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terrein bas, dont le fond foit une bonne terre glaife, que l'on creufe au deffus de la baffe mer. Un grand marais forme communément un carré long divifé en trois parties. La premiere, qui communique à la mer, tient plus du tiers de l'efpace, & eft féparée des deux autres par une chauffée parallele au côté de la mer. Le refte eft divifé en deux parties égales, par une chauffée perpendiculaire fur le milieu de la précédente. Le premier efpace eft féparé de la mer par une digue de terre revêtue de pierres feches, ouverte dans un endroit qui fe ferme avec une bonde, comme dans les chauffées d'étang. On l'ouvre temps fec dans les grandes marées de Mars, & l'eau de la mer y entre. Lorfque le flux finit, on ferme l'ouverture, & l'eau fe communique par un gros morceau de bois percé dans le fecond réfervoir, dont elle parcourt quatre fois la longueur, par le moyen de trois levées étroites, paralleles entre elles, & aux grands côtés de ce réfervoir. De là elle paffe par un autre tuyau dans le troihieme réfervoir. Ce dernier terrein eft divifé en plufieurs compartimens carrés, qui fe communiquent tous, mais après Tome II.

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par un

bien des détours. Tous ces carrés laiffent autour d'eux un efpace libre, dans lequel on ne fait entrer l'eau qu'autant qu'on en a befoin; & on l'y retient en bouchant les pertuis, pour l'empêcher d'entrer dans les carrés, jufqu'à ce que le temps foit difpofé à la chaleur & à la féchereffe. Alors on ouvre les pertuis, & on introduit cette eau dans les carrés jufqu'à la hauteur de deux pouces. C'eft là que se forme le fel. Le nombre des carrés dépend de l'étendue du marais. Les grands marais à champ double en ont jufqu'à quarantehuit. Tous ne font pas de même grandeur, fuivant l'efpece & la bonté du fond que l'on poffede. L'eau de la mer ayant été introduite dans les carrés le foleil & les vents fecs agiffent fur cette eau déjà échauffée : le fond devient rouge en trois ou quatre heures; & il s'éleve fur l'eau une écume qui fe diffipe. Alors on apperçoit un voile mince, compofé de petits cubes (1),

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(1) Cube. Kußos, figure folide carrée. Kéw, jaceo, je fuis couché, je fuis pofé, & Baris, bafe, parce que, de quelque façon qu'on la mette, elle fe trouve toujours pofée sur une

on

qui font autant de grains de fel qui commencent à fe former, & qui se tiennent fur la furface de l'eau. On brife ce voile, qui pour lors va au fond. Lorfqu'on veut avoir du fel très-blanc, prend ce voile, comme quand on écrême le lait. Ce premier fel fent la violette, comme la fleur même. Mais pour l'usage commun on rompt ce voile chaque jour, & on le braffe, afin que les grains fe joignent & fe groffiffent. Enfuite on le tire fur les chauffées, & on en fait de grands monceaux, que l'on couvre de paille. On ne laiffe pas convertir toute cette eau en sel, afin de l'avoir plus blanc & plus net, & que ce qui refte d'eau ferve de ferment pour l'eau nouvelle qu'on y introduit. La blancheur du fel dépend des foins que l'on prend pour le tirer, & de la qualité du terrein.

La Méditerranée n'ayant point de flux & de reflux, on introduit l'eau de la mer dans les marais, par le moyen de machines que des mulets ou des chevaux font mouvoir.

bafe. On appelle cube une figure folide ou un corps à fix faces carrées, dont chaque coté eft égal aux autres, comme un dé à jouer.

Sur les côtes du Languedoc, l'eau de la mer communique à des étangs foutenus par des digues. Aux extrémités de ces étangs il y a une grande vanne, qu'on leve au commencement de Mai, pour faire entrer l'eau par des canaux dans des efpaces de 50, 100 & 200 arpens, divifés en plufieurs parties, & féparés par des petites chauffées. Cette eau, qui s'évapore par l'ardeur du soleil & le vent du Nord, forme à fa furface une pellicule. Lorfque les Sauniers jugent que l'eau eft affez chargée de fel, ils la conduifent dans un réfervoir, & de là, par un canal, à des puits à roue. Une mule, que l'on change trois fois par jour, fait tourner la roue de ces puits; & l'eau est élevée par le moyen des feaux de ces roues, & verfée dans une auge, d'où elle paffe par un petit canal dans un efpace plus élevé que les précédens, divifé en compartimens féparés entre eux par des petites élévations de terre. Lorfque les eaux font prêtes à former le fel, elles paroiffent de couleur de rofe, fi on les regarde à une certaine distance. On fait entrer dans ces derniers efpaces environ un pouce d'eau chaque vingt-quatre heures ; &

on réitere cette opération une vingtaine de fois fans enlever de fel, jufqu'à ce que toute l'étendue foit garnie d'une couche d'environ trois pouces de fel. Alors on l'enleve; on en fait des tas fur un terrein plus élevé, & on les couvre de paille ou de jonc. Ces opérations ne font achevées qu'à la fin d'Août. Ce fel nouveau eft amer, & les Propriétaires font dans l'ufage de ne le livrer qu'après qu'il a été en tas pendant plufieurs années. Alors il eft entiérement purgé des principes qui caufoient cette amertume.

On peut auffi faire du fel en faifant bouillir de l'eau de mer: mais on n'en peut avoir par ce moyen qu'une petite quantité, cette maniere employant beaut coup de bois, qui ordinairement n'est pas commun fur les côtes de la mer.

Le fel que l'on tire de la terre par le moyen de l'eau falée, n'eft pas fi bon que celui que l'on tire de la mer; mais il eft d'une grande reffource pour les pays où il fe trouve, comme en Allemagne, en Saxe, en Angleterre, en Franche-Comté & en Lorraine. L'effentiel, pour extraire ce fel, eft de faire évaporer l'eau; ce que l'on fait en la faifant tomber fucceffivement, › par le

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