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adoucir ses travaux', & charmer fes peines; ce fut là fon premier ufage. Elle fut enfuite confacrée au culte divin; elle en fit une partie principale, & devint encore néceffaire au peuple pour aider à la poéfie à conferver les traditions de leurs ancêtres. C'étoit la premiere fcience que l'on enfeignoit aux enfants; la mufique & la poéfie embraffoient toutes leurs études; on fut jufqu'à déifier les premiers hommes qui s'y diftinguerent. Apollon fut de ce nombre; Orphée, Amphion & Linus furent regardés comme des hommes divins à cause de leur talent éminent dans cet art. Les Philofophes s'y appliquerent; Pythagore, Socrate & Platon la recommanderent à leurs difciples, & dans les Républiques les mieux réglées. Les Grecs, & furtout les Arcadiens, en établirent l'étude par des loix (1) qu'ils regardoient comme indifpenfables & néceffaires au bien-être de la

(1) Jamblich. de vitâ Pythagor. - Macrobius in fomnium Scip. lib. 2, c. 1. Plato de Republic. & in variis locis. Ariftotel. de Politic. & in Problem,

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Nation. Une science auffi généralement cultivée eût dû fe perfectionner de bonne heure; cependant elle fut dans un état imparfait & fans principes jufqu'au temps de Pythagore. Nous avons vu (1) un peu plus haut par quel raifonnement ce grand homme détermina le premier les regles fondamentales de la mufique. De l'état vague & incertain où elle étoit avant celui où il la laifia, il y avoit un intervalle immenfe qui exigeoit une force de génie extraordinaire pour le franchir: il détermina précisément les proportions que les fons ont entre eux, & régla l'harmonie fur les principes des mathématiques; mais il porta un peu trop loin l'exactitude, en prétendant affujettir la musique au jugement feul de la raifon, & ne voulant point ad

Athenæus in var. loc. Horatius de arte Poetica, V. 391. filveftres homines, &c. Polybius de arcad. Cornelius Nepos in Epaminond. - Cicer.

4.

lib. lib. 2, de legibus.

(1) Chap. 10 de cette partie. Vid. & Nicomach. Manual. Mufic c. 5 & 6. Theo Smirnaus Mathematic. Platon, de Mufic. c. 12, p. 88.

mettre d'autres intervalles que ceux qui pouvoient être exprimés arithmétiquement (1) ou géométriquement (2). Ariftoxene, difciple d'Ariftote, penfa au contraire que cette matiere étoit entiérement du reffort de l'ouie, & que l'oreille devoit juger fouverainement des fons. Il régla donc leur ordre, & les confonances & les diffonances des tons, entiérement par le jugement de l'oreille; & fon fyftême prévalut quelque temps en Grece. Olympe, Phrygien de nation, vint à peu près dans ce temps-là à Athenes, & imagina un inftrument à cordes, par le moyen duquel il produifit les fémi-tons qui répandirent un agrément considérable dans la mufique, & lui firent changer de face; & il fe joignit à Ariftoxene, pour se rapporter du mérite de fon fyftême à la décifion de l'oreille. Enfin parut le fameux Ptolomée, qui s'éleva contre la partialité réciproque des partifans de Py

(1) Par les nombres.

(2) Par les lignes, c'eft à-dire, par les longueurs des cordes d'un inftrument.

thagore & d'Ariftoxene; il prit un milieu entre ces deux Philofophes pour expliquer les principes de l'harmonie, & foutint que les fens & la raifon devoient concourir ensemble au jugement des fons. Il reprocha aux Pythagoriciens qu'ils faifoient de fauffes fpéculations touchant les proportions, & qu'ils montroient trop peu d'égard pour les décifions de l'oreille en lui refufant des confonances qui lui étoient agréables, feulement parceque les rapports ne s'accordoient pas avec leur regle arbitraire; & il reprocha aux partifans d'Ariftoxene que, quoiqu'ils convinssent des idées différentes de grave & d'aigu, qui naiffent des rapports des fons entre eux,

&

que les différences des longueurs des cordes, qui rendent ces fons, fe trouvaffent toujours les mêmes; cependant ils ne connoiffoient point, ni ne cherchoient à connoître, en quoi confiftoit un rapport si évident. Il voulut donc que dans le concours de l'ouie & de la raifon, pour décider fur les principes de l'harmonie, l'un & l'autre s'affiftaffent muLuellement ; & it indiqua la maniere de

trouver

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trouver furement les proportions des fons en conféquence de ces principes. Les Anciens n'euffent-ils fait rien de plus pour la mufique que ces feules découvertes, cette science leur feroit infiniment plus redevable qu'elle ne peut l'être à tous ceux qui leur ont fuccédé, pour tout ce qu'ils y ont enfuite ajouté; car ils ont tout l'honneur de l'avoir affujettie à la rigueur des principes les plus exacts; & les écrits qui nous reftent fur ce fujet des Pythagoriciens (1), d'Ariftoxene d'Euclide (2), d'Ariftide, de Nicomaque, de Plutarque & de plufieurs autres, contiennent toutes les théories connues de la mufique. Ils avoient, auffi bien que nous, l'art de noter leurs airs, appellé chez eux parafémantique, ou féméiotique, en fe fervant de lettres entieres, ou coupées, ou renversées, qu'ils plaçoient fur une ligne parallele aux paroles, les unes pour la voix, les autres

(1) Entre autres Nicomachus in Meibomii Edit. antiquor. muficor. in 4.

(2) L'Auteur des Eléments de la Géométrie.

Tome II.

Q

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