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Il eut tant de refpect pour les abbez de Tiron AN.1116. fes fucceffeurs, qu'il leur fit tenir fur les fonts fes deux fils ainez Philippe & Louis. Thibaut comte de Blois bâtit deux monafteres à cette congregation, & donna des ornemens fans nombre à l'églife de Tiron. Plufieurs autres feigneurs vinrent vifiter l'abbé Bernard & lui firent de grands prefens: fçavoir Guillaume duc d'Aquitaine, Foulques comte d'Anjou, Guillaume comte de Nevers, Gui comte de Rochefort, Geoffroi vicomte de Châteaudun, Robert comte de Gloceftre, fils naturel du roi d'Angleterre, Henri comte de Varvic, & pluSup.l.xxiv. fieurs autres. Un feigneur nommé Robert em

27. 12.

mena treize difciples de Bernard pour fonder un monaftere au pais de Galles. David depuis roi d'Ecoffe, fils de la fainte reine Marguerite, fit venir de ces moines & leur fonda un monaftere aux confins de l'Ecoffe & de l'Angleterre. Depuis il vint lui-même à Tiron: mais il trouva le faint abbé mort; & après avoir honoré fon tombeau, il emmena encore douze moines avec un abbé. Geoffroi le gros difciple du faint abbé, dit, qu'avant qu'il écrivit fa vie, il y avoit déja cent maifons de cette congregation.

Bernard tomba malade le treizième d'Avril 116. qui étoit l'onzième jour après Pâques. Pendant l'office de la nuit il fortit de l'églife, & contre fa coûtume il n'y rentra point: car il ne manquoit jamais à l'office, il y étoit toûjours des premiers: aucune affaire, aucune vifite > aucune indifpofition ne l'en détournoit. Quelques moines l'aiant fuivi, le trouverent étendu à l'entrée du cloître, & le menerent dans une chapelle voifine. Après matines on le conduifit au chapitre, où il confola fes difciples, & les exhorta à garder fidelement fes inftructions, fans vouloir rafiner ni chercher rien au

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delà, mais s'en fiant à fon experience. En cette derniere maladie il fe gouverna comme il AN.1116 avoit accoûtumé dans les autres, ne cherchant de foulagement que dans l'abftinence. Jamais il ne prit de medecine, ne se fit saigner, ni n'usa du bain: jamais depuis qu'il fut moine il. 11 n. 93. ne fe chauffa. Étant jeune quoiqu'il eût une groffe fiévre, il ne manqua pas un feul jour à fuivre la communauté. Etant déja vieux il fe rompit une côte, & ne fit aucun remede: il ne parla même de cet accident qu'après qu'il fut gueri. Dans fa derniere maladie, comme on ". 109. le prioit de prendre de meilleure nourriture, il dit qu'elle étoit bonne à conferver la vie, & non à rendre la fanté. Il refufa de même le bain que les medecins lui confeilloient fur quoi l'auteur de fa vie confeffe, qu'il ne peut l'excufer d'opiniâtreté.

Le cinquième jour de fa maladie il fe fit encore porter au chapitre, où il exhorta fes freres à s'exercer fur tout à la charité, & à la préferer à toutes les traditions monaftiques : aufquelles il leur défendit de s'attacher fuperftitieufement, comme étant plus propres à la deftruction, qu'à l'édification. Après avoir reçû l'extrême-onction & le viatique, & donné le baifer de paix à tous fes difciples, il mourut le vingt-cinquième jour d'Avril, & fut enterré avec un grand concours de toutes fortes de perfonnes. Sa vie fut écrite quelques années après par Geoffroi le gros moine de Tiron, fur ce qu'il avoit vû lui-même ou appris de perfonnes dignes de foi; & il l'adreffa à Geoffroi évêque de Chartres, qui l'avoit exhorté à l'écrire.

Chr. Mall.

1116.

en Italie.

Dès la fin de l'an 1115. plufieurs évêques & XXXVI. plufieurs feigneurs Allemans s'affemblerent à L'empereur Cologne pour la fête de Noël, par le confeil & F'autorité de Thierri cardinal légat, qui toute- p. 806.

to.x. conc.

AN.1116.

42.1116.

fois mourut en chemin & ne fut apporté à Cologne que pour y être enterré. Le principal Ab Urfp fujet de cette aflemblée étoit de publier un décret d'excommunication contre l'empereur Henri, qui cependant tenoit fa cour de Noël à Spire où il étoit peu accompagné. Indigné de ce qui fe paffoit à Cologne, il y envoïa l'évêque de Virsbourg: mais on ne voulut pas l'é couter, qu'il ne fût reconcilié à l'église, en forte qu'à fon retour il refufà lui-méme de communiquer avec l'empereur qui l'avoit envoïé. Toutefois contraint par la crainte de la mort il celebra la meffe devant ce prince, & en eut un fi grand remors, qu'il fe retira fecretement : puis aiant obtenu fon abfolution avec beaucoup de larmes, il ne vit plus l'empereur & perdit fes bonnes graces. L'empereur irrité dorna à Conrad fon neveu le duché de Franconie, qui appartenoit à l'évêque de Virsbourg par une ancienne conceffion des rois ; & pour éviter l'effet du mécontentement des feigneurs, il paffa en Lombardie, d'où il envoïa des députez au pape, pour terminer les differends entre l'église & l'empire. Le chef de cette députation étoit Pons abbé de Clugni, que l'on difoit être parent du pape, & qui travailla à cette grande affaire avec beaucoup d'application.

