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plutôt achevée, qu'on venoit la voir de toutes parts, et surtout de la ville capitale, qui n'en est qu'à quatre lieues: cela donnoit occasion au père, de parler de Dieu à une grande multitude de peuple; plusieurs se convertirent, et vinrent s'établir à Aour, qui est devenu par là une des plus grosses bourgades du

royaume.

L'église est bâtie au milieu d'une grande cour; les murailles, de distance en distance, sont peintes et ornées en dedans, de hautes colonnes qui soutiennent une corniche, laquelle règne tout autour du bâtiment. Le pavé est si propre et si bien uni, qu'il paroît n'être que d'une seule pierre de marbre blanc; l'autel est au milieu de la croisée, afin qu'on le puisse voir de tous côtés : huit grandes colonnes qui soutiennent une couronne impériale, en font tout l'ornement; l'or et l'azur y brillent de toutes parts, et l'architecture indienne, mêlée avec celle d'Europe, y fait un très-agréable effet. Comme cette Église est dédiée à la sainte Vierge, les chrétiens y viennent en pélerinage, de tous les endroits du royaume, et les grâces continuelles qu'ils y reçoivent, par la puissante intercession de la mère de miséricorde, animent et soutiennent leur foi qui est encore pure et en sa première 'vigueur.

Aour est la mission la plus considérable de Maduré, non-seulement à cause du voisinage de la capitale, mais parce qu'il y a vingt-neuf églises qui en dépendent. On n'admet les catéchumènes au baptême qu'après de grandes épreuves, et trois à quatre mois d'instruction: une fois devenus chrétiens, ils

vivent comme des anges. L'église de Maduré offre une parfaite image de l'Église naissante: on ne peut retenir ses larmes de joie et de consolation, quand on est témoin de l'empressement de ces peuples, pour entendre la parole de Dieu, de l'ardeur àvec laquelle ils se portent à tous les exercices de piété, du zèle qu'ils ont pour se procurer mutuellement tous les secours nécessaires au salut, pour se prévenir dans tous leurs besoins, pour avancer, chaque jour, dans les voies de la sainteté évangélique : heureusement, pour eux, ils n'ont à combatre presque aucun des obstacles qui se rencontrent parmi les autres peuples de l'Inde; ils n'ont point de communication avec les Européens, dont les scandales et la vie licencieuse corrompent trop souvent les nou→ veaux chrétiens. Leur vie est frugale, ils ne font point de commerce, se contentent de ce que le travail des mains, ou la culture des terres leur fournissent pour vivre et se vêtir: riches de leur pauvreté, ils trouvent encore dans leurs privations personnelles, de quoi se montrer généreux envers les indigens.

Le père Bouchet se trouvoit chargé, dans le Maduré, de la conduite de trente mille ames; les autres missionnaires ne sont guères moins occupés : ce travail surpasseroit leurs forces, s'ils n'avoient de ressources que dans leur propre zèle; mais ils ont chacun huit, dix et quelquefois douze catéchistes j tous ayant le talent de la parole, instruits de nos mystères et de notre sainte religion: ces catéchistes précèdent les missionnaires de quelques jours, es

préparent les néophytes à recevoir les sacremens.

Le père Bouchet pourroit dire d'Aour, ce que disoit S. Grégoire le thaumaturge, en mourant, de sa ville épiscopale: Il n'y avoit que dix-sept chrétiens quand j'y suis arrivé; grâce à Jésus-Christ, je n'y vois aujourd'hui que dix-sept infidèles.

