ECRITSSUR principalement sur l'enthousiasme. Je vous ai fait remarquer que M. de la LA POESIE Motte s'exprimoit fur cela avec trop LYRIQUE. de réserve, & que néanmoins en rapprochant tous ses principes, on fent qu'il ne s'éloigne pas autant du vrai qu'on pourroit le penser d'abord. M. Gibert croit qu'il s'en écarte entiérement. Il ne lui fait grace sur rien. Il anatomise, pour ainsi dire, tout ce qu'il dit fur cela, non-feulement dans fon difcours, mais encore dans fon ode fur l'enthousiasme; il le trouve répréhensible partout, & il y oppofe des principes, des regles, des préceptes qu'il suppose contraires en tout à la doctrine de l'Académicien, soit sur l'enthousiasme, foit fur le défordre de l'ode; enforte que ce que M. Gibert se contente d'appeller un fimple Projet de differtation, est un traité en forme fur l'ode. Si la chaleur de l'imagination, la vivacité des peintures, le défordre les faillies, caractérisent au moins en partie, ce genre de poëfie, je ne sçai si l'on ne pourroit pas dire que les réfléxions de M. Rémond de faint Mard fur celui-ci, font elles-mêmes une ode en profe. Rien ne lui convient mieux ÉCRITSSUR que ce qu'un critique a dit des réflé LA POESIE xions de M. Roy fur la même matieLYRIQUE, re, que ces Réfléxions sont d'un Poëte qui و peint, non d'un Auteur qui réfléchit. M. Rémond entreprend de parler de l'ode, & à peine a-t'il annoncé son sujet, qu'il le laisse longtems à l'écart, pour s'arrêter au sfublime & contredire Longin & fon commentateur M. Defpreaux. Revenant enfin à l'ode, il cherche ce qui en constitue l'essence; & tout péfé, mûrement fans doute, il est d'avis que c'est le défordre. Le Poëte lyrique eft chargé de peindre tout ce qu'il y a de plus grand & de plus respectable dans la nature, il ne lui eft pas possible de se possféder. Si M. de la Motte revenoit au monde, il auroit beau s'écrier: Je veux dans l'ode du feu, de l'imagination, des transports vifs & heureux, mais je veux aussi de Ja raifon; je veux que celle-ci modere & regle les faillies de l'imagination. L'Auteur lui répondroit: vous me cho qués par votre méthode. Dix ou dou ze strophes, qui contenant chacune une vérité particuliere, se prêtent toutes la main pour mettre dans fon jour la vérité générale dont elles dépendent, tout cela m'ennuye à la mort. Pour و LA POESIE moi qui suis charmé de Pindare ECRITSSUR qui aime la folie d'Horace, qui me e sens l'esprit enlevé, l'ame émuë, tou- & LYRIQUE.. tes les fois que j'entends ces canti- c ques fuperbes, ces pseaumes magni- « fiques qu'on chante tous les jours dans ce nos Eglifes, je veux qu'un Poëte qui fait une ode, frappé de la dignité de co sa matiere, élevé & foutenu par elle, « ne parle plus comme le reste des hom-c mes; qu'il prenne fon vol plus haut; que fait pour aller au grand, il franchiffe tout ce qui l'en sépare; que tout tienne de l'ardeur qui l'embrase; « que tout fente le défordre qui l'agite; & qu'enfin livré, comme il le doit & être, à l'emportement des paffions, il rejette ces liaisons, ces transitions.c fcrupuleuses dont leur impatience ne sçauroit s'accommoder. >> M. Rémond ne bannit pas cерепdant de l'ode un ordre qui s'accorderoit avec le fublime & l'enthousiafine; & en cela il se rapproche un peu plus des principes de M. de la Motte. II convient même qu'il faut que le sujet donne droit aux emportemens; que par la dignité & la grandeur de la matiere, l'ame ait été obligée à fortir de fon affiette: que fon trouble & fon défor dre puissent être justifiés, sans quoi ECRITSSUR l'enthousiasme devient puéril; que la LYRIQUE. fublimité de l'art est de varier un fu LA POESIE jet, fans qu'il foit décousu, sans que l'idée principale en fouffre. Or il me semble qu'il y a telles odes de M. de la Motte qui ont ces qualités; que fes principes même ne vont pas à détruire tous ceux de M. Rémond, que l'un & l'autre conviennent même en plusieurs points essentiels, comme l'a fait observer M. Nicolas dans ses trois lettres critiques sur l'ouvrage de M. Rémond, furtout dans la seconde, quoique l'on sente que le censeur se déclare plus qu'il ne doit pour M. de la Motte, & qu'il ne tient pas le juste milieu entre ce qu'il y a de juste, & ce que l'on peut reprendre dans le discours de cet Académicien. Je crois vous avoir déja dit que ces trois lettres ont été imprimées à Paris en 1734. CHAPITRE VII. Des Ecrits fur la Poëste pastorale, l'Eglogue & l'Idylle. L bupaf E but de la poëfie paftorale ou LA POESIE PASTORALE Mem. bel. let. t. 2. se, & ce qui fe dit entre les bergers. Mais elle ne doit pas s'arrêter à la sim- Fraguier, ple représentation du vrai réel; rare- diflertat. fur ment feroit-il agréable: elle doit s'éle- Pégleg. dans ver jusqu'au vrai idéal, qui tend à em- l'Acad. des bellir le vrai tel qu'il est dans la nature, & qui produit dans la poëfie comme dans la peinture, le dernier point de perfection. Il en est de la poësie paftorale comme d'un paysage que l'on ne peindroit pas d'après un lieu particulier, mais dont on voudroit faire résulter toute la beauté de l'assemblage de divers morceaux réünis sous un seul point de vûë. Notre langue nous offre plus d'un mot pour fignifier la poësie paftorale; nous employons presque indifféremment le mot d'Eglogue & celui d'Idylle, quoiqu'aucun des deux ne signifie par lui-même & dans fon origine ce |