GENERAL. parmi nous, que fur la théologie ou fur POESIE EN la morale, les loix parlent un langage, tandis que le Poëte en parle un autre. Qu'à la vérité, suivant ces principes, Platon auroit admis peu de Poëtes d'entre ceux qui l'avoient précédé: mais qu'une bonne constitution d'Etat pourroit tourner l'esprit des Poëtes aux prin cipes de la vraie philofophie, & les rendre utiles pour le fond de leurs ouvra ges, autant qu'ils font admirables pour la forme. A l'égard de la poëfie théâ trale, M. l'abbé Fraguier convient que Platon l'excluoit: mais il ne paroît pas goûter les raisons de ce philosophe payen, quelque folides qu'elles ayent paru à M. l'abbé Fleuri, & à beaucoup d'autres, même en ne les regardant que comme des raisons philofophiques: en quoi il est suivi par M. l'abbé du Bos qui examine auffi, & qui paroît cenfurer fur ce point le sentiment de Platon, T. r. fect. 5. dans ses Réfléxions critiques fur la Poësie &la Peintures Je voudrois joindre à ces différens écrits, une autre dissertation où M. l'abbé Fraguier examine l'usage que Platon fait des Poëtes, principalement dans fon dialogue intitulé le second Alcibiade, que quelques-uns ont eu tort d'ate ) POESIE EN tribuer à Xénophon. Vous trouverés fieu. Sav. t. 3. édit. Parmi les modernes, personne ne s'est guéres élevé avec plus de force contre la poëfie, que feu M. le Fevre, fils du célébre le Fevre, de Saumur, & frere de Madame Dacier. Cet Auteur qui abjura depuis le Calvinifine dans lequel il étoit né, publia un traité exprès, pour faire voir que la poësie est non-seulement inutile, mais très-dangereuse. Cet ouvrage eft en Latin. Mais le pere Lamy, de l'Oratoire, a adopté une partie de ses principes & de fes preuves, & a cru leur donner un nouveau jour dans ses nouvelles Réfléxions fur l'art poëtique, imprimées en 1678. POESIE EN à Paris, & réimprimées à Amfterdam en 1712. à la fuite de sa Rhétorique, ou l'art de parler. 2.. Journ. de 1678. édit de Holl. p. 177. >> On peut appeller ces réfléxions vé>>> ritablement nouvelles, dit l'Auteur >> du Journal des Savans, personne ne >> s'étant encore avisé de traiter cette >> matiere de la maniere dont le pere >> Lamy s'y est pris: car en expliquant >> quelles font les caufes du plaisir que >> donne la poësie, & quels font les fon> demens des regles de cet art, il fait >> connoître en même-tems le danger >> qu'il y a dans la lecture des Poëtes, » & ce que la morale la plus chrétienne >> peut enseigner à un homme de bien.» Jusques-là le projet eft loüable. Mais les réfléxions du pere Lamy vont plus loin que le Journaliste ne le donne à entendre. Quoique ce pere garde plus de mesures que M. le Fevre; quoiqu'il semble diftinguer deux fortes de pоёfies, l'une bonne, l'autre mauvaise; les principes qu'il pose, concluent également contre l'une & l'autre. Il n'est pas vrai, par exemple, comme il l'avance fans restriction, que la poësie soit une peinture parlante de ce qu'il y a de beau dans les créatures, & qu'en même ) tems elle fait oublier Dieu dont ces mœurs. POESIE EN GENERAL. P. 373. Il est étonnant que M. Dupin par- Bibl. du 17. lant de cet écrit, comme s'il l'avoit lû, fiécl. part. v. dans sa bibliothéque des Auteurs ecclésiastiques, décide qu'il n'y a rien trouvé que de très-judicieux. Ce critique auroit dû faire plus d'attention à cette maxime de M. Despreaux: (Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable.) POESIE EN M. Dupin feroit soupçonner encore GENERAL. qu'il n'a point examiné cet ouvrage du pere Lamy, lorsqu'il dit que l'on y donne les principales regles de l'art poëtique: cette partie y est assurément trèsnégligée, & le peu que l'on y trouve fur ce sujet, y est plutôt indiqué que traité. Oeuvr. de faint-Evrem. in-12. Je ne suis pas moins étonné d'enten 1. 3. p. 17. dre citer quelquefois avec complaifance édit. de 1725. ces parolesde M. de faint-Evremont: Que la poëfie demande un génie particulier qui ne s'accommode pas trop avec le bon sens; que tantôt c'est le langage des Dieux, tantôt le langage des foux, rarement celui d'un honnête homme. Cette pensée est absolument faufsse en foi, & l'on doit être surpris qu'elle foit fortie de la bouche d'un homme qui a souvent fait de la poësie plus que fon amusement. Mais ce n'est pas la feule occafion où M. de saint-Evremont a voulu faire parade d'esprit aux dépens de la justesse & de la vérité. Tr. de l'opin. D'autres ont dit: Que la poësie s'est t. 1. 1. 1.6. 4. attiré beaucoup de reproches par toutes les fables monstrueuses qu'elle a mises au jour; qu'elle a répandu la superstition fur la terre, & placé le crime dans le ciel; que par elle la vertu a souvent été diffamée, |