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qu'il eut avec un Sçavant auffi labo rieux le fortifia encore dans le penchant naturel qu'il avoit pour le tra vail. A fon exemple, le genre hiftorique devint fon occupation favorite; peut-être auffi, fous un Maître qui étoit alors en réputation, & qui ne faifoit pas difficulté de facrifier quelquefois la vérité de l'Hiftoire aux agrémens du ftyle & de la diction, contracta-t-il l'habitude d'ê tre peu fcrupuleux fur les anecdotes, & de chercher dans la fécondité de fon imagination des reffources contre la ftérilité de l'Hiftoire.

L'Abbé de Saint Réal ne vécut pas longtems avec Varillas; celuici fe plaignit qu'on lui avoit enlevé quelques Papiers, il en accufa Saint Réal; la querelle s'échauffa entre eux, ils se féparérent. L'Abbé rendu à lui-même,n'en devint que plus retiré : uniquement occupé de fes études, il penfa alors à s'y livrer plus que jamais; & fans aspirer à rien de plus dans l'Etat Ecclefiaftique qu'à

la fimple Cléricature, où il refta toute la vie, il confacra à des travaux utiles ce tems précieux de la jeuneffe, qu'on emploie ordinairement, ou qu'on perd à faire de mauvaises études.

Avec beaucoup d'efprit & de pénétration joints à un travail affidu & opiniâtre, formé d'ailleurs par les leçons, & peut-être même par les défauts d'un Maître qui jouiffoit de quelque réputation, l'Abbé de Saint Réal ne pouvoit manquer d'ê tre bientôt en état d'enrichir le Public de fes productions ; fes Ouvrages furent parfaitemeut bien reçus ; on les trouva intéreffans, purement écrits, & parfemés avec goût de remarques folides & de réflexions ingénieuses.

Son premier Ouvrage parut en 1671. il étoit intitulé: De l'Ufage de PHiftoire. Il eft contenu en fept Difcours précédés d'une Introduction, dans laquelle l'Auteur s'éleve contre la méthode avec laquelle on étu

die l'Hiftoire. On s'attache, dit-il, à fe charger la mémoire du fardeau peu utile desDates,des Noms & des Evénemens. Etudier l'Hiftoire, continue M. de Saint Réal, c'eft étudier les motifs, les opinions, les paffions des Hommes, pour en connoître tous les refforts, les tours & les détours, enfin toutes les illufions & les furprises qu'elles font à l'efprit & au cœur; en un mot, il veut que les faits hiftoriques ne foient confidérés que comme des autorités qui des appuient la raison, ou comme fujets qui l'exercent. Il avertit à la fin que les fept Difcours qui font le corps de cet ouvrage, ne font que des Extraits qu'il écrivit dans fa jeuneffe, prefque fous la dictée d'un Homme d'un rare mérite, qui lui donnoit des idées pour l'étude de l'Hiftoire.

L'année fuivante parut Dom Car los, Nouvelle Hiftorique, qui fut imprimée à Amfterdam en 1672. On fçait que la fin tragique de Dom

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Carlos fut une fuite du malheureux amour que ce Prince conçut pour fa belle-mere, Elifabeth de France, femme de Philippe II. Comme bien des perfonnes ont cru que cette Princeffe avoit quelque part à la paffion du jeune Prince, l'Abbé de Saint Réal crut devoir faire part au Public de quelques particularités propres à justifier la mémoire de la Reine. Cette Hiftoire eft parfaitement écrite; mais on accuse l'Auteur d'y avoir mêlé un peu de Roman.

Deux ans après, l'Abbé de Saint Réal publia fon Hiftoire de la Conju ration que les Espagnols formérent en 1618.contre la République de Venife. Cet Ouvrage fut imprimé à Paris en 1674. in-12. Ce morceau d'Hiftoire eft un des plus brillans Ecrits de l'Auteur. Le deffein qu'il paroît avoir eu d'imiter un des meilleurs morceaux de l'Antiquité, c'eft-àdire, la Conjuration de Catilina, écrite par Sallufte, l'a engagé à répandre dans cet Ouvrage tous les

agrémens que la vivacité de son efprit & la fécondité de fon imagination ont pu lui fournir. L'Auteur moderne n'eft point refté au-dessous de l'original qu'il s'étoit propofé pour modéle ; il y en a même qui prétendent qu'il l'a furpaffé; la vérité hiftorique de cet événement en a un peu fouffert ; & il paroît que l'Hiftorien s'eft plus attaché à la recherche de ce qui pouvoit embellir fon fujet, qu'à donner une relation exacte & fidelle.

Ce talent fingulier de prêter des couleurs avantageufes aux fujets qu'il avoit à traiter, le fit rechercher de la Cour de Savoye pour être l'Hiftorien de Charles-Emmanuel I. du nom, aïeul de CharlesEmmanuel II. qui y régnoit alors. L'Abbé de Saint Réal partit donc de Paris, & fe retira à Chambéry en 1675. pour écrire la Vie de ce Prince. Il ne falloit pas un Peintre moins habile & en même tems moins fcrupuleux pour faire à tous égards

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