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profitoient de l'ignorance & de la crédulité pablique, pour accréditer les menfonges les plus extravagans.

C'eft par-là qu'on peut expliquer la grande célébrité de M. Diderot dans les efprits frivoles de la Nation, & dans les efprits trop crédules des Etrangers. Mais comment pourra-t-on jamais concilier cet enthoufiafine avec la hautë opinion que notre fiecle a de fes propres lumieres ? Sera-til croyable qu'en se laiffant aller à l'intempérance des idées, en prétendant annoncer la vérité dans des accès de délire, en faisant heurler la raifon d'un ton d'énergumene, en étalant des maximes gigantefques, en combattant les fentimens reçus en fe parant d'une morgue plus burlesque que philofophique, fera-t-il croyable que M. Diderot ait pu parvenir à fe faire regarder comme un homme rare?

Les Philofophes, dont il paffe pour être un des Coriphées, ne réfléchiront-ils jamais fur la foibleffe de leurs reffources, fur l'inconféquence de leurs principes, fur l'inftabilité de leurs triomphes? L'expérience des fiecles paffés ne devroitelle pas leur faire craindre les difgraces éclatantes que leurs prédéceffeurs ont effuyées, apres quelques inftans de vogue promptement remplacés par le ridicule & le mépris ? Ignorent-ils que les fieoles de Péricles, d'Augufte, de Léon X, n'ont

ceffé d'être les beaux fiecles de la Littérature & de la faine raison, que quand l'efprit philofophique a commencé à égarer & à abrutir les autres genres d'efprit? que par conféquent le fiecle de Louis XIV, avec les mêmes fymptômes, doit. amener les mêmes revers? &, pour parler avec plus de vérité, la Philofophie n'eft-elle pas déjà venue au point de fe décrier par fes propres Ouvrages? & fes Zélateurs ne font-ils pas à la veille de ne conserver que le nom de Sophistes, le seul que dans tous les temps on a jugé propre à les caractériser?

DINOUART, [ Jofeph-Antoine-Toussaint 】 Chanoine de St. Benoît, de l'Académie des Arcades de Rome, né à Amiens en 1716; fucceffivement Poëte Latin, Poëte François, TraducCommentateur, Historien, Compilateur, Journaliste, fans qu'on puiffe dire qu'il ait réussi dans aucun genre.

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Les moins mauvais de fes Ouvrages font des compilations, parce qu'elles contiennent peu de chofes de lui. De ce nombre font fa Rhétorique du Prédicateur, fon Traité de l'Eloquence du corps, deux Ouvrages où le trouve réuni, fans méthode & fans goût, ce que Cicéron, Quintilien, & parmi nous Fénélon, Rollin, le Pere Lami, Sanlecque, Lucas, l'Abbé de Villiers,

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l'Abbé Mallet', ont écrit fur ces matieres fi fort rebattues. On y reconnoît fans peine ce que M. l'Abbé Dinouart y a ajouté. Il feroit difficile de douter, par exemple, que les remarques & les * expreffions fuivantes, tirées du Traité de l'Eloquence du corps, ne foient de fa façon. » Une » taille trop haute eft, dit-il, une difformité » dans un Orateur. Ces figures colossales ont quelque chofe d'effrayant & qui choque la vue. On ne peut croire que la Nature qui donne à » tous les hommes une mesure ordinaire de bon fens, leur en ait difpenfé à proportion de leur taille; on y fuppofe toujours du vuide. Je ne » crois pas qu'on puiffe louer beaucoup cet avan"tage, qui ne peut être estimable que dans les » poutres «. Pour engager les Prédicateurs à tenir la tête droite, il les avertit très-élégamment, qu'une tête baiffée déplaît, parce que cette contenance eft commune aux dévotes. Pour joindre à fes préceptes des motifs plus preffans encore, il veut qu'on redresse les Orateurs, en leur plaçant la pointe d'une épée fous le menton. Il faut cependant prendre garde, en relevant la tête ajoute-t-il, d'imiter le mouvement des oifeaux qui boivent. Selon fes judicieuses remarques, le front haut marque la paresse; le petit, la légéreté ; le rond, la colere. » Il faut bien fe garder encore » d'ouvrir les® yeux ni trop, ni trop peu, de cli

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• gner ni de clignoter, de faire comme quelques » Prédicateurs, qui ouvrent la bouche avec » tant d'effort, qu'ils femblent vouloir y faire " entrer leur Auditoire, & d'en imiter certains » qui remuent la mâchoire inférieure avec tant de force, qu'ils paroiffent croquer des noix. Je ris,

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pourfuit-il encore, de voir ces Orateurs, qui, » bourfoufflés comme des Maures, ouvrent la

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bouche comme s'ils vouloient parler à leurs • oreilles, & dont les mâchoires fe choquent » dans la colere comme deux béliers. A l'égard » de leurs doigts, il faut qu'ils foient près les » uns des autres pour éviter la patte d'oye. » J'aime mieux une main un peu ardente, que » celle qui eft engourdie, & qui paroît toujours » avoir la crampe aux doigts. Mais craignez d'i» miter ces doigts volages, qui femblent tracer en » l'air toutes les lignes de Mathémathiques «. On comprend aifément combien des préceptes fentis & annoncés de cette maniere font propres à fe faire goûter. Ne croit-on pas voir Arlequin. donner des leçons & des exemples de gravité ?

Il en eft à peu près de même des autres Ouvrages de M. l'Abbé Dinouart. Il a le fecret de pervertir les genres ; & le Journal Eccléfiaftique, qu'il a fait fuccéder au Journal Chrétien, dont fon style a hâté la ruine, fe reffent encore plus de la fatalité de fa plume.

Tome II.

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DIXMERIE, [ N. DE LA ] Ce Littérateur, fans avoir des talens fupérieurs,. ne laisse pas d'être fort au deffus de fa réputation. Ses Contes font moins agréables, à la vérité, que ceux de M. Marmontel, mais ils font plus moraux, plus variés, & annoncent une ame plus fenfible. On trouve dans ses Poéfies, de l'aifance & de la fim- ' plicité, qualités néanmoins infuffifantes pour former un bon Poëte.

Ce qui nous paroît vraiment mériter de juftes éloges, ce font les Notes qui accompagnent fon Ouvrage, intitulé les deux âges du Goût. On peut dire à ce fujet, que l'acceffoire l'emporte fur le fonds. Ces Notes font judicieuses, inf tructives, écrites avec autant de netteté que de correction. Le feul défaut qu'on y trouve, confifte dans une indifcrete profufion d'éloges; tous les Auteurs y font loués: c'est le moyen de n'en louer véritablement aucun. Une critique jufte donne du prix à la louange, & quiconque n'a pas le courage de blâmer quelquefois, s'expose à être lui-même blâmé. Le goût & la raison ont leurs droits; la crainte de déplaire ne fauroit jamais être un motif pour les facrifier.

DOISSIN, [ Louis] Jéfuite, mort à Paris en 1753, à l'âge de 32 ans.

Ses deux Poëmes Latins, l'un fur la Sculpture,

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