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Château de Douvre en Angleterre, & la trouva de 2 13 60 toifes. Il avoit mefuré actuellement fur le bord de la Mer une Bafe de 2500 toifes, qui fut le fondement de fes Triangles. Ces fortes d'operations ne demandent pas une fine Theorie, mais une grande adreffe, & une grande fureté à operer, quantité d'attentions délicates, & de précautions ingenieuses, & enfin leur grande utilité récompenfe le peu de brillant Geometrique. Le Public n'eft jamais plus obligé aux grands Geometres que quand ils defcendent à ces pratiques en fa faveur; ils lui facrifient le plaifir & la gloire des hautes fpeculations.

Pour finir la Carte generale, M. de la Hire alla à la Côte de Provence en 1682. Dans tous ces voyages il ne fe bornoit pas aux obfervations qui étoient fon principal objet, il en faifoit encore fur la variation de l'Aiguille aimantée, fur les réfractions, fur les hauteurs des Montagnes par le Barometre. Il ne fuivoit pas feulement les ordres du Roi, mais auffi fon goût, & fon envie de fçavoir.

Dans la même année 1682 il donna un Traité de Gnomonique, qu'il

réimprima en 1698 fort augmenté & fort embelli. Cette Science n'étoit pref que qu'une pratique, abandonnée le plus fouvent à des Ouvriers peu intelligens & groffiers, dont on ne reconnoît point les fautes, car chacun fe contente de fon Cadran, & ne le compare a rien. M. de la Hire éclaira la Gnomonique par des principes & des démonftrations, & la réduifit aux Operations les plus fûres & les plus aifées ; & pour ne pas trop changer fon ancien état, il eut foin de faire imprimer les Démonftrations dans un caractere different de celui des Operations, & parlà donna aux fimples Ouvriers la commodité de fauter ce qui ne les accommodoit pas; tant il faut que la Science ait de ménagemens pour l'Ignorance qui eft fon Aînée, & qu'elle trouve toujours en poffeffion.

Nous avons déja parlé bien des fois de la fameufe Meridienne commencée par M. Picard en 1669. M. de la Hire la continua du côté du Nord de Paris en 1683, tandis que M. Caffini la pouf foit du côté du Sud, mais ni l'un ni l'autre ne finirent alors leur Ouvrage. M. Colbert étant mort en 1683., cette

grande entreprise fut interrompue, & M. de Louvois appliqua les Geometres de l'Academie à de grands Nivellemens neceffaires pour les Aqueducs & les conduites d'eaux que vouloit faire le Roi. M. de la Hire en 1684 fit le Nivellement de la petite Riviere d'Eure qui paffe à Chartres, & il trouva qu'en la prenant à 10 lieuës environ au de-là de Chartres, elle étoit de 81 pied plus haute que le Réfervoir de la Grotte de Verfailles. Cette nouvelle fut très-agréablement reçûë & du Miniftre & du Roi; on voyoit déja les Eaux d'Eure arriver à Versailles de 25 lieuës; mais M. de la Hire reprefenta qu'avant que l'on entreprît des travaux auffi confiderables, il étoit bon qu'il recommençât le Nivellement, parce qu'il pouvoit s'être trompé dans quelque operation, ou dans quelque calcul; fincerité hardie, puifqu'elle étoit capable de jetter dans l'efprit du Ministre des défiances de fon fçavoir. M. de Louvois impatient de fervir le Roi selon fes goûts, foutenoit à M. de la Hire qu'il ne s'étoit point trompé, mais celui-ci s'obftinant dans fa dangereufe modestie, obtint enfin la grace de n'ê

tre pas crû infaillible. Il fe trouva qu'il ne la meritoit pas, il recommença en 1685 le Nivellement, qui ne differa du premier que d'un pied ou deux.

Il fit plufieurs autres Nivellemens par les ordres du même Miniftre, car alors il étoit fort queftion de conduire des Eaux, & l'on a l'obligation à celles de Versailles d'avoir porté à un haut point la Science du Nivellement & l'Hidraulique. Le Roi payoit les voyages & la dépenfe des Mathematiciens qu'il employoit ; & M. de la Hire exact jufqu'au fcrupule & jufqu'à la fuperftition, prefentoit à M. de Louvois des Memoires dreffés jour par jour, & où les fractions n'étoient pas negligées. Le Miniftre avec un mépris obligeant les déchiroit fans les regarder, & il faifoit expedier des Ordonnances de fommes rondes, où il n'y avoit pas à perdre.

Il avoit affés accordé fa familiarité à M. de la Hire, qui n'eût pas manqué d'abandonner tout pour fuivre ces ouvertures favorables, & pour en profiter, fi l'efprit des Sciences & celui de la Cour n'étoient pas trop incompatibles. Dès qu'il avoit rendu conte

d'un travail qui lui avoit été ordonné, il ne fongeoit qu'à regagner fon Cabi net, qui le rappelloit avec force; en vain le Miniftre vouloit le retenir, il n'avoit plus rien à lui dire. Il ne pouvoit ignorer qu'une affiduité muette mene à la fortune, mais il ne vouloit pas de fortune à ce prix-là, qui effetivement eft cher pour quiconque fent qu'il a mieux à faire.

En 1685 parut fon grand Ouvrage intitulé Sectiones Conica in novem libros diftribute. C'est un in-folio qui contient toute la Theorie des Sections Coniques, fur laquelle il avoit déja beau coup prélude. On la voyoit pour la premiere fois toute entiere & en corps, déduite de principes très-fimples & nouveaux. Cet Ouvrage eut une gran de réputation dans toute l'Europe fçavante, & fit regarder M. de la Hire comme un Auteur original fur une matiere qui renferme elle feule prefque tout ce que la Geometrie a de plus fenfiblement utile, & qui en même tems fert affés fouvent de base aux fpeculations les plus élevées.

Deux ans après M. de la Hire fe montra comme Aftronome, en don

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