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mon choix, m'ont empêché de satisfaire plutôt à mes engagemens. Après tout, il n'est point important que je faffe fuccéder rapidement les volumes les uns aux autres: ce qui importe, ce qui doit interreffer particulièrement, ce que mon devoir exige, c'est que je tâche de donner à mon travail toute la perfection dont je puis être capable.

Le projet est bon, puisqu'il a été applaudi, tant en France que parmi les Savans étrangers ; j'ai lieu de croire que l'exécution n'a pas déplû, puisqu'elle a été loiée. J'ai commencé cependant par une matiere affez stérile, & peu fufceptible d'agrémens, L'histoire de nos Grammaires, des écrits sur notre Prononciation & notre Ortographe, de nos Dictionaires, &c. me faifoit craindre à moi-même de présenter plus d'épines que de fleurs. Néan

moins, soit la nouveauté du sujet, foit que l'on ait réellement trouvé quelque utilité dans son exécution, l'ouvrage a été affés bien reçu pour que la même année en ait vu deux éditions. On n'a pas tardé surtout à revenir de la prévention où étoient quelques Savans, que mon entreprise pouvoit nuire à l'étude des langues originales, ou du moins réfroidir le zéle qu'on doit avoir pour les étudier, si l'on veut devenir véritablement savant. On a senti qu'un ouvrage de la nature de celui-ci, supposé qu'il fût bien exécuté, pouvoit faire beaucoup d'honneur à notre nation, & à nos Ecrivains, sans apporter aucun préjudice à ceux d'Athenes & de Rome. Et je puis affurer que j'ai été principalement encouragé dans mon entreprise par ceux-mêmes qui avoient paru d'abord la blâmer.

Je me flate que les deux volumes que je donne aujourd'hui ne les feront pas changer de sentiment. J'y parle de la Poëtique, & je commence à y parler des Poëtes. L'ame de notre poësie est la même que celle qui a animé les Poëtes Grecs & Latins. Nous demandons pareillement du génie, de l'imagination, du feu, de l'enthousiasme, quelque chose de noble, de grand, de sublime, même dans les piéces qui ne semblent dictées que par la nature. Mais notre versification nous eft propre : elle n'a rien qui tienne de celle des anciens: il lui a fallu des regles particulieres. Nous en avons été créateurs.

Durant les premiers ans du Parnasse François
Le caprice tout seul faisoit toutes les loix :
La rime au bout des mots assemblés sans mesure,
Tenoit lieu d'ornemens, de nombre & de césure.

C'est que ce dit M. Despréaux dans le premier chant de fon Art poёtique.

Ceux qui réüffirent plûrent par leur naïveté, par un certain naturel dans les pensées & dans les expressions, qui fait aimer encore aujourd'hui ce qui nous reste de leurs productions. Il me semble que ce ne fut que vers le quinziéme fiécle que l'on pensa à faire de notre poësie un art, & à l'afsujettir à des regles. L'esprit philosophique commençoit alors à conduire un peu la plume de nos Ecrivains. Le génie inventa ces regles, la réfléxion & le goût les ont perfectionnées. M. Despréaux, dans l'endroit que je viens de citer, attribuë à Villon la gloire de les avoir entrevuës le premier. Il s'est trompé. Sans alléguer contre son sentiment les productions de quelquesuns de nos premiers Poëtes, si quelque hazard eût fait tomber entre ses mains les poësies de Charles, Duc d'Orleans, petit-fils de

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l'Acad. des

Charles V. Roi de France, pere de Louis XII. & oncle de François I. il n'est pas douteux qu'il ne l'eût reconnu plutôt que Villon, pour l'un des fondateurs du Parnasse François. C'est la remarque que fait

Mém. de M. l'abbé Sallier dans ses curieuses belles lettres, observations sur le recueil des poë

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fies de ce Prince qui se trouve manuscrit à la Bibliotheque du Roi. Il est vrai que je n'ai pu découvrir aucun écrit de ce tems-là qui contienne des préceptes fur notre poësie, ou notre maniere de verfifier; & peut-être n'y en a-t'il aucun qui foit si ancien. Mais il falloit bien que ces préceptes eussent été trouvés, puisqu'on les voit observés dans les poëfies dont il est question. La multitude des écrits didactiques fur cette matiere, que l'on fit depuis, fuppléa abondamment à l'indigence des tems qui avoient précédé.

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