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quel dégré peut aller naturellement la multiplication du bled qu'on féme dans la terre. La chaleur du climat & la fertilité du terroir peut rendre une récolte plus ou moins abondante. Mais je fçais certainement que deux ou trois paroles prononcées par un homme, n'auront jamais le pouvoir naturel de multiplier tellement un petit pain, qu'il foit capable de raffafier réellement en ma présence, plufieurs milliers de perfonnes affamées ; enforte que les miettes de ce pain multiplié furpaffent la quantité de ce même pain, avant qu'il eût été multiplié. Je dirai la même chofe d'un malade guéri foudainement, ou d'un mort reffufcité par une fimple parole. Il eft donc vrai, que quoique nous ne connoiffions pas abfolument jufqu'où s'étendent les forces de la nature, nous connoiffons néanmoins furement que certaines chofes ne peuvent arriver felon fes Loix. Ainfi quoiqu'on puiffe nous en impofer par certains Miracles qui n'en ont que l'apparence, il eft cependant impoffible que nous foyons trompés, par rapport à certains effets, qui évidemment furpaffent les forces de la nature.

Les Déistes reconnoiffent qu'il y a un Etre Souverain & incréé; & que cet Etre Toutpuiffant eft l'Auteur de toutes choses. Voudroient-ils qu'il fût au-deffus de fon pouvoir

de faire connoître aux hommes ses volontés ? Cependant fi nous ne pouvons difcerner le Miracle des effets naturels, il nous fera abfolument impoffible d'être informés & affu rés des volontés de Dieu, dont le Miracle eft en quelque forte le feul langage, pour nous apprendre ce que nous ne pouvons naturellement connoître.

Enfin, fi les Déiftes veulent que nous les regardions comme des perfonnes fenfées & raifonnables, ils doivent nous faire voir dans l'antiquité quelques faits mieux prouvés que ceux de Moïfe ou de J. C. fans cela on a droit de leur demander, pourquoi ils croient les uns & ne croient pas les autres ? Mais il s'en faut bien que ces faits puiffent être mis en paralléle: les faits anciens les plus inconteftables n'ont point les marques certaines de vérité qu'ont les faits de l'Ecriture. Au refte, on défie les Déiftes de faire mention d'aucune imposture, qui ait jamais eu ces marques fenfibles.

Si vous me croyez, Monfieur, vous ne propoferez jamais d'autre argument aux Déiftes que celui-là, qui feul fuffit pour les confondre. Laiffez-les citer Apollone de Tyane, dont la Vie a été écrite en Anglois par l'impie Charles Blount, qui a ofé comparer dans cet Ouvr ge les prétendus Miracles de ce Philofophe avec ceux de notre

Sauveur. Laiffez-les citer encore certains Miracles de la Légende, & les opposer à ceux de l'Evangile, comme s'il n'y avoit aucune perfonne, un peu éclairée dans la Reli gion Romaine, qui en ignorât la différence. Enfin, laiffez-les choifir parmi les fables du Paganisme, celles qu'ils jugeront à propos de vous oppofer. Que leur ferviront ces exemples, lorfque vous leur demanderez fi les faits chimériques qu'ils alléguent, ont les quatre fignes infaillibles de vérité que j'ai marqués ci-deffus ?

C'eft en vain qu'ils voudroient citer ce qui fe palla autrefois à Rome, au sujet du Serpent d'Epidaure. Selon quelques anciens Auteurs, la Ville de Rome étant affligée de la pefte, on envoya des Députés à Epidaure, pour faire venir à Rome la Statue d'Esculape. Un Serpent s'étant gliffé dans le vaiffeau, on crut que c'étoit le Dieu qui avoit pris cette forme, & on le tranfporta à Rome: mais étant arrivé, il s'échapa, & se sauva dans une Ifle du Tybre, & depuis ce tems-là on ne le vit plus. Les Romains jugerent à propos de bâtir dans cette Ifle un Temple à Efculape, & auffi-tôt la contagion ceffa.

Je demande, par rapport à ce fait, quel eft le premier Auteur qui l'a écrit, &ďoù il l'a appris? L'a-t-il écrit fur la foi de quelques témoins oculaires? Ne l'a-t-il pas plu

tôt imaginé lui-même, ou au moins n'a-t-il pas fuivi en cela quelque mauvaise tradition populaire, fource méprifable & toujours corrompue ? Peut-on dire que cette fable ait les quatre marques de vérité que j'ai exigées pour la certitude d'un fait ? Mais fuppofons que celui-ci foit véritable, qu'en peut-on conclure? Ce Serpent a-t-il prêché quelque Doctrine? s'eft-il dit l'Envoyé de Dieu ? a-til confirmé la Doctrine de quelque homme qui eût pris cette qualité ?

On cite encore pour exemple, ces deux jeunes gens inconnus, qui dans une Bataille des Romains contre les Latins, combattirent à la tête de la Cavalerie Romaine, & qui dans la même nuit que cette action se passa, parurent à Rome, & y apporterent la nouvelle de la défaite des Latins. Les Romains perfuadés que c'étoit Caftor & Pollux, leur bâtirent un Temple, & ordonnerent qu'il fe feroit une Proceffion tous les ans, pour conferver le fouvenir de ce fait merveilleux.

Mais ce fait n'eft attesté par aucun Auteur contemporain: il n'a point été écrit par des témoins oculaires. Les Romains ont pu s'imaginer que ces deux jeunes hommes étoient Caftor & Pollux ; mais on ne marque point qu'ils fe foient eux-mêmes donnés pour tels: enfin ils n'ont rien enfeigné & n'ont prétendu autorifer aucune Doctrine:

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ainfi il n'en résulte rien. Si l'on dit que ce fait merveilleux autorifoit la Religion Païenne; je répons que quand même il feroit vrai, il ne devoit pas plus produire cet effet par lui-même, que les Miracles des Magiciens d'Egypte, dont il eft parlé dans l'Ecriture. Les Miracles ne font le langage de Dieu, qu'autant qu'ils font opérés formelle ment pour attefter une Doctrine.

On objecte encore le Sommonocodom adoré dans le Royaume de Siam, & on compare fa naiffance & fa vie, avec la naiffance & la vie de Jésus-Chrift. Ce qu'on dit de Sommonocodom, qu'il nâquit d'une Vierge, que la perfécution d'un Roi qui le vouloit faire mourir, le contraignit de s'enfuir dans un autre pays, &c. Ces circonftances, & plufieurs autres pareilles, paroiffent avoir été empruntées de l'Hiftoire de Jésus-Chrift. Peut-être que les Siamois ont autrefois entendu parler de l'Evangile, & que la Religion Chrétienne qui y avoit été prêchée, s'y est éteinte comme en quelques autres endroits. D'ailleurs, on ne nous dit point, quand le Livre qui contient la Vie de Sommonocodom a été écrit ; fi c'est par lui-même, ou par des témoins oculaires de Les actions.

Un Auteur Anglois, dont j'ai extrait ces objections frivoles contenues dans fon Li

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