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ART POE

CHAPITRE III.

Des Ecrits des modernes sur l'art poëtique.

E pere Rapin, Jesuite, dans ses poëtique, M. Bail

Lapere Rapin

TIQUE DES let dans le troifiéme tome de ses juge

MODERNES.

mens des Savans, M. Pope dans fon essai fur la critique, & plusieurs autres, donnent l'honneur à Jerôme Vida, mort Evêque d'Albe le 27. Septembre 1566. d'avoir été le premier des modernes qui ait écrit sur l'art poëtique, felon les préceptes & les regles d'Ariftote & d'Horace. Son ouvrage sur ce sujet a reçu de grands éloges, & je crois que vous jugériés qu'il en mérite, si l'on vous eût mis à portée de le lire en le traduifant en notre langue. La verfification en est noble, & il y regne un bel ordre. Mais on lui reproche un grand défaut; c'est de parler plus en poëte, qu'en maître qui donne des préceptes, & d'y avoir moins cherché à inftruire qu'à plaire.

Un défaut contraire regne dans nos premiers écrits François sur l'art poëti

:

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que. On y a l'instruction pour but; on y inftruit en effet, autant qu'on le pouvoit TIQUE DES faire, dans un tems où les lettres com- MODERNES mençoient à peine à sortir dans ce royaume de la barbarie où elles avoient été. fi long-tems ensevelies; mais ces ouvrages manquent de goût & de critique. Ce qui peut encore les faire rechercher; ce qui doit, ce semble, nous les rendre dignes même de quelque estime, c'est que nous ignorerions peut-être fans eux, les regles particulieres de notre poësie, & la mesure de nos vers. Ils ont d'ailleurs le mérite de l'invention, qui, à certains égards, vaut bien celui de la perfection. Voilà ce qui attire encore quelque considération au Jardin de plaifance, à la feconde partie du traité de la vraie & pleine Rhétorique, du sieur Fabri ou le Fevre, Curé de Meray, & à quelques autres anciens écrits du même genre. Du Verdier dans sa biblio- Pag. 777 theque Françoise parle du premier avec un mépris qu'il ne mérite point. Le peu même qu'il en dit, manque tant d'ailleurs d'exactitude, qu'il y a lieu de croire qu'il ne l'avoit point lû. C'est un reproche qu'on pourroit souvent lui faire. Il faut vous en donner une idée plus exacte.

Le Jardin de plaisance & fleur de ART POE- Rhétorique, est un recueil de differentes MODERNES. piéces en vers, d'un François tel qu'on

TIQUE DES

le parloit alors, c'est-à-dire, fort mauvais, eu égard à la perfection où notre langue eft parvenue depuis. On ignore le nom de l'Auteur de cet ouvrage. Fabri, qui le cite, ne l'appelle point autrement que l'Infortuné: & c'est le nom que l'Auteur se donne lui-même au commencement de fon livre. C'étoit, fans doute, quelque fobriquet. Ce Poëte vivoit sous Louis X 1. & Charles VIII. Aux feuillets 20. & 21. il parle de l'inftitution de l'Ordre de faint Michel, comme s'étant faite de son tems: & au feuillet 22. la piéce intitulée Donnet, ou petit présent, eft adressée à Charles VIII.

La premiere fleur de ce prétendu jardin de plaisance, est un art poëtique en vers. L'Auteur l'appelle seconde Rhétorique, & la divise en dix chapitres, où après la définition & l'éloge de cet art, il entre dans quelque détail des vices que l'on y doit éviter, des figures qu'il est permis d'y employer, & de l'usage que l'on en doit faire pour être utile & pour plaire. Il s'étend davantage sur les différentes rimes, comme la rime léonine, la rime croifée, & plusieurs autres

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TIQUE DES

dont quelques-unes ne font plus d'usa--
ge. Ce traité eft fort succinct; & l'on pour-
roit afsurément y défirer plus de difcer- MODERNES.
nement & de goût. Mais c'est un écrit
fingulier, précieux même, parce qu'il
eft le plus ancien ouvrage didactique
que l'on connoiffe fur notre poësie. Ou
tre les regles générales qui la concer-
nent, & les divers arrangemens que l'on
peut faire prendre à la rime, l'Auteur
a recueilli les différens genres de poëfie
qui nous font propres, tels que le chant
Royal, le Servantais, la Ballade, le
Rondeau, le Lay, le Virelay, la Chan-
fon, &c.

Chaque regle particuliere à chacune de ces espéces de poësie, est exprimée par une piéce de vers de même genre, enforte que le précepte n'est jamais séparé de l'exemple, & que l'un & l'autre font une même piéce. C'est par un rondeau qu'il donne les regles du rondeau, & ainsi des autres. Les préceptes font elairs & précis; le langage seul, qui eft fort éloigné de celui auquel nous fommes accoutumés , y pourroit jetter quelque obfcurité: mais l'Auteur parloit clairement pour le tems où il vivoit.

Les piéces de vers qui fuivent cet art poëtique, font de différentes espéces

al

& apparemment de différens Ecrivainsa ART POE- C'est une compilation où l'on reconnoît MODERNES. quelques poëfies de Coquillart, & de

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plufieurs autres anciens Poëtes. Je ne sçai point quelle est la premiere édition de ce recueil. Du Verdier en cite une fans date, faite à Lyon, chés Martin Boüillon. Celle que j'ai vûe, est de Paris en 1547. Elle est in-40. en caracteres Gothiques.

On trouve à la fin de cette édition, PArt & Science de Rhétorique pour faire rimes & ballades. C'est encore un écrit du tems de Charles VIII. comme on l'apprend d'un rondeau qui termine ce petit ouvrage. Le plan, le goût, la diction, font les mêmes que dans le Jardin de plaisance. Ce que j'y trouve de plus, c'est que l'Auteur nous donne les noms de ceux qui se font exercé les premiersdans les différens genres de poëfie dont il parle: ce qui peut fervir beaucoup pour l'histoire de notre poësie. Je ne voudrois pas néanmoins garantir qu'il a toujours rencontré juste.

Fabri qui eft venu depuis l'Infortuné, a beaucoup profité de son travail; il adopte fes regles, & employe souvent fes expreffions. Il apporte en exemples les vers de cet Auteur, ceux d'Alain

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