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Ses Préjugés du Public forment trois volumes, & pourroient être réduits à trois pages; encore n'y trouveroit-on aucune pensée piquante & bien écrite. Ses autres Ouvrages, foit en vers, foit en profe, ne font pas meilleurs : Sunt verba & voces, pratereaque nihil. Malgré cela, on a eu l'indulgence de le placer dans le Nécrologe des hommes célebres. Si cet Auteur obtient jamais de la célébrité, ce fera par l'ennui mortel qu'infpirent fes Ecrits ; & le moyen d'y parvenir, ferois de trouver des Lecteurs affez courageux pour les lire.

DESBARREAUX, [ Jacques DE VALLÉE, Sei gneur Confeiller au Parlement de Paris, fa Patrie, né en 1602, mort à Châlons fur-Saone en 1674 Bel-Efprit de fon temps, qui quitta fa Charge de Confeiller, afin d'avoir plus de loifir à fe confacrer aux Mufes, & fur-tout aux plaifirs. Il faifoit avec facilité des Vers Latins & des Chanfons Françoifes qu'on n'a pas recueillies. Tout ce qui nous refte de lui, se réduit au fameux Sonnet qu'il fit après être revenu de fes égaremens, & que tout le monde fait par cœur. Ua Ecrivain philofophe prétend que Desbarreaux n'en eft pas l'Auteur, & s'efforce d'en affoiblir le mérite. Seroit-ce à caufe des fentimens qu'il énonce? Ce Sonnet n'eft pas fans défaut, il c

vrais mais fa célébrité réfiftera toujours à la critique, comme le repentir qui l'a produit fera un monument ineffaçable du triomphe de la Religion fur la Philofophie.

DESBILLONS, [ François-Jofeph TERRASSE ] ei-devant Jéfuite, né à Châteauneuf en Berry

en 1711.

Ceux qui ont encore le goût affez sain pour aimer la Latinité fine, fimple, naturelle, élégante & pure de Phédre, la retrouveront trèsfouvent furpaffée dans les Fables que cet Auteur a composées. Ainfi en pense-t-on, du moins en Allemagne, en Angleterre & dans tous les autres pays [fans doute barbares], où l'on n'eft pas encore perfuadé, d'après nos graves Littérateurs, qu'il eft impoffible à un Moderne de bien écrire dans une langue morte.

DESBOIS [François-Alexandre DE LA CHENAYE], né à Ernée au Maine en 1699.

Il n'a cherché qu'à être utile ; & fi fon nom ne fe trouve pas toujours à la tête de fes Ouvrages, qui ne font que des Compilations, le Public ne doit pas ignorer qu'il lui a l'obligation de fix Dictionnaires formant vingt-deux volumes. Nous ne garantiffons pas la bonté de tous ces Ouvrages, que nous n'avons fait que parcourir

dans l'occafion; mais fi la reconnoiffance doit être proportionnée plus à l'étendue qu'au prix du bienfait, M. Desbois doit en attendre une très-ample.

1. DESCARTES, [ René ] né à la Haye, petite ville de Touraine, en 1596, mort à Stockholm en 1650, le pere de la Philofophie en Europe, & fait pour l'être dans tous les pays où l'on voudra bien raifonner.

Ses Ouvrages forment une époque dans le développement des connoiffances de l'efprit humain. Avant lui, la raifon gémiffoit depuis plufieurs fiecles parmi les entraves de la Philofophie péripatéticienne qui triomphoit dans toutes les Ecoles. Il lui fallut donc autant de courage que de génie pour détruire les préjugés que l'ignorance idolâtroit, & que l'autorité des Loix rendoit plus invincibles. Armé du flambeau de l'évidence, rien ne fut capable de l'arrêter. Il enfeigna aux hommes des routes nouvelles & sûres pour parvenir à la découverte de la vérité. Il leur apprit à douter, c'est-à-dire, à fe détacher des fens, à fe défier de leurs idées, à suspendre leur jugement, à n'admettre, en un mot, dans la Philofophie, que ce qui porte avec foi le caractere de l'évidence. Ces principes établis, le Philofophe ne marcha plus au hafard & felon le gré d'une

imagination vagabonde il fuivit des guides sûrs & infaillibles, qui, lui découvrant la vérité, lui apprirent, par une chaîne non interrompue de conféquences, à agrandir le cercle de nos idées.

Defcartes poffédoit, dans un degré fupérieur, l'art du raisonnement & celui d'en trouver les principes, le talent d'analyfer les idées, d'en créer de nouvelles & de les multiplier par une méditation profonde; talent unique & fublime qu'on ne peut devoir qu'à la nature, que le travail & l'étude peuvent aider quelquefois, mais qu'ils ne fauroient donner, ni fuppléer.

De tous les traits de génie qui font partis de ce Grand Homme, celui que les vrais connoiffeurs jugent le plus digne de l'imnortaliser, est l'application qu'il a fu faire de l'Algebre à la Géométrie. Par-là, il a montré le fecours mutuel que les Sciences peuvent fe donner les unes

aux autres.

Il eft donc indifférent pour fa gloire qu'il ait créé des systêmes qu'on ne peut regarder que comme de beaux Romans; qu'il le foit trompé dans fon Hypothèse des Tourbillons & dans ce qu'il a écrit fur l'ame des bêtes. Si fon génie inventeur ne le mit point à l'abri des méprises, il fat du moins, comme Icare, fe fauver du labyrinthe avec les aîles qu'il le fabriqua, & fes

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erreurs mêmes font devenues des fignaux propres à diriger fes fucceffeurs. Ce ne fut qu'à l'aide de fes principes, que Newton se rendit capable de le redreffer, à-peu-près comme un Athlete devenu vainqueur de fon maître, après avoir reçu fes leçons.

Descartes, malgré fes illufions, fut grand par lui-même; le Philofophe Anglois ne le fut qu'avec le fecours des lumieres de son prédéceffeur. Newton d'ailleurs ne commenta-t-il pas l'Apocalypfe; & qui ne préférera les erreurs du fyftême des Tourbillons aux rêveries de ce Commentaire ? Mais un genre de triomphe que le Philofophe Anglois ne partage point avec le nôtre, c'eft la Métaphyfique. Perfonne ne fauroit contefter à Defcartes d'avoir le plus profondément connu & le plus clairement dévoilé ce qu'on peut appeler la phyfique de l'ame. Les paffions & leur premiere origine, ce qui peut les faire naître & les modifier, ce qui les allume & les réprime, rien ne réfifte à la fagacité de cet Investigateur habile. Le comble de l'excellence de fa Philofophie morale, eft de ne jamais franchir les bornes. Le flambeau de fa raison ne heurte jamais celui de la foi. En étendant les connoiffances humaines', aucun Philofophe ne prouva mieux les vérités divines. L'exiftence de Dieu & l'immortalité de l'ame font la base invariable de ses affertions me

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