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plus intereffant. C'est une Optique en tiere, non pas une Optique Geometrique qui ne confidere que des rayons réfléchis ou rompus, réunis ou écartés felon certaines loix, mais une Optique Phifique qui fuppofe la Geometrique, & qui ne confidere qu'une Lunette vivante, animée, fort compliquée dans fa conftruction, fujette à mille changemens, c'est-à-dire l'Œil. M. de la Hire examine tout ce qui peut arriver à la Vue fuivant la differente conftitution de l'œil, ou les differens accidens qui lui peuvent furvenir. Ces fortes de recherches particulieres, quand elles font bien approfondies, embraffent un fi grand nombre de Phenomenes la plupart fort compliqués, finguliers, contraires en apparence les uns aux autres, qu'elles n'ont ni moins de difficulté que les recherches les plus generales, ni peut-être même moins d'étenduë; les principes generaux font bien-tôt faifis, quand ils peuvent l'être, le détail eft infini, & fouvent il déguife tellement les principes, qu'on ne les reconnoît plus.

M. de la Hire en 1695 donna fon Traité de Méchanique. Il ne fe conten

te pas de la Theorie de cette Science qu'il fonde fur des démonftrations exactes, il s'attache fort à tout ce qu'il y a de principal dans la pratique des Arts. Il s'éleve même jufqu'aux principes de cet Art divin, qui a conftruit l'Univers.

Ceux qui ne voyent les Mathematiques que de loin, c'est-à-dire, qui n'en ont pas de connoiffance, peuvent s'imaginer qu'un Geometre, un Méchanicien, un Aftronome, ne font que le même Mathematicien; c'eft ainfi à peu près qu'un Italien, un François & un Allemand pafferoient à la Chine pour Compatriotes. Mais quand on eft plus inftruit, & qu'on y regarde de plus près, on fçait qu'il faut ordinairement un Homme entier pour embraffer une feule partie des Mathématiques dans toute fon étendue, & qu'il n'y a que des Hommes rares & d'une extrême vigueur de genie qui puiffent les embraffer toutes à un certain point. Le genie même, quel qu'il fût, n'y fuffiroit pas fans un travail affidu & opiniâtre. M. de la Hire joignit les deux, & par-là devint un Mathematicien univerfel. H ne fe bornoit pas en

core là, toute la Phifique étoit de fon reffort, j'entens jufqu'à la Phifique experimentale, qui eft devenue fi vafte. De plus il avoit une grande con noiffance du détail des Arts, pays trèsétendu, & très-peu frequenté. Un Roi d'Armenie demanda à Neron un Acteur excellent & propre à toutes fortes de perfonnages, pour avoir, difoit-il, en lui feul une Troupe entiere. On eût pû de même avoir en M. de la Hire feul une Academie entiere des Sciences.

On cût eu encore plus. Il étoit depuis long-tems Profeffeur de l'Academie d'Architecture, dont l'objet eft prefque entierement different de tous ceux qu'on fe propofe ici, & il rempliffoit cette place comme fi elle eût fait fon unique occupation. On eût eu de furcroit en M. de la Hire un bon Deffinateur & un habile Peintre de Payfage, car il réuffiffoit mieux en ce genre de Peinture, peut-être parce qu'il a plus de rapport à la Perfpective, & à la difpofition fimple & naturelle des objets, telle que la voit un Phificien qui obferve. Il est vrai qu'il faut d'ailleurs un goût que le Phificien peut bien n'avoir pas.

Il fit en 1702 graver deux Planifpheres de 16 pouces de diametre fur les deffeins qu'il en avoit faits. Les pofitions principales ont été déterminées par fes propres obfervations. La projection de ces Planifpheres eft par les Poles de l'Ecliptique, & il l'avoit choifie comme la plus commode, parce que les Etoiles fixes tournant autour de ces Poles, fuivent toujours un même Cercle.

En 1704 le Roi le chargea de placer dans les deux derniers Pavillons de Marli les deux grands Globes qui y font prefentement. Comme l'ouvrage dura quelque tems, le Roi avoit fouvent la curiofité de l'aller voir. Il en demandoit conte à M. de la Hire, & l'engageoit dans des explications & dans des difcours de fcience, dont on s'apperçut qu'il étoit fort content. C'est, un avantage rare à un Sçavant d'être goûté par un Prince, & pour tout dire auffi, c'eft un avantage rare à un Prince de goûter un Sçavant.

Outre tous les Ouvrages que nous avons rapportés de M. de la Hire, & dont le dénombrement n'eft pas entierement exact à caufe de la multitude,

on trouve une grande quantité de morceaux importans qu'il a répandu foit dans les Journaux, foit dans les Histoires de l'Academie, mais fur tout dans ces Hiftoires, où il n'y a point d'année qu'il n'ait enrichie de plufieurs prefens, également confiderables, & par leur beauté, & par leur varieté. Nous en avons trop parlé quand il en a été question, pour en parler

encore.

Il a fait infmiment plus que donner au Public tant d'excellens Ouvrages de fa compofition, il lui a auffi donné les ouvrages d'autrui, & il n'y a pas plaint fon tems & fes peines. M. Picard qui avoit beaucoup travaillé fur le Nivellement, étant tombé malade, remit à M. de la Hire tout ce qu'il avoit fait fur cette matiere, & le pria de le faire imprimer avec les changemens & les additions qu'il jugeroit à propos. M. de la Hire executa fon intention par un Livre qui parut en 1684 intitulé Traité du Nivellement de M. Picard mis en lumiere par M. de la Hire avec des additions. Pareillement il mit au jour en 1686. le Traité du Mouvement des Eaux & des autres Corps

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