

Je ne crois pas que l'on doive attribuer l'adhérence des couleurs à cette première préparation que l'on fait ici aux toiles; elle ne sert absolument qu'à

les rendre susceptibles de toutes les couleurs que l'on veut ensuite y appliquer, lesquelles s'emboiroient ou se répandroient trop, à peu près comme fait notre encre sur un papier qui n'est pas assez aluminé. Les Chinois, ont comme les Indiens, le secret de peindre les toiles, du moins avec la couleur rouge : avant d'y travailler ils n'y donnent d'autres préparations que celle qu'ils donnent à leurs papiers, c'est-à-dire, qu'ils les imbibent d'une mixtion d'alun et de colle extrêmement claire. Leurs ouvrages n'en sont pas moins ineffaçables, quoiqu'il n'y ait ni cadou ni lait de buffle femelle : ce cadou ne me paroît done avoir aucune autre utilité que celle de noircir ce premier trait dont les Malabares se servent pour marquer d'abord leur dessin après en avoir tiré le poncis. En effet, j'ai remarqué que cette drogue dont vous donnez l'explication dans l'article troisième, n'est d'abord qu'une eau roussâtre, chargée de parties vi¬ trioliques, qui ne devient noire que lorsqu'elle est appliquée sur la préparation du cadoucaïe: ainsi la noix de galle fera le même effet.

J'ai fait une autre expérience qui m'a réussi; c'est que nos toiles d'Europe sont tout aussi susceptibles des mêmes peintures que les indiennes : j'ai peint un mouchoir blanc d'une toile de Bretagne avec la préparation de bois de sapan, lequel fait un bel effet: je l'ai fait laver plusieurs fois, et la couleur en est toujours également brillante; je vous l'enverrai, afin que vous puissiez en juger par vos yeux.

Je crois qu'au lieu de bois de sapan, on pourroit

se servir avec plus d'avantage, de teinture de bois de fernanbouc, ou même de cochenille: celle-ci l'emporteroit infiniment sur tout ce que l'on peut faire avec le bois de sapan, qui est absolument le même que ce que nous appelons en France bois de Brésil. J'en ai fait l'expérience avec un peu de carmin, lequel, quoique entièrement gâté, a pourtant sur la toile autant d'éclat que les peintures les plus fraîches des Indes.

Pour ce qui regarde le chayaver dont j'ai l'honneur de vous envoyer une plante dessinée et peinte d'après nature, il est visible que c'est à sa racine que les couleurs, au moins la couleur rouge, doivent son adhérence et sa ténacité. Avant de faire bouillir la toile peinte dans la décoction de cette racine, on ne peut impunément confier la nouvelle peinture au blanchisseur, la couleur s'efface; elle ne devient adhérente que lorsqu'elle a été suffisamment péné→ trée des sels alkalis de cette racine.

que

Il me paroît que cette plante n'est autre chose que ce que M. Tournefort appelle callium album vulgare. La description que ce savant botaniste fait de sa plante, est absolument la même celle qu'on pourroit faire du chayaver; au moins il est vrai que les deux plantes, si elles sont différentes, ont un même effet, qui est de faire cailler le lait : c'est une expérience que j'ai faite.

Voilà, mon révérend père, toutes les remarques que j'ai pu faire sur la façon dont les Indiens peignent leurs toiles, à Pondichery: si vous les croyez justes, elles pourront contribuer au dessein que vous

avez de faire passer en Europe le secret des Indes. Il est surprenant que jusqu'ici, il ne se soit trouvé dans ce pays aucun Européen curieux, qui ait tâché d'enrichir sa patrie d'un art dont on peut tirer tant d'avantage.

LE COTON.

Lettre du père Turpin.

LE coton naît, aux Indes, d'un arbrisseau qui a environ trois ou quatre pieds de hauteur : lorsqu'il est grand, il jette un fruit verd, de la grosseur d'une noix verte. Quand le fruit commence à mûrir, il s'entr'ouvre en forme de croix; alors le coton commence à paroître : lorsqu'il est tout-à-fait mûr, il se divise en quatre parties égales, qui se séparent entièrement, et qui ne se tiennent que par la tige. On cueille aussitôt le coton mêlé avec la graine; mais comme cette graine y est fortement attachée, on la sépare par le moyen d'une petite machine assez ingénieuse, d'environ, treize à quatorze lignes de diamètre, et de la longueur d'une palmę: deux axes entrent dans deux pièces de bois, qui sont de la hauteur d'une coudée, et de la grosseur d'environ deux pouces perpendiculaires. Les deux cylindres ou axes sont placés immédiatement l'un sur l'autre, à une ligne ou à une ligne et demie de distance, en sorte que les graines de coton ne puissent pas passer entre

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