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vons fi fouvent parlé ; & qu'afin de la déguifer, il fuffiroit d'y mêler un peu de cendre. Il lui demanda s'il avoit dit, que fon fecret confiftoit dans des grains de fable, & fur ce qu'il lui répondit que non ; "tant mieux, repliqua Planofpe: nous ne devons donc point crain-,, dre ce changement. De plus avec cette terre & ces,, cendres, je n'auray point de mefures à prendre, pour,, en faire ufage". Ces mefures, dont j'ay oublie de par1er, confiftoient à publier que ces grains de fable étoient extraordinaires : qu'ils avoient été ramaffez. fous une certaine conftellation, & apprêtez d'une certaine maniere, fans nommer cette conftellation, & fans apprendre quelles étoient ces manieres. On le juge, fans doute, bien ainfi : puifque, s'il n'avoit pris cette précaution, chacun en auroit voulu faire l'experience par foy-même, fans avoir recours à lui. Ils réfolurent donc de commercer cette terre, après l'avoir mêlé avec de la cendre, afin de la rendre méconnoiffable: & le même jour ils en emporterent autant qu'ils púrent, fans que performe s'aperçut qu'il faifoient cette provifion. Les jours fuivans ils en amafferent encore avec de la cendre, mais toûjours fecrettement: puis ils en mirent ainfi mêlée dans de petits fachets de papier, cachetez chacun avec une infcription deffus, qui marquoit pour combien d'années de rajeuniffement ils pouvoient fervir: par exemple, fur l'un, pour un an : fur l'autre, pour deux, & ainfi jufqu'à foixante ans : toûjours fur le pied de quatre fols pour chaque année, & enfin fous les mêmes conditions qu'ils s'étoient propofé d'observer dans la diftribution des grains de fable. Ils manderent enfuite à Gonin ce changement : & il leur marqua par fa réponse qu'il l'approuvoit.

La marchandise de Planofpe étant prête, il la mit en vente, avec un fuccès qui alloit au-delà de celui qu'il avoit efperé, & même auffi heureux qu'il le pouvoit fouhaitter; puifque particulierement dans les commen

cemens,

cemens, à peine avoit-il le loisir de manger, tant il é toit accablé de gens qui demandoient à rajeunir. Que de femmes qui l'obfédoient! Que de vieillards qui lui faifoient la cour! Que de filles de vingt-cinq ans qui le minaudoient! Que de prudes qui alloient fecrettement lui rendre vifite, pour obtenir de cette merveilleufe drogue, & à qui il n'en auroit accordé, difoit-il en particulier & en plaifantant à Bibion, qu'avec une espece de fcrupule, fi elle avoit été auffi efficace qu'il le promettoit; parce qu'elle auroit pû leur faire abandonner leur pruderie pour prendre un parti contraire!

Je ne continueray pas pour le préfent le recit de ces intrigues, parce que des raifons d'impreffion m'engagent à l'interrompre, & à le differer pour un autre tems: en attendant ce tems, je vais paffer à d'autres matieres; bien réfolu de remettre enfuite fur la fcene Planofpe & Bibion avec leur terre rouge, & Gonin avec fes divinations.

Fin du premier Livre.

DE

MAITRE GONIN.

TOME SE COND.

Imprimé à Paris, & fe trouve

A ANVERS,

Chez FRANÇOIS HUYSENS, Libraire, proche de la Bourse.

M. D C C. XIII.

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