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c'eft elle qui nous y conduit. La .penfée de la mort ne nous fait méprifer que ce qui eft méprisa ble. Elle lève le voile & les apparences trompeufes des biens fenfibles: mais elle laiffe aux vrais biens toute leur realité, & tout leur prix; & elle nous les approche de fi prés, ces vrais biens, elle nous les fait confiderer fi attentivement, que tout le refte difparoît. C'eit même cet effet ordinaire de la pensée de la mort qui la rend defagreable; de forte bien des gens voudroient n'y penfer jamais.

que

Le fage en tout tems veut être détrompé. Mais l'homme charnel & infenfé fe plaît. dans l'illufion. S'il dort d'un fommeil doux & agreable; s'il n'a que de plaifans fonges, la mort qui le délivre de fon affoupiffement, eft une importune. Il faut faut que la douceur de fon fommeil foit

troublée par quelque fantôme terrible, afin qu'il fe réveilte. avec plaifir. Cependant ce tems que nous paffons dans l'affoupiffement, nous eft donné pour nous faire un établiffement éternel. L'alternative des récompenfes & des peines futures est inévitable. Nous fommes im. mortels: & ce neant prétendu qui fuccede aux derniers momens, eft de toutes les chimeres la plus extravagante & la plus 1 En folle. Ce n'eft pas ici le * lieu de Mort. le prouver. Le doute feul me fuffit; car le doute le plus leger touchant l'éternité de nôtre être, fuffit à tout homme raisonnable pour fufpendre la plûpart de fes deffeins, jufqu'à ce qu'il ait bien reconnu ce qui en eft. Quelque defagreable que paroiffe l'examen de cette importante question, celui qui la neglige eft un infenfé, du moins

Tret. fur

s'il regle fa conduite indépendamment du futur. Mais celui qui s'y applique & qui s'y trompe eft bien malheureux; je pour rois dire auffi, bien ftupide & biea aveugle: mais fa ftupidité n'est pas fi visible, fi inexcufable que celle que je croi commune à une infinité de gens. Car combien y en a-t-il qui doutent de l'immortalité de l'ame, ou qui même en font convaincus, qui cependant font choix d'un état de vie fans penser à ce qui la fuit? Entre leurs differens mo tifs, l'éternité n'y entre point, ou on la conte pour rien. Quelle étrange ftupidité: Et comment l'accorder avec nôtre amour propre, avec cette impreffion invincible que nous avons pour la felicité ?

Ce qui nous touche, ce qui nous frappe actuellement, c'estlà ce qui nous ébranle: c'est-là ǎ iiij

ce qui détermine naturellement nos mouvemens. Les enfans content pour rien les objets éloignez, quelque grands qu'ils foient en eux-mêmes : ils ne s'intereffent point dans le cours des aftres. Si une épine les pique, fi un infecte les mord; les voilà plus allarmez que fi toute la nature s'alloit renverfer. Tel eft le jugement des fens, lorfque la raifon n'y a point de part, lorf qu'elle eft foible, cette raison, & affujettie aux impreffions du corps. Mais à mesure qu'elle fe fortifie, l'efprit s'étend. Du préfent il paffe au futur; & de ce qui l'environne, il pouffe juf ques dans les objets les plus éloignez. Par la comparaifon qu'il fait des chofes entr'elles & avec lui, il devient de plus en plus fufceptible de crainte & d'efperance. Le futur & l'éloigné l'ébranlent, auffi-bien que le pré

fent. De forte qu'enfin on ne craint point de fouffrir actuellement des douleurs tres-vives, d'effuïer mille & mille fatigues pour se mettre en repos fur la fin de fes jours. Mais toutes les vûës qu'ont les hommes pour leur felicité, fe bornent d'ordinaire à la vie préfente: ils ne s'arrêtent qu'au fenfible. S'ils fe fatiguent à trente ans pour fe repofer dans leur vieilleffe, c'eft qu'ils voïent fouvent des vieillards, & qu'ils font jeunes. Ce fentiment les frappe & les perfuade qu'un jour ils feront comme eux. Mais ce font des enfans par rapport aux vrais biens. L'éternité leur paroît comme ces efpaçes imaginaires, qu'on croit au deffus des Cieux. Ils n'y trouvent rien de folide, rien qui les touche; rien par confequent qu'ils veulent préferer au préfent dont ils jouïffent avec plai

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