Trichirapali est la ville où le roi de Maduré fait sa résidence ordinaire. Le père Bouchet y avoit fait bâtir une église sur les ruines d'un pagode: on en avoit abandonné l'emplacement aux premiers missionnaires de Maduré; mais pendant les guerres qui dévastèrent ce pays, ils avoient été obligés de quitter cette ville, et d'aller se cacher dans les bois. Pendant leur absence, un idolâtre s'en étoit emparé, et éleva un petit temple qu'il remplit de pagodes de toutes les espèces. La paix ayant rétabli chacun dans ses propriétés, le père Bouchet se remit en possession de ce lieu, et il a obligé le prêtre des idoles d'en sortir. Ce fut un spectacle glorieux à la religion, et digne de compassion tout ensemble, que de voir les mouvemens empressés que se donnoit cet homme pour enlever ses dieux. Les chrétiens se montroient impatiens de le voir délogé, et, pour finir plus vîte, prenoient eux-mêmes les idoles, et les mettoient par terre sans beaucoup de précaution: plusieurs se trouvoient brisées, et l'idolâtre en ramassoit les morceaux épars, noyant son dépit dans beaucoup de larmes, mais n'osant se plaindre, parce qu'on ne lai enlevoit qu'un emplacement auquel il n'avoit aucun droit, l'ayant usurpé sur ses légitimes possesseurs. Le temple fut abattu, et sur ses ruines on bâtit une

église, et une petite maison destinée au logement des

missionnaires.

Il n'y avoit à Trichirapali, quand le père Bouchet prit le gouvernement de cette mission, que des églises à l'usage des Parias, la dernière de toutes les castes et la plus méprisée des Indiens, ce qui donnoit une idée désavantageuse de notre religion : aujourd'hui, par les travaux infatigables de cet admirable missionnaire, on y trouve quatre églises pour les hautes castes, placée chacune dans un des quatre quartiers de la ville.

Les missions du royaume de Maravas et de celui de Maissour, sont sous la dépendance de la mission de Maduré. Les ouvriers évangéliques qui cherchent le travail et les croix trouvent dans ces deux États, de quoi satisfaire pleinement leur zèle, et le succès répond aux fatigues qu'ils embrassent avec courage. Le père Martin a baptisé dans son district, en moins de cinq mois, onze cents personnes, et le père Laynez, dans le Maravas, près de dix mille, en moins de deux ans : l'Evangile y fait encore chaque jour de nouveaux progrès.

MISSION DE CARNATE.

La mission de Carnate ne se borne point au royaume qui porte ce nom, elle renferme encore beaucoup de royaumes et de provinces qui sont contenus dans une étendue de pays fort vaste; elle em

brasse

brasse du sud au nord plus de trois cents lieues dans sa longueur, et environ quarante lieues de l'est à l'ouest dans sa moindre largeur. Les principaux États sur lesquels elle étend sa sollicitude, sont, outre le Carnate, le Visapour, Bijanacarou, Ikkeri, Golconde: ajoutez-y plusieurs États particuliers, dont la plupart sont tributaires du grand - mogol.

Carvepondy est la première église que les fondateurs de la mission de Carnate ont établie : comme elle est dans un territoire qui dépend des brames, elle est, plus que toute autre mission, exposée à leur persécution; ils n'ont cessé, depuis trente ans, d'inquiéter les missionnaires, et quoique punis quelquefois par les Maures, qui sont seigneurs de cette contrée, ils n'ont jamais perdu le dessein de ruiner cette église, et la chrétienté qui en dépend.

Les seigneurs de la province de Counampaly se sont rendus, de tout temps, redoutables aux princes des pays voisins : comme ils sont voleurs de profession, ils font des excursions nocturnes, et tout devient la proie de leurs brigandages. Malgré cette vie si criminelle, ils ne laissent pas que d'avoir des dispositions favorables pour les missionnaires : c'est d'eux que la mission tient le terrain où cette église a été bâtie; il faut traverser quatre ou cinq lieues de bois pour y arriver. Les néophytes qui s'y rendent, dès qu'ils déclarent qu'ils sont chrétiens, qu'ils vont faire leurs prières à l'église du vrai Dieu, ou visiter les Souamis (c'est de ce nom qu'ils appellent leurs missionnaires), sont sûrs de n'être pas inquiétés dans leur marche.

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