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comme les Lettres l'avoient été. Si le P. Danier prétendoit avoir pour lui la raifon & la vérité, fon Adverfaire avoit eu en fa faveur, ce qui a plus d'afcendant fur l'efprit des hommes, les armes du ridicule & de la bonne plaisanterie. D'ailleurs l'impreffion étoit déjà faite & irré→ vocable; le Jéfuite ne répondit au Satyrique du Port Royal que long-temps après la publication des Provinciales, & les efprits étoient prévenus.

L'Hiftoire de France eft ce qui établit à juste titre la célébrité du P. Daniel. M. de Voltaire en trouve le Style trop foible; il ajoute que l'Auteur n'intéresse pas, qu'il n'eft pas Peintre.* Il eft vrai qu'on chercheroit en vain dans le P. Daniel l'abondance des images, la vivacité des peintures, l'appareil des fentences, la force & l'énergie de l'expreffion. Cet Ecrivain n'a d'autre mérite que celui de la méthode, de la fimplicité, de l'exactitude, & de la clarté ; mais M. de Voltaire, en bon Juge du style historique, n'auroit-il pas dû préférer ces qualités au brillant, à l'enthousiasme, à l'efprit de fyftême, qui forment précisément les mauvais Hiftoriens ? Pouvoit-il ignorer que le premier devoir d'un Hiftoriographe eft d'être en garde contre fon imagi

* Catalogue des Ecrivains du Siecle de Louis XIV.

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ation; qu'un efprit réfléchi eft plus judicieux qu'un efprit plein de chaleur; qu'il eft plus effentiel de s'occuper à chercher, à démêler, à établir, à présenter la vérité, qu'à la défigurer en la chargeant d'ornemens; qu'une histoire doit être regardée comme irréprochable, quand la narration eft claire, fuivie, exacte, quand les faits n'offrent rien de falfifié ou d'exagéré, le style, rien d'artificieux & de paffionné, la chronologie, rien d'obfcur ni d'embrouillé ? Si ces loix, indifpenfables pour être bon Historien ne s'accordent pas avec les principes qu'il s'eft faits à lui-même, dans fon Effai fur l'Hiftoire générale, dans fon Hiftoire de Charles XII, dans celle du Czar Pierre I; on ne peut conclure autre chofe, finon que les Ouvrages que nous venons de nommer ne font pas des Hiftoires, & que celui du P. Daniel en eft véritablement une. On peut ajouter encore avec M. de Voltaire lui-même, que cet Historien eft inftruit, exact, fage & vrai, & que l'on n'a pas d'Hiftoire de France préférable à la fienne. *

M. le Préfident Hénault, à qui on peut s'en rapporter fur cette matiere, a justifié le P. Daniel fur la partialité qu'on lui a imputée. Cet Hiftorien, dit-il, eft plus impartial & plus inftruit que

* Même Ouvrage & même article que ci-devant,

beaucoup de gens ne l'ont cru. Cet Eloge n'empêche pas qu'il n'y ait des fautes dans fon Hiftoire ces fortes d'Ouvrages ne deviennent par faits qu'avec le temps, qui offre chaque jour de nouvelles découvertes; le meilleur ne fauroit être que celui qui a le moins de défauts. Le P. Griffet en donna une nouvelle Edition en 1756, à laquelle il fit des changemens confidérables, que le P. Daniel aurait faits lui-même, s'il eût vécu affez de temps pour tirer parti des nouveaux fecours hiftoriques qui ont facilité & enrichi le travail de fon Editeur.

DAQUIN DE CHATEAU - LYON, Docteur en Médecine, fils du célèbre Organiste, né à Paris,

en 17..

Auteur de plufieurs petites Brochures, pleines d'héréfies, en matiere de goût & de jugement. Il s'y .tue à louer M. de Fontenelle, qui ne dut pas être fort fenfible à la tournure & au ftyle de fes éloges. Les Lettres du Chevalier d'H*** y font trouvées admirables. Qu'on juge après cela du cas qu'on doit faire d'une Epitre fur la corruption du goût, compofée par ce même Auteur. Voici une de fes anecdotes fur M. de Fontenelle; elle donnera une idée de fa maniere de narrer. » Un Etranger entrant dans »Paris, demande à la Barriere la demeure de

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5 M. de Fontenelle. Curieux au dernier point de ≫voir cet homme illuftre, les Commis, fort "embarraffés, & ne pouvant réfoudre la diffi» culté, lui difent nettement qu'ils n'en favent » rien. Comment, reprit avec colere l'Etranger » vous n'en favez rien! Vous voulez donc vous moquer de moi! Non, Monfieur difent » humblement les Commis. Ah! c'eft affreux, » s'écrie-t-il plus en colere que jamais, il ne ferą " pas dit que vous me célerez plus long-temps

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la demeure de ce grand homme. Déja il s'ap»prêtoit à battre ces pauvres gens, il ne fe

pouvoit plus retenir; on vient au fecours, & »l'affaire n'alla pas plus loin. L'Etranger furieux » continue fon chemin, en ne ceffant de répé »ter: Quoi donc, aux Barrieres ne pas favoir » la demeure ae M. de Fontenelle ! Quelle

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ignorance! C'est un homme connų par-tout » l'Univers «.

M. Daquin a fait auffi d'autres Lettres intitulées, on ne fait trop pourquoi : Siecle Littéraire de Louis XV. Il a cru embellir ces Lettres, en y mettant des Vers de fa façon. Par malheur, ces Vers font inférieurs, même à la Profe; ce qui a fait dire à bien des gens, qu'il cût mieux valu, pour la gloire, qu'il se fût uniquement attaché à la Médecine, où il auroit pu cacher plus facilement fes fautes, Nous ajouterons

encore que cette gloire exigeoit, qu'il le garant de la démangeaifon de faire des Epigrammes. En voici une de plufieurs qu'il a compofées contre nous, & débitées dans les Sociétés. Nous la citons précisément, parce que c'est la moins mauvaise de toutes.

L'autre jour, chez Pigal, en contemplant Voltaire
Je difois : Qu'a donc mis ce fameux Statuaire
Sous les pieds du fils d'Apollon? ·

Et pourquoi lui fait-il écrafer du talon
Mafque hideux, dont la bouche effroyable
Semble ouverte pour aboyer?

Eft-ce l'Envie eft-ce le Diable ?

Alors quelqu'un cria dans l'attelier : Oh! ce n'eft rien, c'est l'Abbé Sabatier.

Que peut-on répondre à cela? Sinon d'exhorter M. Daquin à tâcher de les faire meilleures, afin de trouver des Auditeurs sensés qui s'en amufent, & de piquer davantage ceux qui en font l'objet.

DAUCOURT, [GODART] Fermier - Général, né à Langres en 17..

On a de lui d'agréables bagatelles, qui marquent un Auteur plein de goût, & ennemi du mauvais. Il a travaillé pour le Théatre François & pour le Théatre Italien, en fociété avec des Gens d'efprit, & fes Pieces ont fait plaifir dans

leur

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