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GENERAL.

nier point foit mieux éclairci que le pre POFSIE EN mier des quatre Discours de feu M. Frain du Tremblay sur l'origine de la Poësie, sur son usage & fur le bon goût. L'Auteur, l'un des premiers membres de l'Académie royale d'Angers, à qui il a fait honneur par ses ouvrages, fâché de voir l'abus trop commun que les Poëtes font de la poëfie, tenta d'y remédier. C'est le but de fon difcours où il employe tout ce qu'il a pû trouver de raisonnemens & de preuves pour montrer que la poësie n'a point été tirée de la fable; qu'elle n'a aucune alliance nécessaire avec elle; que c'est l'avilir même & la profaner, que d'y mêler les fictions, les noms & les expreffions de la fable. Pour le prouver, il s'attache à faire voir que la fable est de beaucoup postérieure à la poëfie, d'où il conclut qu'il n'est donc pas vrai que la premiere foit la mere de l'autre, ainsi que tant de Poëtes & d'autres Ecrivains le prétendent. Il montre de plus que les Payens se font forgé un faux systême de l'art poëtique, pour avoir voulu imiter les Ecrivains facrés, qu'ils n'ont connus que très-imparfaitement, parce que n'ayant pas une idée affés distincte du Dieu qui les infpiroit, & ignorant absolument les

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mysteres qui leur étoient révelés, ils n'ont pû se former une idée juste du ca- GENERAL. ractere de leur style.

Afin de donner du jour & de la force à sa premiere proposition, il s'appuye du sentiment des anciens & des moder nes qui ont cru qu'avant Moyfe, & même avant le déluge, il y a eu des hommes qui ont mis en vers ce qui leur étoit arrivé de remarquable par la protection de Dieu, pour être chanté en efprit de reconnoissance à la gloire de ce fouverain Etre. Il est au moins conftant, ajoute-t'il, que Moyfe a compofé en vers, finon tous ses livres, au moins fes deux Cantiques, & peut-être le livre de Job, s'il eft vrai qu'il en soit l'Auteur. Or ces différens écrits, ausquels il faut joindre les Pfeaumes, & quelques autres poëfies qui font répandues dans les livres de l'ancien Teftament, précedent de beaucoup d'années les poëmes des Grecs, puisqu'entre les divers sentimens fur le tems où ont vécu Homere & Héfiode, il n'y en a point qui ne les faffent poftérieurs à David. Il est donc certain, conclut l'Auteur, qu'il y a eu des poëmes long-tems avant les premiers Auteurs de la fable. Or s'il est certain que la poëfie étoit avant la fa

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ble, il le doit être aussi que la fable ne GENERAL. fçauroit être de l'effence de la poëfie, puisque la poëfie avoit tout ce qui lui appartient, tour ce qui constitue sa véritable effence, avant la naissance de la fable.

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Les exemples de Linus, de Musée, d'Orphée & de Bacchus que l'on dit avoir écrit en vers long-tems avant. Homere & Héfiode, ne l'embarraffent point. Il soutient, après la plupart des Savans, que les trois premiers surtout, que Voffius appelle les Triumvirs de la poëfie, ne font que des personnages fabuleux, qui n'exifterent jamais. Il ne fait pas plus de grace à Bacchus; & ajoute: qu'en supposant même leur exiftence, on ne pourroit prouver qu'ils ont approché des tems de Moise ; & que s'ils ont écrit en vers chés les Grecs, ces vers n'auront pû être faits que sur le modéle de ceux que Cadmus avoit apportés de chés les Phéniciens; ce qui revient au même ; car les Phéniciens ne: pouvoient ignorer les Cantiques des Hébreux, fi même les Phéniciens font différens des Hébreux à l'égard des Grecs. On ne peut donc contester avec la moindre apparence de raison, que Moïfe ne foit beaucoup plus ancien que

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tous les Poëtes payens, & par conféquent il ne faut point chercher ailleurs GENERAL. que dans ses écrits l'origine de la poëfie, & le modéle du premier usage que l'on en a fait.

M. Frain donne la même origine au fublime que l'on demande dans les penfées & dans les expressions des Poëtes, à ce grand, à ce magnifique qui enleve, qui transporte, qui ravit. C'est dans. les mêmes écrits de Moïse qu'il trouve la fource de ce que l'on appelle la fu-reur poëtique, parce que l'on a supposé que Moise & les Prophêtes en étoient. saisis lorsqu'ils parloient.

Je vous conseille de lire tout entier le difcours de cet Académicien. Il pose de fort bons principes, dont il montre la folidité, & dont il tire des conféquences qu'on ne peut nier, si l'on ne détruit les principes mêmes. Il y a de l'art dans son systeme, beaucoup de raifonnement dans la maniere de l'établir, & d'en prouver la vérité, de la force dans les preuves qu'il sçait tirer, soit des autorités qu'il allégue des anciens & des modernes, foit des raisons qu'il apporte. Ses digressions même ne sont pas: toujours inutiles, elles tendent au même but, quoique plus indirectement.

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Ne cherchés pas une grande delica POESIE EN teffe dans son style; l'Auteur paroît plus occupé de ce qu'il veut dire, que de la maniere de l'exprimer; & fi c'est un dé faut, il est excufable. Je ne sçai fi les partisans de la fable dans la poësie, le taxerent de mauvais goût, parce qu'il combattoit avec force leurs préjugés; il paroît au moins qu'il craignoit cette accufation, & qu'il voulut la prévenir en faisant connoître ce qu'il entendoit par le bon goût. C'est l'objet de fon deuxiéme discours. La matiere en est interreffante, & m'a paru bien traitée. C'est en quelque forte, une apologie du premier difcours, mais une apologie modefte & judicieuse.

Il y a peut-être un peu trop de vivacité dans le troifiéme & le quatriéme difcours, où l'Auteur prouve par des exemples tirés de nos plus célébres Auteurs modernes, que l'estime exceffive qu'ils font des payens, leur a fait dire beaucoup de choses de mauvais sens & de mauvais goût; & que si les Poëtes profanes ont abusé de l'art de la poëfie, il n'est que trop commun de voir des Poëtes chrétiens en faire un usage encore plus mauvais. M. Frain trouve fur cela des taches jusques dans M. Def

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