XXXVII.

Concile de Latran.

8.06.

La même année donc qui étoit la dix-septiéme du pontificat de Pascal II. il tint un concile dans l'églife de Latran, qui commença le lundi tom.. P de la troifiéme femaine de caréme, fixiéme jour de Mars 1116. Ce concile eft qualifié univerfel; & il s'y trouva des évêques, des abbez, des feigneurs & des députez de divers roïaumes & de diverfes provinces. Les deux premiers jours, fçavoir le lundi & le mardi, on agita l'affaire de l'archevêché de Milan, difputé par deux contendans, Pierre Groflolan & Jour

dain: mais elle ne fut terminée que le famedi. Le mercredi l'évêque de Luques fe plaignit que les Pifans avoient ufurpé des terres de fon églife : l'évéque de Pise défendoit fes diocesains, ce qui produifit une longue conteftation. Alors un évéque fe leva au milieu du concile, & dit: Notre faint pere le pape fe doit fouvenir pourquoi ce concile fi nombreux a été affemblé avec tant de perils par terre & par mer; & confiderer qu'au lieu des affaires ecclefiaftiques on y en traite de feculieres. Il faut premierement expedier le principal sujet qui nous assemble : afin que nous fçachions quel eft le fentiment du pape, & ce qu'à notre retour nous devons enseigner dans nos églifes.

AN.1116.

Alors le pape parla ainfi : Après que le Seigneur eut fait de moi ce qu'il voulut, & m'eut livré avec le peuple Romain entre les mains du roi: je voiois commettre tous les jours des pillages, des incendies, des meurtres & des adulteres. C'eft pour délivrer de ces maux l'é-Sup. n.5% glife & le peuple de Dieu, que j'ai fait ce que j'ai fait. Je l'ait fait comme homme, parce que je ne fuis que poudre & cendre. J'avoue que j'ai failli: mais je vous prie tous de prier Dieu qu'il me le pardonne. Pour ce maudit écrit qui. a été fait dans le camp, je le condamne sous un anathême perpetuel, afin que la mémoire en foit à jamais odieufe, & je vous prie tous d'en faire de même. Tous s'écrierent: Ainfi foit-il, ainfi foit-il. Brunon évêque de Segni dit : Rendons graces à Dieu de, ce que nous avons oui le pape Pafcal condamner de fa propre bouche, ce privilege qui contenoit une hérefie. A quoi quelqu'un ajoûta: Si ce privilege contenoit une hérefie, celui qui l'a fait étoit héretique. Alors Jean évéque de Gaëte dit avec émotion à Févêque de Segni: Appellez-vous le pape héreti

AN.1116.

que, ici en ce concile en notre prefence? L'écrit qu'il a fait étoit mauvais, mais ce n'étoit pas une herefie. Un autre ajoûta: On ne doit pas même l'appeller mauvais, puifqu'il a été fait pour un bien, qui étoit de délivrer le peuple de Dieu. Ce nom horrible d'herefie mit à bout la patience du pape : il fit figne de la main & dit : Mes freres & mes feigneurs, écoutez. Cette églife n'a jamais eu d'herefie: au contraire c'eft ici que toutes les herefies ont été brifées, fuivant la promeffe du Sauveur, que la foi de Pierre ne manqueroit point.

Le jeudi le pape ne vint point au concile: il en fut empêché par plufieurs affaires, principalement celles de l'empereur qu'il traitoit avec l'abbé de Clugni, Jean de Gaëte, Pierre de Leon préfet de Rome, & les autres qui foûtenoient le parti de ce prince. Le vendredi Conon évêque de Prenefte, voulut expliquer l'excommunication de l'empereur, mais Jean de Gaëte, Pierre de Leon, & les autres partisans de ce prince lui réfiftoient en face, & l'interrompi rent plufieurs fois. Alors le pape appaifa le bruit du gefte & de la voix, & dit: L'églife primitive du temps des martyrs a été floriflante devant Dieu & non devant les hommes. Enfuite les empereurs & les rois fe font convertis, & ont honoré l'églife leur mere, en lui donnant des terres, des domaines, des dignitez feculieres, les droits & les ornemens roïaux, comme Conftantin & les autres princes fideles: alors l'églife a commencé à être floriflante, tant devant les hommes que devant Dieu. Elle doit donc conferver ce qu'elle a reçu des rois & & des princes, & le difpenfer à fes enfans comme elle le juge à propos. Enfuite le pape voulant caffer le privilege qu'il avoit accordé à l'empereur, renouvella la défense prononcée

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