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taphyfiques ; & il ne dévoile tous les mysteres de l'homme, que pour remonter avec plus de certitude à celui qui l'a créé.

au

Avec des qualités auffi propres à attirer le refpect des hommes, Defcartes eut des foibleffes; mais la Philofophie chez lui n'employa pas fes réffources à les déguifer ou à les juftifier; au contraire, elle fervit à l'en guérir, & à élever fon ame au deffus de ce cercle de miferes, tour duquel on voit ramper tant de ses prétendus Imitateurs. Quand on me fait une offense, disoitil, je tâche d'élever mon am2 fi haut, que l'offenfe ne parvienne pas jufqu'à elle. Il penfoit avec Séneque, qu'il eft malheureux de mourir trop connu des autres fans s'être connu foi

même *.

,

Eft-ce fur de pareils fentimens qu'ont pris foin de fe former ceux qui, avec des lumieres bien plus foibles, prétendent courir, peut - être avec plus de fuccès, la même carriere? Eft-ce l'élévation de l'ame qui rend nos Philofophes fi fenfibles aux plus petites offenfes, & fi actifs pour les venger ? Eft-ce enfin la connoiffance d'eux-mêmes qui leur inspire tant d'orgucil & de présomption.

* Illi mors gravis incubat, qui notus nimis omnibus, ignotus moritur fibi. Scn. Thieft. Act. 2.

2. DESCARTES, [Catherine ] niece du précédent, morte en 1706.

Elle abandonna la Philofophie à fon oncle, & le réferva pour les Ouvrages d'agrément, où elle a fait paroître autant de délicatesse que d'ef. prit. On lit encore avec plaifir plufieurs petites Pieces de Poéfie de fa façon, inférées dans le Recueil du P. Bouhours. Ses liaisons avec les

perfonnes les plus célebres de fon temps, prouvent qu'elle étoit agréable dans la fociété. Elle fut fur tout intime amie de Mlle de Scudery, pour qui elle fit l'impromptu fuivant, au fujet d'une Fauvette qui revenoit tous les printemps aux fenêtres de la chambre de cette Demoifelle.

Voici mon compliment

Pour la plus belle des Fauvettes :

Quand elle revient où vous êtes,

N'en déplaife à mon oncle, elle a du fentiment.

On lit dans une Lettre de M. Fléchier à la femme d'un Président de Rennes : » A l'égard

de Mlle Defcartes, fon nom, fon efprit, fa » vertu, la mettent à couvert de tout oubli, & toutes les fois que je me fouviens d'avoir été en Bretagne, je fonge que je l'ai vue, & que So Vous y êtes c.

DESFONTAINES, [ Pierre-François GUYOT]

né à Rouen en 1685, mort à Paris en 1745, le Boileau de notre fiecle qui auroit arrêté la décadence de la Littérature Françoife, fi Pergama dextrâ defendi poffet.

Ses Critiques ont été taxées de trop de févérité; mais cette févérité n'étoit-elle pas néceffaire, fl'on fait attention à la rapidité avec laquelle le goût le pervertit aujourd'hui. Il étoit naturel que l'Abbé Desfontaines fût fenfible à la dégradation des Lettres; perfonne ne connoifsoit mieux que lui les regles & les raisons des regles; perfonne ne les développoit avec plus de finesse, d'agrément & de clarté; personne ne faifissoit avec autant de précision les différens degrés du beau & les moindres nuances du ridicule; l'œil fans ceffe ouvert fur les moindres défauts, il les fentoit vivement, & ne faifoit grace à rien. Est-il étonnant, après cela, qu'il ait eu pour ennemis les médiocres Ecrivains de fon temps, & même des Ecrivains célebres qui ne vouloient être médiocres en rien? De-là ce déchaînement prefque univerfel contre lui. On s'efforça de décrier fes talens, on attaqua fa réputation, on calomnia fes mœurs, on enfanta un déluge de Libelles, auxquels il eut la foibleffe d'être sensible, & qui le rendirent injufte à l'égard de ceux qui l'avoient offenfé. Mais file reffentiment a aigri quelquefois fon ftyle, on découvre toujours dans les ju

gemens les lumieres d'un homme fait pour rés genter le Parnaffe. Toutes les fois qu'il n'écoute que la raifon & le bon goût, on ne peut s'empêcher de le regarder comme le modele des bons Critiques.

J. B. Rouffeau, M. Rollin, & tous ceux qui s'intéreffoient aux progrès de la bonne Littérature, ont rendu, par leurs éloges, justice à ses talens & à fes lumieres, & vengé, par leur amitié, l'honneur de fes fentimens. L'Auteur de la Métromanie a été long-temps de ce nombre. Il ne fe brouilla avec l'Abbé Desfontaines, que pour une bagatelle. Le reffentiment de ce Poëte a été trop loin ; il n'étoit pas néceffaire de compofer cent & une Epigrammes contre ce Journaliste, comme il en avoit le projet. Une bonne fuffit

*

* Le fujet de cette querelle, dit M. Fréron, vint de ce que le Journaliste rapporta, dans une de fes Feuilles, ce fragment d'une Lettre écrite de la Haye par J. B. Rouffeau à M. Racine le fils. Je poffede ici depuis quelques jours un de mes Compatriotes au Parnaffe... M. Piron eft un excellent préservatif contre l'ennui; mais, &c. L'Abbé Desfontaines s'arrêta malignement à ce mais. Il y avoit, dans la Lettre de Rouffeau: mais malheureusement il part bientôt. M. Piron fut choqué du mais équivoque, & entreprit de s'en venger par cent & une Epigrammes, pour égaler les cent & une Propofitions. Il en avoit fait une foixantaine, lorfque l'Abbé Desfon taines mourut. Il n'y en a que deux qui aient réuffi.

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en pareil cas, & M. Piron eut le malheur de la

faire.

DESFORGES MAILLARD, [Paul] des Académies d'Angers, de la Rochelle, de Caen, de Nancy, &c. né au Croific en Bretagne en 1699,

mort en 1772.

fes

Sans la fingularité d'un ftratagême dont il s'avifa, fon nom ne feroit pas plus connu que Poéfies; mais on fe reffouviendra toujours que, pour donner du prix à fes Vers, il les fit paroître fous le nom imaginaire de Mlle Malcrais de la Vigne. La rufe lui réuffit quelque temps. Def forges avoit été maltraité par les Journalistes fous fon vrai nom, & Mlle Malcrais de la Vigne fut célébrée comme une dixieme Muse. Plufieurs Poëtes s'emprefferent de lui adreffer des Madrigaux, des Epîtres: l'Auteur de la Henriade y fut trompé comme les autres & lui fit des déclarations. Ce preftige dura jufqu'à ce que le Poëte hermaphrodite eût repris fon véritable fexe; alors il redevint ce qu'il étoit, un homme mẻdiocre. Cette anecdote prouve combien l'indulgence eft naturelle à l'égard des femmes, & combien font plus prudens les Auteurs qui continuent d'emprunter le nom de quelques-unes pour en parer leurs Ouvrages, fans dévoiler indifcrétement le myftere,

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