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L'éléphant a peu d'embarras pour fa nourriture. Il fe nourrit d'herbe; & fi l'herbe lui manque, il mange des feuilles & des branches d'arbres, des rofeaux des joncs, toutes fortes de fruits, de grains & de légumes. Il fouffre patiemment la faim, & peut paffer quelques jours fans alimens. Cependant lorfqu'il fe trouve dans l'abondance, il mange prodigieufement; & s'il peut entrer dans une plantation ou dans un jardin, il confomme tout ce qu'il trouve, fruits, légumes, &c. Il femble qu'il ne puiffe fe raffafier, fans compter le grand dégât qu'il fait avec fes pieds ou avec fon corps. Il aime les rivieres & les lacs, fur-tout vers le temps du midi. du midi, pour fe défaltérer ou fe rafraîchir. Il fe met dans l'eau jufqu'au ventre, & fe lave le refte du corps avec de l'eau qu'il prend dans fa

trompe.

Ces animaux ont plufieurs ennemis, tels que le lion, le tigre, le rhinocéros, & certains ferpens. Ils aiment à fe retirer dans les rofeaux & dans les bruyeres. Il arrive quelquefois que leurs dents fe brifent contre les arbres; & de là vient qu'on en trouve fouvent des fragmens. Ils font timides, & n'attaquent Tome II. B

jamais mais fi on les harcele dans un lieu ouvert, où ils aient la liberté de fe tourner, leur trompe eft terrible; & l'ennemi qu'il faifit dans fa fureur, ne peut éviter d'être écrafé & mis en pieces, 11 eft très-difficile de bleffer mortellement un éléphant, à moins qu'il ne foit frappé. entre les yeux & les oreilles. Sa peau réfifte aux coups, & une balle de plomb tombe prefque applatie. Ces animaux. font très-doux, fort traitables, obéissans, & d'une intelligence qui approche de la raifon. Les plus fauvages s'apprivoifent dans une quinzaine de jours, & s'accoutument aisément à l'esclavage. On leur apprend peu à peu tous les exercices qu'on demande d'eux; & en peu de temps ils comprennent, & font comme les autres.

Les éléphans fe trouvent en Asie & en Afrique; mais ceux d'Afie font beau coup plus grands. Le royaume de Siam eft, de tous les pays, celui qui contient le plus de ces animaux, qui en tire le plus d'utilité, & qui leur rend plus d'honneur. Les Siamois parlent d'un éléphant comme d'un être raifonnable. En effet, aucune autre bête n'a autant de juge ment, de raifon, de difcernement &

d'intelligence. Comme ces animaux ne multiplient point lorfqu'ils font privés, on eft obligé d'avoir recours aux éléphans fauvages; & les forêts du royaume de Siam en étant remplies, la difficulté ne confifte que dans le choix d'un lieu convenable aux piéges qu'on leur dreffe.

On fait une espece de tranchée, compofée de deux terraffes, qu'on éleve prefque à plomb de chaque côté, & fur lefquelles un fpectateur peut fe tenir fans' danger. Dans le fond, qui eft entre ces terraffes, on plante un double rang de troncs d'arbres, hauts d'environ dix' pieds, affez gros pour réfifter aux efforts de l'éléphant, & fi ferrés, qu'il ne reste de place que pour le paffage d'un homme. On a des éléphans femelles exercées à cette efpece de chaffe, qu'on laiffe paître librement aux environs. Ceux qui les menent, fe couvrent de feuilles, pour ne pas effaroucher les éléphans fauvages; & ces femelles ont affez d'intelligence pour appeler les mâles par leurs cris. Lorfqu'il en paroît un, elles s'engagent auffi-tôt dans la tranchée, où le mâle ne manque pas de les fuivre L'iffue de l'efpace eft un corridor étroit, & compofé auffi de gros troncs

d'arbres. Dès que l'éléphant fauvage eft entré dans ce corridor, il eft pris; parce que la porte qui lui fert d'entrée & qu'il ouvre en la pouffant devant lui fa avec trompe, fe referme par fon propre poids, & qu'une autre porte, par laquelle il doit fortir, fe trouve fermée, D'ailleurs, ce lieu eft fi étroit, qu'il ne peut entiérement s'y tourner. Ainfi, la difficulté fe réduit à l'engager feul dans le corridor. Plufieurs hommes, qui fe tiennent derriere les troncs, entrent dans la tranchée, & le harcelent continuellement. Ceux qu'il pourfuit dans fa colere, fe réfugient derriere les troncs, entre lefquels il pouffe inutilement fa trompe, & contre lefquels il caffe quelquefois le bout de fes dents, Mais pendant qu'il s'attache à ceux qui l'ont irrité, d'autres lui jettent de longs lacets, dont ils retiennent l'un des bouts, & les lui jettent avec tant d'adreffe, qu'il ne manque prefque jamais d'y engager un de fes pieds de derriere. Ces lacets font de groffes cordes, dont l'un: des bouts eft paffé dans l'autre en nœud coulant. L'éléphant en traine quelquefois un grand nombre à chaque pied de derriere: car lorfqu'une fois le lacet ek

ferré au deffus du pied, on en lâche fe bout, pour n'être pas entraîné par les mouvemens d'un animal fi robufte. Plusil s'irrite, moins il marque d'attention pour les femelles. Cependant, pour le faire fortir de l'efpace, un homme, monté fur une femelle, y entre, en fort, & rentre plufieurs fois par le corridor. Cette femelle appelle chaque fois les autres, par un coup fec de fa trompe qu'elle donne contre terre. Enfin, les autres femelles la fuivent; & l'on ceffe alors d'irriter l'éléphant fauvage, qui, revenant bientôt à lui-même, fe détermine à les fuivre auffi. Il pouffe devant lui, avec fa trompe, la premiere du corridor, par laquelle il les a vu paffer. Il y entre à fon tour; mais il n'y trouve pas les femelles, qu'on a déjà fait fortir fucceffivement par l'autre porte. Auffi-tôt qu'il y eft entré, on lui jette fur le dos plufieurs feaux d'eau pour rafraîchir; & dans le même inftant avec une promptitude & une adreffe incroyable, on le lie aux troncs du corridor avec les lacets qu'il traîne à fes pieds. Enfuite on fit entrer à reculons, par l'autre porte, un mâle apprivoifé, au cou duquel on lie celui-ci par le

porte

le

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