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d'autres allufions: car tout cela, comme l'on voit, eft affez arbitraire. Et en effet S. Thomas donne encore pour nouvelle raifon de ce mêlan

ge, l'union de l'ame avec Dieu dans le Ciel. Mais il eft bon fur cela de s'en tenir principalement aux raifons qui paroiffent comme confacrées par les prieres de l'Eglife, & qui font autorisées par le fentiment le plus unanime des SS. Peres & des Auteurs Liturgiftes. C'eft dans ce même efprit & ce même goût, dans le même deffein & le même ftyle & fur de femblables vues, que font compofées prefque toutes les prieres ou bénédictions de l'Eglife. On a cru que fans préjudice des raifons phyfiques, littérales, formelles & immédiates, des Rits & des Cérémonies (a); & fans en détruire ni ruiner le premier fens, le fens

(a) Raifons, pour la plupart de néceffité, de bienféance ou de commodité. Quelques unes prifes des ufages des Païens & des Juifs; d'autres, du rapport des actions avec les paroles. C'eft, par exemple, une neceffité de dire à voix intelligible, au moins les derniers mots des prieres qui doivent être fuivies de l'Amen dứ peuple. C'eft bien féance que de ne pas tenir une main en l'air, tandis que l'autre eft en mouvement & occupée à faire quelque chofe. C'eft commodité que de s'affeoir aux Leçons de Marines, après s'étre tenu debour pendant toute la Pfalmodie qui a précédé. C'est une coutume imitée des Païens & des Juifs, de fe laver & fe purifier avant que de prier; avec cette différence, que l'eau dont fe fervent les Chrétiens, eft fanctifiée par la parole de Dieu & par la priere. Enfin ce font des actions attirées & amenées par les paroles, que de joindre & unir les mains en difant in unitate ; que de les élever en haut en difant furfum, que de participer à l'Autel par Pattouchement de la bouche, en difant ex hac Altaris participatione, &c. Et ainfi d'une infinité d'autres prattiques, qui ont prefque toutes, leur fource & leur origine dans l'une de ces cinq raisons.

Gimple, , propre, naturel & neceffaire, qu'au contraire on fuppofe toujours comme la bafe & le fondement de toute metaphore & de toute allégorie: on pouvoit par de fecondes intentions. & des motifs furajoutez, dont il eft aifé de convenir, attribuer encore à ces prattiques, des fignifications myftiques & figurées, les accompagner d'idées fpirituelles & fymboliques, de reflexions faintes & édifiantes, & en faire des applications & des appropriations convenables, pour nourrir & aider la pieté des fideles, les toucher, les inftruire & élever leur cœur & leur efprit & y porter je ne fay quelle lumiere & quelle onction; en un mot, joindre l'efprit à la lettre, le moral au phyfique, & enter la figure & la métaphore fur le fimple & le naturel. Afin, dit le Concile de Trente, en parlant en particulier des Sef. 22. Cérémonies de la Meffe, d'exciter l'efprit des fide- c.. les, par ces fignes fenfibles de pieté & de Religion, à la contemplation des grandes chofes qui font cachées dans le Sacrifice. Rien ne paroît en effet plus excellent ni d'un plus grand ufage, que ces fens pieux & moraux, pour s'animer & fe foutenir dans l'exercice des prattiques de Religion, & faire toutes chofes en efprit, avec goût & avec fentiment. Rien n'imprime davantage au peuple la vénération profonde avec laquelle il doit affifter à la célébration des Myfteres. Et de plus, & indépendamment même de ce que nous venons de dire, où eft l'inconvénient de relever & de rehauffer par des allégories, la fimplicité des Cérémonies & la majefté des divins Offices? Il faut feulement étre attentif à ne pas donner d'un côté, dans des vues trop bizarres & trop écar

Sacrif. Miff.

tées (a), dans des idées trop contraintes & trop détournées ( car il eft vray qu'il y a des Auteurs qui fe tuent à imaginer des allegories); & de l'autre, à ne pas prendre le change, en suppo

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(a) Comme pourroient étre celles dont fe plaint Albert le Grand, dans fon Traité du Sacrifice de la Meffe: ce célebre Théologien, furnommé le Grand à caufe de l'étendue de fon érudition,ne pouvant fouffrir,par exemple, qu'on n'ait d'autre motif de ne réciter qu'une Oraifon à la Meffe, , que pour marquer l'unitè de l'Effence divine; qu'on en dife trois, par rapport au mystere de la SainteTrinité; cinq, par allusion au cinq Playes de N. S. &. enfin fept, à cause des fept Dons du S. Efprit. Voicy fes propres termes, peut-être un peu trop vifs :,, Plufieurs ont donné de différentes mais inutiles raifons,touchant ,, ce qui a été ordonné de ne dire qu'une, ou trois, ou cinq, ou fept Collectes. Quand on n'en récite qu'une, difent certains Auteurs, c'est à caufe de l'unité de fubftance des trois Perfonnes-divines: On en récite trois, à caufe du myftere de la Trinité; cinq, à cause des cinq Playes de J. C. fept, à caufe des fept Dons du S. Efprit. Mauvaises raifons: car, fur ce principe il faudroit donc auffi en dire neuf,à caufe des neufChoeurs » des Anges; onze, à caufe des onze Difciples qui s'en allerent en Galilée ; treize, à caufe de J. C. & des ,, Apôtres ; & quinze, à caufe des quinze degrez de vertus, que l'on compte dans le progrès que nous faifons ,, en l'oraifon. C'eft pourquoy de femblables raisons ,, ne font nullement à confidérer. Ce font de pures moqueries. "Et de même, en parlant des mysteres que l'on trouve dans la récitation à voix balle, de la Secrete & du Canon, il compte pour rien, à ce qu'il dit de telles applications; apud me nihil valent tales adaptationes. Selon luy, elles font hors d'oeuvre & ne font rien au fujet:hoc meo judicio nihil valet ad propofitum. Enfin ces fortes de raifons ne le perfuadent point, & il prend toute cette myftagogie pour un amusement & une derifion; non credimus derifionem reputamus. Le P. Charle Guyet, favant Rubricaire de la Compagnie de Jefus, ne peut goûter, non plus qu'Albert le Grand, qu'on cherche du myftere dans ce nombre ternaire, qui

