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un portrait avantageux d'un Souve rain qui véritablement avoit de grandes qualités, mais qui fe conduifoit ordinairement par des principes d'une Politique trop rafinée. Jamais Prince n'eut plus de courage & d'efprit, il n'en eft point auffi qui ait été plus ambitieux & moins fidéle à fa parole & à la religion des Traités. Intrépide, entreprenant, diffimulé, il excita la jaloufie des Rois de France & d'Espagne, & s'attira la haine de fes Voifins; chacun prit les armes contre lui, & ce ne fut qu'avec des efforts incroyables qu'il fut poffible d'entamer fes Etats: cependant quelque difficulté qu'on éprouva alors pour y entrer, on difoit de lui communément, que fon cœur étoit encore plus inacceffible que fon Pays.

Un Auteur qui fçait habilement écarter ou traveftir ce qu'il trouve de peu avantageux dans des vérités hiftoriques, étoit affez propre à répandre un vernis éblouiffant fur une

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Vie, dans laquelle la vérité toute fimple ne faifoit voir qu'un mélange fingulier de bonnes & de mauvaifes qualités. L'Abbé de Saint Réal l'entreprit; mais il y a apparence que rebuté par la difficulté du travail, il renonça à fon projet; car perfonne n'a jamais dit qu'il l'eût exécuté. L'Abbé de Saint Réal ne resta pas long-tems à Chambéry; un événement qui faifoit alors l'Hiftoire du tems, lui fournit une occafion pour paffer en Angleterre. La belle Hortenfe, niéce & héritiere du Cardinal Mazarin, crut pouvoir fe fouftraire à l'humeur finguliere du Duc de Mazarin, fon mari; elle partit de France & fe refugia en Savoye; elle vint demeurer chez un des Parens de M. de Saint Réal. Cet Abbé déja connu par des Ouvrages qui annonçoient beaucoup d'efprit & de délicateffe, fut invité à son arrivée à Chambéry, à quitter fes Livres pendant quelque tems pour augmenter la Cour d'une Dame qui raffembloit

auprès d'elle, par-tout où elle fé journoit, tout ce qu'elle trouvoit de Gens de mérite. On voit par le portrait que S. Evremont nous en a laiffé, & qu'il ne donne encore que comme une foible efquiffe de la réalité, qu'on ne pouvoit voir Madame de Mazarin fans y prendre quelque intérêt. La Philofophie de l'Abbé de Saint Réal fe dérida peu à peu; il commença à avoir de la complaifance, & il la pouffa au point de confentir à paffer en Angleterre avec la Ducheffe, qui avoit résolu d'y fixer fa demeure: il y arriva vers la fin du mois de Décembre 1675.

C'eft fans doute la liaison, dans laquelle il a été avec cette Dame qui a été l'unique caufe qu'on lui attribue différens Ecrits en faveur de Madame de Mazarin. On convient aujourd'hui qu'ils ne font point de lui.

Un homme auffi ftudieux que l'Abbé de Saint Réal, devoit fe trouyer extrêmement déplacé dans le

nouveau genre de vie qu'il menoit
alors; il paroît qu'il s'en laffa bien-
tôt ; il partit de Londres, peu de
tems après y être arrivé, & vint à
Paris pour s'y confacrer à l'étude &
à la retraite. Le premier fruit qui en
réfulta, fut la Vie de JESUS-CHRIST,
qui parut d'abord in-4°. il la dédia à
Louis XIV. comme on le voit
par
l'Epître dédicatoire, qui eft du mois
d'Avril 1678. On ne faifit point dans
le monde l'idée que donnerent de
cet Ouvrage les quatorze Docteurs
qui l'approuverent, & en général il
a été peu eftimé. L'Abbé de Saint
Réal, abfolument voué aux belles
Lettres, étoit
peu propre à traiter
un fujet de cette nature; il falloit un
homme qui eût fait fon occupation
principale de l'étude des Livres
faints. Il chériffoit cependant cet
Ouvrage avec une affection fingu-
liere: C'est le feul de mes Livres que
j'aime, dit-il dans un endroit, Je l'ai-
me avec toute la tendreffe d'un bon
Pere....

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Quelque tems après la publication de cet Ouvrage, l'Abbé de Saint Réal fit un voyage en Savoye, il féjourna pendant quelque tems à Turin, & fut affocié à l'Académie de cette Ville, où il prononça fon Difcours de remerciment, le 13 Mai 1680. Comme c'étoit la veille d'une grande folemnité, dans laquelle Victor-Amédée-François qui avoit regné fur la Savoye, fous la tutelle de Madame Royale *, sa mere, devoit être déclaré Majeur, le nouvel Académicien prit pour fujet de fon Difcours de remerciment, le Panégyrique de la Régence de cette Princeffe, dans lequel après avoir mis dans un point de vue affez brillant les vertus principales de la Princeffe, il la complimente avec beaucoup de délicateffe fur le bonheur qu'elle a d'avoir pour fils un Prince auffi accompli que celui qui alloit prendre les rênes du Gou

MARIE-JEANNE-BAPTISTE DE SAVOYE, fille aînée de Charles-Amédée, Duc de Nemours, morte le is Mars 1724. âgée de 80 ans.

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