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degré. Ils rencontrerent dans le jeune Prince des difpofitions & d'efprit & de cœur fi heureuses & fi fingulieres,qu'on ne peut affûrer qu'ils lui ayent été fort utiles, principalement à l'égard des qualités de l'ame, qu'ils n'eurent guere que l'avantage de voir de plus près, & avec plus d'admiration. Le Roi les admettoit fouvent dans fon particulier à la fuite de M. le Duc du Maine, lorfqu'il n'étoit queftion que d'amusemens, & ces occafions fi flatteufes étoient extrêmement favorables pour faire briller la vivacité, le genie, & les reffources de genie de M. de Malézieu.

La Cour raffembloit alors un affés grand nombre de gens illuftres par l'efprit, Meffieurs Racine, Defpreaux, de la Bruyere, de Malézieu, de Court, M. de Meaux étoit à la tête. Ils formoient une efpece de Societé particuliere, d'autant plus unie qu'elle étoit plus féparée de celle des illuftres de Paris, qui ne prétendoient pas devoir reconnoître un Tribunal fuperieur, ni se foumettre aveuglément à des jugemens, quoique revêtus de ce nom fi impofant de jugemens de la Cour. Du moins avoient-ils une autorité fouve

raine à Versailles, & Paris même ne se croyoit pas toujours affés fort pour en appeller.

M. le Prince, M. le Duc, M. le Prince de Conti, qui brilloient beaucoup auffi par l'efprit, mais qui në doivent être contés qu'à part, honoroient M. de Malézieu de leur eftime & de leur affection. Il devenoit l'ami de quiconque arrivoit à la Cour avec un merite éclatant. Il le fut, & trèsparticulierement de M. l'Abbé de Fenelon, depuis Archevêque de Cambray, & il n'en conferva pas moins l'amitié de M. de Meaux, lorfque ces deux grands Prélats furent brouillés par une Question fubtile & délicate. qui ne pouvoit guere être une Queftion que pour d'habiles Theologiens. On dit même que ces deux refpectables Adverfaires le prirent fouvent pour Arbitre de plufieurs articles de leurs differens. Soit qu'il s'agit des procedés, ou du fond, quelle idée n'avoient-ils pas ou de fes lumieres, ou de fa droi

ture?

Quand M. le Duc du Maine fe maria, M. de Malézieu entra dans une nouvelle carriere. Une jeune Princeffe, Dd iiij

avide de fçavoir, & propre à fçavoir tout, trouva d'abord dans fa Maison celui qu'il lui falloit pour apprendre tout, & elle ne manqua pas de fe l'attacher particulierement par ce moyen infaillible que les Princes ont toujours en leur difpofition, par l'eftime qu'elle lui fit fentir. Souvent pour lui faire connoître les bons Auteurs de l'Antiquité que tant de gens aiment mieux admirer que lire, il lui a traduit fur le champ, en presence de toute fa Cour, Virgile, Terence, Sophocle, Euripide, & depuis ce tems-là les traductions n'ent plus été neceffaires que pour une partie de ces Auteurs. Il feroit fort du goût de cette Academie que nous parlaffions auffi des Sciences plus élevées, où elle voulut être conduite par le même guide; mais nous craindrions de reveler les fecrets d'une fi grande Princeffe. II eft vrai qu'on devinera bien les noms de ces Sciences, mais on ne devinera pas jufqu'où elle y a penetré.

M. de Malézieu eut encore auprès d'elle une fonction très-differente, & qui ne lui réuffiffoit pas moins. La Princeffe aimoit à donner chés elle des Fêtes, des Divertiffemens, des Spec

,

que

tacles, mais elle vouloit qu'il y entrât de l'idée, de l'invention, & que la joie eût de l'efprit. M. de Malézieu occupoit fes talens moins férieux à imaginer, ou à ordonner une Fête, & luimême y étoit fouvent Acteur. Les Vers font neceffaires dans les Plaisirs ingénieux, il en fourniffoit qui avoient toujours du feu, du bon goût, & même de la jufteffe, quoiqu'il n'y donnât fort peu de tems, & ne les traitât, s'il le faut dire, que felon leur merite. Les Impromptu lui étoient affés familiers, & il a beaucoup contribué à établir cette langue à Seaux, où le genie & la gayeté produifent affés fouvent ces petits enthoufiafmes foudains. En mêmetems il étoit Chef des Confeils de M. le Duc du Maine, à la place de Meffieurs Dagueffeau & de Fieubet Confeillers d'Etat, qui étoient morts, il étoit Chan celier de Dombes, premier Magistrat de cette Souveraineté. L'efprit même d'affaires ne s'étoit pas refufé à lui.

En 1696 feu M. le Duc de Bourgogne étant venu en âge d'apprendre les Mathematiques, Madame de Maintenon porta le Roi à confier cette par

tie de fon éducation à M. de Malézieu tandis qu'il donneroit à M. Sauveur les deux autres Enfans de France. M. de Malézieu affés délicat pour craindre qu'un fi grand honneur ne s'accordât pas parfaitement avec l'attachement inviolable qu'il devoit à M. & à Madame du Maine, & raffuré par euxmêmes fur ce fcrupule, demanda du moins en grace, que pour mieux marquer qu'il ne fortoit point de fon ancien engagement, il lui fût permis de ne point recevoir d'appointemens du Roi.

Parmi tous les Elemens de Geometrie, qui avoient paru jufque-là, il choifit ceux de M. Arnaud, comme les plus clairs, & les mieux digerés, pour en faire le fond des leçons qu'il donneroit à M. le Duc de Bourgogne. Seulement il fit à cet Ouvrage quelques additions, & quelques retranchemens. Il remarqua bien-tôt que le jeune Prince, qui furmontoit avec une extrême vivacité les difficultés d'une 'étude fi épineufe, tomboit auffi quelquefois dans l'inconvenient de vouloir paẞer à côté, quand il ne les emportoit pas d'abord.

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