Imágenes de páginas
PDF
EPUB

autant: mais qu'il vouloit feulement dire qu'il faifoit dans l'inftant même une ferme réfolution de donner au plutôt aux Pauvres la moitié de fon bien, & de rendre quatre fois autant qu'il fe trouveroit avoir pris injustement. Il n'eft pas difficile de choifir entre ces deux fens, fur leur fimple expofition; & je m'affure que tous ceux qui ne fe feront engagés à la lecture de cet Ecrit, que pour fçavoir qui a raifon de M. Arnauld ou de moi, ne pafferont pas outre.

On fçait que dans toutes les Langues du Monde on fe fert du Tems préfent, comme Zachée, pour exprimer ce qu'on a coutume de faire.

Quacumque libido eft,

Incedo folus, percontor quanti olus ac far, Fallacem Circum, vefpertinumque pererro Sæpe forum, affifto divinis, inde domum me Ad porri & ciceris refero laganique catinum, Cana miniftratur, &c.

On fçait, au contraire, qu'on ne peut employer le Tems préfent à fignifier l'avenir même le plus prochain, que par une espéce de figure. Or M. Arnauld ne disconviendra pas, qu'on doit s'arrêter au fens littéral de toute forte de Difcours, & ne recourir au figuré, que lorsque le littéral implique con

tradiction, ou qu'il enferme quelque abfurdité ou fauffeté manifefte. Ainfi, quand un homme qu'on appelle, répond, fans bouger de la place où il eft, J'y vais, il eft naturel d'entendre par ce Tems préfent dont il fe fert un futur très-prochain; parce qu'autrement le fens de fa Réponse, à la prendre au pied de la lettre, feroit faux ; puisqu'il ne va pas effectivement dans l'inftant même qu'il dit qu'il va : & il eft néceffaire de juger qu'il veut feulement dire qu'il ira au plutôt.

Tout de même, dans tous les Paffages de l'Ecriture, où Dieu ufant de menace, & paroiffant parler dans un efprit de Colére, de Vengeance, ou de quelque autre Passion, s'exprime par le Tems préfent, Je viens, J'envoie, Je fais ; comme on ne menace pas de ce qui eft préfent, mais feulement de l'avenir, il eft néceffaire d'expliquer ce Tems préfent par le futur qui en eft le moins éloigné : & il eft clair qu'il ne s'exprime de cette forte, que parce que le Préfent touchant naturellement plus que l'Avenir, ce qui représente les maux, dont on menace comme préfens,eft beaucoup plus vif, & plus propre à en infpirer la crainte, que fi on menaçoit par le futur ; & c'est en quoi confifte l'effet de la Figure. Dare per figuram fententiæ vires, dit Quintilien.

Mais quel befoin Zachée avoit-il de fe fervir de Figure, s'il eût eu dans l'esprit le fens M.Arnauld lui attribue? Et n'auroit-il fait auffibien connoître au Fils de Dieu

que

pas

la fermeté de fon bon propos en difant qu'il alloit donner, comme M. Arnauld lui fait dire, qu'en difant par le Tems préfent, qu'il donnoit, comme le Grec & la Vulgate le difent? Pourquoi recourir au fens figuré, pour expliquer le Difcours de ce Publicain, qui, bien loin d'enfermer aucune contradiction étant entendu littéralement, a un fens fi naturel & fi vraisemblable?« Seigneur, je don»ne la moitié de mon bien aux Pauvres; & » fi j'ai fait tort à quelqu'un de quelque cho»fe, je lui rens quatre fois autant.» Ecce dimidium bonorum meorum, Domine, do pauperibus; & fi quid aliquem defraudavi, reddo quadruplum. En voici la raison.

M. ARNAUL D.

La Particule Ecce,jointe à un Préfent, marque très-naturellement ce que les Grecs: appellent un Paulo-poft-Futur.

J'avois toujours cru que le mot Ecce, fi fréquent dans l'Ecriture, n'y étoit la plûpart du tems qu'une Particule explétive, ou tout au plus emphatique, qui ne change rien au fond du Difcours, mais qui en augmente feulement, affirme, & exagere le fens avec

quelque forte de paffion; comme par exemple dans ces Paffages: Ecce qui ferviunt ei non funt ftabiles, & in Angelis fuis reperit pravitatem; Job, Chap.IV. Verf. 18. Ecce hæc omnia operatur Deus;Chap. XXXIII. Verf. 2). Ecce in die jejunii veftri invenitur voluntas veftra, & omnes debitores veftros reperitis; ecce ad lites & contentiones jejunatis, & percutitis pugno impiè; Isaï. Chap. LVIII. Verf. 3. Ecce ambulat unufquifque poft pravitatem cordis fui mali; Jerem. Chap. XVI. Verf. 12. & un nombre infini d'autres femblables que je pourrois alléguer, dans lefquels l'Ecce fe trouve joint à un Préfent, & ne marque pourtant rien moins qu'un Paulo-poft-Futur.

M. ARNAUL D.

[ocr errors]

Et on fent affez qu'Ecce venio eft la même chofe que Jam veniam, Je m'en vais venir Je viendrai bientôt : Et de même, Ecce fto ad oftium & pulfo, Je ferai bientôt à la porte & je fraperai.

M. Arnauld, qui m'impute ce que je ne dis pas, pour me faire parler mal François, comme on verra ailleurs, me permettra bien de l'avertir ici, que cette maniere de parler, Je m'en vais venir, n'eft pas digne d'un homme qui s'exprime auffi purement que lui, quoiqu'on s'en foit auffi fervi à Mons,

[ocr errors]

Du refte, j'avoue que je ne fens point, qu'Ecce venio foit la même chofe que Jam veniam ; car fi c'étoit la même chofe, Ecce venio fignifieroit toujours Jam veniam, & fe devroit toujours traduire, Je viendrai bientôt,& jamais, Je viens. Mais c'est-ce que M. Arnauld n'oferoit avancer fans fe commettre avec les Traducteurs de Mons, & peut-être avec lui-même, puisqu'on y a rendu ces mêmes mots dans l'Epître aux Hébreux, Chap. X. Verf. Tunc dixi, ecce venio: Alors j'ai dit, me voici, je viens. Et ne croyez pas que ce foit

7.

par inadver tence; car vous trouverez la même chofe peu de lignes plus bas: Ecce venio ut faciam, Deus,voluntatem tuam: Me voici, je viens pour faire, mon Dieu, votre Volonté ; & la même chofe encore dans le Pfeaume XXXIX. d'où ces paroles font tirées. Il falloit que ces Meffieurs dormiffent, comme on dit qu'Homere faifoit quelquefois, quand ils traduifirent ces trois Endroits, puifqu'ils ne fentirent point ce que M. Arnauld dit, qu'on fent affez, qu'Ecce venio eft la même chofe que Jam veniam.

Il eft vrai que c'eft la même chofe quelquefois. Ecce venio ficut fur, beatus qui vigilat, Chap. XVI. Verf. 17. de l'Apocalypfe, fe peut traduire, Je viendrai comme un Voleur: mais ce n'eft pas à caufe de l'Ecce;

« AnteriorContinuar »