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Pour fe procurer ce fel, on arrange, fans beaucoup d'attention, fur ces ouvertures, des morceaux de pierres ou de pots caffés, de maniere que la fumée puiffe paffer à travers les intervalles, & dépofer fur les teffons le fel qui fe fublime. Cependant il paroît par les expériences, que ce n'eft qu'une fleur de fel marin, fublimé par les feux fouter

rains.

Le fel ammoniac artificiel nous vient du Levant, & fur-tout des environs de la ville de Manfoure en Egypte, où il s'en fabrique tous les ans une grande quantité. La matiere dont il fe fait, est de la fuie, que l'on racle des tuyaux, fous lefquels on a brûlé des mottes de fiente d'animaux, pétrie avec de la paille. On met cette fuie, mêlée avec un peu de fel marin & d'urine de beftiaux, dans des bouteilles de verre rondes, d'environ un pied & demi de diametre, qui ont un cou haut de quelques pouces.

Les voûtes des fourneaux font ouvertes par des rangs de fentes paralleles, fur lefquelles on place ces bouteilles bien enduites de terre graffe; & le refte des fentes eft rebouché de briques & de

terre, jufqu'au cou des bouteilles qui demeure à l'air : le fourneau eft allumé trois jours & trois nuits. Le premier jour, le flegme (1) groffier s'exhale par une fumée épaiffe. Le fecond jour, les fels acides s'exaltant avec les alkalis, s'accrochent & s'uniffent vérs le haut de la bouteille, dont ils bouchent le cou. Le troifieme jour, on fait un petit trou à la bouteille, un peu au deffous du cou, pour obferver fi la matière eft affez cuite, & on le rebouche avec de la terre graffe. Enfin, lorfqu'on voit par ces épreuves que la coagulation eft épurée & perfectionnée on ôte le feu, on caffe les bouteilles, & on trouve une maffe ronde & blanche, qui eft le fel ammoniac.

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ya, humor albidus & fri

(1) Flegme. gidus, humeur blanche & froide.

DU COCOTIER.

LE cocotier eft une espece de palmier, qui ne vient que dans les pays les plus chauds. C'eft une production rare, & d'une utilité prefque univerfelle. La hauteur ordinaire de cet arbre eft de trente à quarante pieds. Il eft d'une groffeur médiocre, & fans autres branches que dix a douze feuilles, qui fortent du tronc vers le fommet. Ĉes feuilles font larges d'un pied & demi, & longues de huit à dix pieds. Elles font divifées comme celles du palmier qui porte les dattes. On les emploie feches & treffées, pour couvrir les maifons. Elles réfiftent pendant plufieurs années à l'air & à la pluie. De leurs filamens les plus déliés on fait de très-belles nattes, qui fe tranfportent dans toutes les Indes. Des plus gros filets on fait des balais. Le milieu, /qui eft comme la tige de la feuille, & qui n'eft pas moins gros que la jambe,

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fert à brûler. On voit aux cocotiers un nombre de feuilles presque toujours égal,

parce qu'il en fuccede continuellement de nouvelles aux anciennes.

Le bois de l'arbre eft fpongieux, & fe divife en une infinité de filamens : ce qui ne permet de l'employer à bâtir des maisons & des vaiffeaux, que dans fa vieilleffe, lorfqu'il eft devenu plus folide. Ses racines font en grand nombre & très-déliées. Elles n'entrent pas fort avant dans la terre; mais le cocotier n'en réfifte pas moins à la violence des orages, parce que n'ayant point de branches, il donne peu de prife aux agitations de l'air & aux efforts du vent. Au fommet, on trouve entre les feuilles une forte de cœur ou de gros germe, qui approche du chou-fleur par la figure & le goût, mais qui a quelque chofe de plus fin & de plus agréable. Un feul de ces germes fuffit pour raffafier fix personnes. Cependant on en fait peu d'ufage, parce que - l'arbre meurt auffi-tôt qu'il eft cueilli; & ceux qui veulent fe donner le plaifir d'en manger, font toujours couper le tronc. Entre ce chou & les feuilles il fort plufieurs bourgeons fort tendres, à peu près de la groffeur du bras. En coupant leur extrémité, on en fait dif

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tiller une liqueur blanche, douce & d'un goût très-agréable, qu'on recueille avec foin dans des pots attachés à chaque bourgeon. Un homme monte chaque jour, foir & matin, au fommet d'un cocotier. Il porte à fa ceinture un vase, dans lequel il renverfe ce qui a distillé depuis le foir ou le matin. Cette liqueur n'a pas l'agrément du vin; mais elle enivre de même. Dans fa fraîcheur, elle eft extrêmement douce. Gardée quelques heures, elle devient plus piquante & plus agréable. Mais elle eft dans fa perfection du foir au matin, après quoi elle commence à s'aigrir; & dans l'efpace de vingt-quatre heures elle est tout-à-fait aigre. En la diftillant dans fa plus grande force, on en fait d'affez bonne eau-devie, qui devient même très-violente lorfqu'elle a paffé trois fois à l'alambic. Si cette liqueur eft jetée fraîche dans une poêle, pour y

, pour y bouillir avec un peu de chaux vive (1), elle s'épaiffit en confiftance de miel. Si elle bout un peu plus long-temps, elle acquiert la folidité du fucre, & même à peu près fa blancheur;

(1) Chaux faite avec des coquillages calcinés.

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