mais entraîné dans aucun de ces démêlés, où la Philofophie de notre Siecle a fi fort prouvé combien elle étoit éloignée de la véritable Philofophie. Il auroit même, dit-on, à se plaindre de l'ingratitude des Philosophes encyclopédistes, s'il eût attendu de la reconnoiffance de leur part. L'expérience l'a fans doute éclairé fur les principes de ces Meffieurs, dont il est fi facile de se détacher, quand on a été à portée d'en juger par la pratique. Si cela eft, en le rendant à fes propres fentimens, elle ne fera qu'offrir au fuffrage du Public un Littérateur habile, autant que noble & défintéressé, qui n'a besoin d'aucun manége, d'aucun Parti pour se faire estimer.

JEANNIN, [ Pierre ] fimple Avocat, puis Confeiller, puis premier Préfident au Parlement de Dijon, mort en 1622, âgé de 82 ans.

Son éloquence & fon mérite l'éleverent aux premieres charges de la Robe. Il a laiffé des Mémoires & des Négociations que le Cardinal dé Richelieu appeloit fon Bréviaire, & qu'on peut lire encore aujourd'hui avec plaifir, quoique le ftyle en foit furanné. Avec du talent pour les affaires, le Préfident Jeannin eu le temps d'obferver. Il vécu fous fept Regnes différens, & fut employé dans les Négociations les plus

importantes, où il montra toujours autant d'in telligence, que de probité.

JEUNE, [Jean LE ] Oratorien, né à Poligny, en Franche-Comté, en 1592, mort à Limoges en 1672.

Dix gros volumes de Sermons dépofent en faveur de fon zele & de fa facilité. Il fut regardé comme un des plus célebres Prédicateurs de fon temps; & fi on lui pardonne le défaut de goût & les vices du ftyle de fon ficcle, on conviendra que, du côté de l'onction, de la fimplicité & de l'inftruction, il n'étoit pas indigne de la réputation qu'il a eue. Il la conferve encore parmi ceux qui font plus de cas des choses, que de la maniere, du ton, & de l'arrangement des mots. Ses Sermons furent traduits en Latin fous ce titre : Johannis Junii delicia Paftorum five conciones, ce qui prouve combien on les eftimoit. On affûre que la lecture de cet Orateur ne fut point inutile à M. Marfillon, qui fut en éviter les défauts, & y puifer les germes de cette facilité & de cette chaleur qui le rendent f perfuafif.

IMBERT, [ Barthelemi] de l'Académie de Nîmes, fa patrie, né en 1747.

Peu d'Auteurs ont eu dans la carriere poéti

que

que un début aufli brillant. Le Poëme du Jugement de Pâris eft une espece de phénomene. Ce trait de la Fable, fi rebattu dans la Poésie ancienne, fi fouvent & fi foiblement traité dans la Poéfie moderne, a paru rajeuni fous la plume de ce Poëte & enrichi d'une invention plus piquante, & d'un nouveau reffort qui produit le plus grand effet. Sans s'affujettir aux Traditions de la Mythologie, le génie de M. Imbert a créé fon Héros, & le caractere qu'il lui a donné est des mieux imaginés & des plus agréablement foutenus. Rien de fi ingénieux & de fi fimple que le plan de ce Poëme. Les trois Déeffes y font préfentées fous des couleurs riantes & très-diftinctes, felon les attributs que la Fable leur a départis. Pour les détails, on ne fauroit trop y applaudir : l'élégance, le naturel, l'aménité, Y répandant un air de vie qui égaye l'imagination, la fixe fur tous les objets, & les lui rend fenfibles. Pourquoi fommes-nous dans le cas de reprocher à ce joli Poëme un peu de longueur dans l'action, de trop longs discours qui le refroidiffent, & de petites incorrections qui en déparent quelquefois le ftyle, fait pour n'admettre

rien de vicieux, ni même de médiocre ?

Le Jugement de Pâris a été fuivi d'un volume de Fables, & d'un volume d'Hiftoriettes & Nouvelles, en Vers, dont le ton oriTome 11.

P

ginal diftingue ce jeune Poëte des Fabulistes & des Conteurs de nos jours. Verfification lefte, piquante, coupée avec une agréable variété : morale faine, ingénieufe, utile, & très-heureufement exprimée: fécondité d'invention dans les fujets, dans les tournures, dans les détails, dans les applications: imitations heureufes des graces ingénues de l'Auteur de Joconde: telles font les richeffes que la Mufe de ce nouveau Fabulifte offre aux Amateurs de l'Apologue & du Conte c'eft-à-dire, à toute efpece de Lecteurs. Seronsnous encore accufés d'être trop féveres, fi nous remarquons que, dans certaines de fes Fables, le naturel n'eft pas toujours auffi bien faifi qu'il pourroit l'être; que ce qu'on appelle les mœurs dans les animaux, n'eft pas d'accord avec les idées que nous en avons; que la moralité vient quelquefois trop brufquement, & n'eft ni aussi juste, ni auffi faillante, que le récit le promettoit, & que, parmi fes Historiettes, il y en a plusieurs dont la trivialité du fujet n'eft rachetée, ni par la nouveauté des tours, ni par l'agrément du ftyle? Non, la critique ne peut qu'humilier l'impuiflance & révolter l'amour - propre indigent." Avertir des défauts qui lui échappent un Peintre habile, entre les mains de qui on voit un pinceau capable de tout, c'eft fe montrer jaloux de fa gloire & non de fon mérite; c'eft lui indi

quer les routes de la perfection, & concourir foiblement à la vérité, mais toujours concourir aux chef-d'œuvres que le Public a droit d'attendre de fes talens.

JOANNET, [ Claude ] Abbé, de l'Académic de Nancy, né à Dôle en 17..

On trouve dans fes Elémens de la Poéfie Françoife des réflexions judicieuses, une critique fine, des regles sûres ; les caracteres d'un bon Poëte y font tracés avec difcernement & avec goût. Si fon ftyle étoit toujours égal, & sa maniere de s'exprimer toujours correcte, cet Ouvrage pourroit être regardé comme le meilleur & le plus complet qu'on nous ait donné fur cette matiere. Malgré ces deux défauts qui en affoibliffent & n'en détruisent pas le mérite, les Compilateurs de l'Encyclopédie n'ont pas dédaigné d'en faire fouvent ufage. L'article Jeu de mots, entr'autres, eft entiérement copié des Elémens de M. l'Abbé Joannet. Qui ne feroit pas étonné de voir fon nom fupprimé au bas de cet Article, qui lui appartient en entier ; tandis qu'on y voit fi exactement figurer celui de tant d'Ecrivains obfcurs qui font allés s'enfevelir dans ce vafte Sépulcre !

M. l'Abbé Joannet eft Auteur de quelques