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fes, & de l'amour pour la vertu. IlenECRITSSUR tend par poësie morale, celle qui reCHRETIEN- garde les mœurs, & qui donne des pré

LA POESIE.

NE.

ceptes pour bien vivre, ce qui eft, à dire vrai, la véritable science de l'homme. Il ajoute que cette poëfie ne hait rien tant que les inepties & les vanités du monde, & qu'elle ne s'applique jamais aux fables qu'autant qu'elles ont un fens moral ou allégorique. Il s'éleve contre le Tasse, qui dans ses difcours poëtiques, s'efforce de perfuader que la morale n'est pas l'objet du Poëte, & que celuici ne doit penser qu'à divertir; & il en prend occafion de montrer que la philofophie morale est plus ancienne que Socrate; en quoi consiste cette philofophie; que les Poëtes en ont été les premiers Auteurs, & quelle eft fon excellence.

Ce qui rend ce traité de Colletet fort curieux, & en même-tems trèsutile pour l'histoire de la poëfie en général, & pour celle de notre poëfie en particulier, c'est qu'on y trouve pluLeurs liftes de Poëtes, que l'Auteur en porte ordinairement fon jugement, & qu'il fait connoître la plupart de leurs ouvrages. Ces liftes font rangées par classes: les Poëtes sacrés, ceux qui ont

LA POESIE

embraffé la poësie naturelle, c'est-à-di- re, cette poëfie qui traite des chofes de ECRITSSUR la nature, les Poëtes gnomiques ou CHRETIENfententieux, &c. Colletet parle au NE. moins de foixante-dix Auteurs différens qui ont donné des quatrains en vers François, depuis Pierre Gringore jufqu'à lui-même. Je ne connois point de catalogue plus ample, ni plus détaillé de cette forte de poëfic.

Vous trouverés encore d'excellentes réfléxions fur la poësie chrétienne dans la préface que M. l'abbé de Loménie de Brienne a mise au-devant du Recueil de poësies chrétiennes & diverses dédié à M. le Prince de Conti, dans l'Elégie de M. Godeau à M. d'Andilly sur ses œuvres chrétiennes, qui est dans le premier volume du même recueil de poëfies, & dans les œuvres de M. Godeau; enfin dans la préface dont M. le Fort de la Moriniere a orné fon Choix de poësies morales & chrétiennes depuis Malherbe jusqu'aux Poëtes de nos jours, & qui eft le recueil le plus précieux que l'on ait encore fait de ces fortes de poëfies.

ECRITSSUR

LA RIME.

CHAPITRE XV.

Des Ecrits où l'on examine si l'on peut
faire des Poëmes en profe :
& fur la Rime.

Ous êtes maintenant inftruit, finon de tous , au moins des principaux écrits faits en notre langue fur la poëfic en général, & fur les différens genres de poëme. On a fait, & aujourd'hui encore l'on fait deux queftions qui ont rapport au même sujet. La premiére, si la verfification est efsentielle à la poëfie: la seconde, fi dans notre poëfie Françoise on peut se pafser de la rime. Comme ces deux queftions rentrent en quelque forte l'une dans l'autre, presque tous les écrits où il s'agit de la premiere, traitent aussi la feconde; ce qui fait que je ne mettrai guéres entre eux d'autre divifion que celle que l'ordre des tems où ces écrits ont été compofés, y a mis luimême.

La profe & la poëfie ont eu chacune de tout tems des partisans & des apologistes. Mais je ne connois point

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d'ouvrage où l'on ait examiné la pré- ECRITSSUR

férence de l'une sur l'autre avant le

LA RIME.

Mont-Parnaffe de Pierre de Bresche, imprimé à Paris en 1663. in-4°. L'Auteur s'y déclare pour la poëfie: mais fon livre est oublié depuis long-tems, & il faut avouer qu'il mérite peu qu'on en rappelle le fouvenir. Nous avons eu depuis le commencement de ce siécle plufieurs écrits plus dignes de notre attention; tant par le mérite personnel de leurs Auteurs, que par les raisons que chacun apporte en faveur de fon sentiment.

Mém. de l'Acad. des

Je commence par la differtation de M. l'abbé Fraguier qui fut lûë l'onziéme d'Août 1719. dans l'Académie des incriptions & belles lettres. L'Auteur belles lettres y foutient, qu'il ne peut y avoir de poë- tom 6. mes en profe. Pour le prouver, il pofe d'abord quelques principes que perfon- ne ne conteste; que dans le vaste champ des lettres humaines, dans l'héritage des beaux arts, chaque portion de cet héritage a fes bornes; que l'intelligence qui les anime tous, & qui leur donnant la fécondité, préside à leurs diffé• rentes productions, préside en mêmetems à la conservation des limites qui les séparent; qu'on ne peut les ôter de

leurs places, fans troubler l'ordre, fans ECRITSSUR jetter la confufion où doit regner la tranquillité.

LA RIME.

De ces principes, il tire cette conséquence: Que si les personnes d'esprit qui dans les poëmes mettent la profe à la place des vers, euffent considéré mûrement la nature & les suites de leur entreprise, ils se sferoient contentés d'exceller dans les vers & dans la profe, fans remuer la borne éternelle qui les sépare essentiellement. Mais comme on ne doit condamner personne sans l'entendre, M. l'abbé Fraguier examine fur quoi se fondent ceux qui préferent la prose aux vers dans les poëmes, & qu'il accuse pour cela d'innovation. II. réduit toutes leurs raisons à celles-ci: que le Poëte dont tout l'art consiste à imiter & à peindre, trouvera dans la profe, & y trouvera plus abondamment que dans les vers, tout ce qu'il lui faut pour peindre & imiter : Que par conféquent, fans asservir la liberté - de fon génie à la contrainte du vers, qui donne toujours des bornes trop étroites à l'imagination, il arrivera au but de fon art, & que ses compofitions, quoiqu'en profe, ne laisseront pas d'être d'excellens poëmes........

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