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fant à l'Eglife des fens propres & naturels, lorf qu'elle ne penfe qu'à en donner de figurez & de métaphoriques; difons, lorfqu'elle ne pense fouvent qu'à faire de fimples comparaifons. Car il eft bon d'obferver que bien que l'Eglife accommode & approprie fouvent fes prattiques & fes cérémonies, à de certains faits & à de certaines véritez de doctrine ou de morale, en les comparant ensemble dans ses prieres & dans ses béné

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naire ou feptenaire des Oraifons de la Meffe. "Quoique je n'ignore point, dit ce Jefuite, en fon Heortologie," Difcours où dediée à l'affemblée du Clergé de France de 1655. que <Traitté fuk Les Fêtes. les SS. Peres s'arrêtent fouvent aux nombres, & qu'ils y trouvent des myfteres qui regardent la foy & les " meurs.... cependant pour ce qui concerne nos Ru-" briques, il faut avouer que toutes les raifons qui font " tirées des nombres, ne font le plus fouvent que de " foibles & legeres convenances, qui n'ont point du tout donné lieu à l'inftitution de la chofe, ou qui font fi " vagues & indéterminées, qu'on peut auffi les adopter « comme l'on veut, à tout autre fujet. Car en fin par tout où le nombre d'un, de trois, de cinq ou de fept " fe rencontrera; chacun ne pourra-t'il pas en donner " des raifons femblables à celles qu'on a cy-deffus rapportées ?

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Après cela, je ne vois pourtant pas qu'il y ait de fondement à fe récrier fi fort contre ces fortes de raifons, quelles qu'elles foient. Dès-là qu'on les contient dans leurs juftes bornes, & qu'on ne les propofe que pour ce qu'elles fonts c'est-à-dire, pour des penfées pieufes & édifiantes, telles que celles que quelques perfonnes de piété ont attaché au nombre impair des Oraifons de la Meffe, & fur quoy Albert le Grand fait tant de vacarme; rien, ce femble, ne peut empêcher qu'on ne les employe & qu'on ne les mette en œuvre pour l'inftruction des fideles. Il ne faut donc point faire ainfi mal-à propos le procés aux Auteurs Liturgiftes, qui n'ont penfé dans leurs interprétations morales & fpirituelles, qu'à édifier l'Eglife, & nullement à donner leurs idées, comme les vrayes caufes & les vrays motifs, en un mot, 'comme les raifons d'inftitution des Rits & des Cérémo Tome 1.

T

dictions, elle ne prétend pas pour cela donnet toujours le véritable fens des Cérémonies; ni que le fens fpirituel & moral, qui résulte des fimilitudes qu'elle propofe, foit néceffairement le fens propre & formel & la fignification primitive & naturelle, en un mot, la raifon immé. diate & d'inftitution de ces mêmes Cérémonies, Par exemple, dans les prieres employées à la Bénédiction des Cierges, le jour de la Chandeleur, le feu matériel dont brûlent ces Cieges, & qui eft propre à diffiper les tenebres & l'obscurité, fe trouve comparé au S. Efprit, comme à un feu divin, qui éclaire, qui embrafe & qui purifie invifiblement les coeurs : dira-t'on pour cela que l'Eglife foit perfuadée & qu'elle veüille nous infinuer qu'il y a en effet un rapport & une con nexion naturelle & néceffaire entre l'un & l'autre? Et même en tirera t'on cette conféquence, que ces lumieres ayent été précisément inftituées dans le deffein de figurer & répréfenter les opérations de cet Esprit divin? Point du tout. C'est feulement une comparaison & un exemple dont l'Eglife fe fert, à l'occasion de cette Cérémonie,

nies. On fait bien, par exemple,que lorfque Durand nous dit que le coq mis fur la Croix d'une Eglife, défigne les Prédicateurs; ce n'eft pas que ce favant Evêque ignorât que cette figure n'eft ainfi phyfiquement & originairement pofée fur le haut d'un clocher ou d'une fleche, qu'en guife de girouette & pour connoître de quel côté le vent fouffe ; d'où vient que ce coq tourne fur un pivot, & porte la queue fort large, pour donner plus de prife au vent. Mais feulement ce que Durand a prétendu, à été de prendre de là occafion, d'exciter le zele & la vigilance de ceux qui font chargez d'annoncer l'Evangile, en les comparant à un oifeau, dont une des propriétez, trés-fenfible & tres connue, eft de chanter du matin, d'annoncer le jour & d'éveiller.

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