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DU RENNE.

E renne eft d'une très-grande utilité dans les pays glacials, & fur-tout chez les Lapons. I reffemble beaucoup au cerf; mais il eft plus grand & plus gros.Ses membres font encore plus déliés, & fes jointures plus fouples. Son bois, qui s'éleve fort haut, fe courbe dans le milieu, & forme fur la tête une forte de cercle. Il eft velu en été depuis le bas jufqu'en haut, & fi plein de fang, qu'en le preffant un peu avec la main, on s'apperçoit, au mouvement de l'animal, qu'il y fent de la douleur. Mais ce qu'il y a de plus fingulier, c'eft la divifion de ce bois. Les cerfs n'ont que deux branches, d'où fortent quantité de dagues & les rennes en ont trois, & quelquefoisquatre, dont les unes vont en arriere, & les autres s'étendant fur les yeux, tombent fur la bouche. Toutes ces branches" fortent néanmoins de la même racine; mais elles prennent des routes & des figures différentes; ce qui embarraffe tellement l'animal, qu'il a de la peine.

à paître, & que, lorfqu'il trouve des arbres, il aime mieux en brouter les branches, qu'il prend avec moins de difficulté.

La couleur du poil des rennes eft plus noire que celle du cerf, fur-tout dans leurs premieres années. Quoiqu'ils n'aient. -pas les jambes auffi menues que celles du cerf, ils le furpaffent en légéreté. Leur pied eft fendu, & prefque rond. Ils ne ruminent pas, & ils n'ont point de fiel:: ils ont feulement dans le foie une mar-que noire, à laquelle on ne trouve au

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cune amertume.

Ces animaux font naturellement fauvages mais les Lapons ont trouvé le moyen de les apprivoifer fi parfaitement, qu'il n'y a point de famille dans le pays: qui n'en entretienne quelques troupeaux. Les forêts ne laiffent pas d'en être remplies, & les Lapons leur y font une cruelle guerre, autant pour leur peau, qu'ils eftiment plus que celle des rennes domeftiqués, que pour leur chair, qui eft beaucoup plus délicate. Ils ont auffi des rennes à demi-fauvages & domeftiques, fortis de leurs rennes femelles, qu'ils laiffent aller dans les bois pendant que ces animaux font en chaleur. Cette

efpece devient beaucoup plus grande, les autres, & plus propre

plus forte

pour

que
le traîneau.

La Laponie ne nourrit point d'autres animaux domeftiques que les rennes; mais fes habitans trouvent, dans les rennes feuls, toutes les commodités que nous tirons de plufieurs des nôtres. Aussi n'en jettent-ils rien. Ils emploient le poil, la peau, la chair, les os, la moëlle, le fang, les nerfs; & tout eft d'un bon ufage. La peau leur fert à fe garantir des injures de l'air. En hiver ils la portent avec le poil. En été ils ont des peaux dont ils ont fait tomber ce poil. La chair eft pleine de fuc, graffe, extrêmement nourriffante ; & les Lapons ne mangent point d'autre viande. Les os leur font d'une grande utilité pour faire des arbalêtes & des arcs, pour armer leurs fleches, pour faire des culieres, & pour orner leurs autres ouvrages. La langue & la moëlle des os, font ce que la Laponie a de plus délicat. Les Lapons boivent quelquefois le fang des rennes: mais ils le confervent plus ordinairement dans la veffie de l'animal, qu'ils expofent au froid pour l'y faire condenfer. Ils en font une boiffon, en le faifant

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bouillir avec du poiffon. Ils n'ont pas d'autre fil que celui qu'ils tirent des nerfs. Le plus fin leur fert à coudre leurs habits, & le plus gros à joindre ensemble les planches de leurs barques. Les rennes ne fourniffent pas feulement aux Lapons de quoi fe vêtir, & de quoi manger; ils leur donnent auffi de quoi boire. Leur lait eft le breuvage commun du pays; quoique fi gras, qu'ils font obligés d'y mêler prefque moitié d'eau. On en fait des fromages très-nourriffans; & ceux qui n'ont pas affez de rennes pour vivre de leur chair, fe contentent d'une nourriture fi fimple. Ces fromages font gras, & d'une odeur forte; un peu fades néanmoins, parce qu'on les mange fans fel..

Ces animaux font très-utiles pour les voyages & le tranfport des fardeaux. On fe fert d'un traîneau, qui eft une efpece de petit bateau, qu'on nomme pulka, pointu dans un bout, auquel on attache une corde qui tient au collier de l'animal. Ce collier eft une peau avec le poil. Le trait defcend vers le poitrail, & paffe entre les jambes. Le Lapon n'a pour guides qu'une corde attachée à la racine du bois de l'animal, qu'il jette tantôt d'un côté, tantôt de

l'autre, pour lui faire connoître le che min, en la tirant du côté qu'il doit tourner. C'eft dans ces voitures

que l'on voyage fur la neige glacée. Un bon renne entier peut faire, par heure, fix bonnes lieues de France, lorfque la neige eft unie & bien glacée; mais il ne réfifteroit pas long-temps à cette fatigue. Il faut qu'après cette courfe il fe repofe fept à huit heures de fuite. Ceux auxquels on fait faire moins de chemin, courent douze ou treize heures. Après quoi, fi l'on ne veut pas qu'ils crevent au pulka, il faut leur donner au moins vingtquatre heures de repos. Rien ne feroit comparable à cette maniere de voyager, fi elle n'étoit extrêmement fatigante. Des fauts continuels, des foffés, des pierres à franchir, & l'attention néceffaire pour ne pas verfer, fercient défirer une marche plus lente avec moins de rifques. Ce bateau eft fi petit, qu'à peine peut-il contenir la moitié du corps d'un homme il a une proue pointue qui fend la neige, & une quille étroite qui verferoit fouvent, fi celui qui eft dedans n'étoit bien attentif à conferver fon équilibre. Il tient toujours à la main un bâton court & pointu, qui lui fert pour

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