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AURO I.

SIRE,

Voici le feul Modéle qui refte à vous propofer. Votre Majefté eft audeffus de tous les autres: mais les plus grands Perfonnages Grecs & Romains font des Originaux bien imparfaits en comparaifon de celui que je vous préfente; & quand vous le confidérerez, la gloire de les avoir furpalles vous paroîtra bien peu de chofe. Vous y verrez, Sire, une Sageffe exemte de toutes les illufions des Paffions, une Eloquence capable d'infpirer les Sentimens les plus incroyables,une Intrépidité qui donnoit

que

les calom

de la terreur à fes Ennemis, une Dou ceur & une Modération nies les plus noires ne purent altérer, un Mépris magnanime pour les Louanges les plus juftes, enfin une Fermeté à l'épreuve de l'ignominie du plus honteux des Supplices; ignominie, dont la feule penfee effraye les plus grands Coeurs. Voilà, Sire, où les Forces humaines n'ont jamais pu arriver; & ce ne font les moindres traits de la Peinture de Jésus-Chrift, que j'expofe aux yeux de Votre Majefté. Heureux, fi mon travail peut arrêter quelquefois vos regards, & vous faire fouvenir de la profonde vénération avec laquelle je fuis

que

SIRE,

DE VOTRE MAJESTÉ

A Paris

Avril 1678.

Le très-humble, très- obéiffant, & très-fidéle Sujet, & Serviteur,

DE SAINT-REAL

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L n'eft que trop vrai, que la plu part des gens du monde ne lisent pas l'Evangile autant qu'il feroit à fouhaiter. La délicatesse du Siécle pour la maniere d'écrire en est la principale caufe. On veut beaucoup de matiere en peu de paroles: on ne peut fouffrir les moindres répétitions; on veut de l'ordre, de la liaifon, & de la facilité par-tout: & on ne confidére pas, que les choses grandes, admirables, divines, telles que les Actions & les Paroles de Notre Seigneur Jéfus-Chrift, quand on les écrit d'original comme les Evangéliftes, qu'on en a l'efprit & le cœur également remplis, ravif fent, tranfportent, ne reconnoiffent ni art, ni régles. L'Esprit de Dieu ne s'ajuste pas aux petites obfervations des enfans des hommes.

Peut-être auffi qu'une des chofes, qui fait qu'on ne lit guéres l'Evangi

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le, eft qu'il y a plusieurs Evangéliftes. Peu de perfonnes ont la patience de lire quatre Auteurs d'une même Hiftoire ; & faute de fçavoir lequel choifir, beaucoup de gens n'en lifent aucun.

Les excellentes Verfions, qui en ont paru de notre tems, n'ont pas produit tout le fruit qu'elles devoient produire. Il y a quantité d'endroits fi élevés & fi mystérieux, qu'on ne fçauroit les rendre bien intelligiblement dans une pure Traduction; & le génie de notre Langue eft fi différent de celui de l'Hébreu & du Syriaque que le Fils de Dieu parloit, qu'il eft fouvent impoffible d'exprimer le vrai fens de fes Paroles dans toute fon étendue & fa force, à moins que de fe donner une grande licence, & s'éloigner beaucoup de la Lettre, que les Traducteurs font obligés de fuivre exactement. Il est vrai qu'il femble que trois Evangéliftes ayant écrit en une Langue qui a tant de rapport avec la

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