fût mêlé rien de miraculeux, ni dans fon origine, ni dans fes progrès. Combien de hardies tentatives fe font déja faites fur cela au contentement des libertins, & au fcandale des fidéles? Com bien, qui pour fe tirer de l'embaras des prodiges les mieux verifiez, se font retranchez, ou dans de vaines impoffibilitez, refuges des Critiques pouffez à bout, ou derriere un rampart de mau. vais contes, tels qu'on en voit dans les Ouvrages des Beckers, des Bayles, des Van-Dales, &c.

Le Paganisme, dit un des plus hardis Critiques, [2] feroit encore debout,& les trois quarts de l'Europe feroient Payens, fi Conftantin & fes fucceffeurs n'avoient employez leur autorité pour l'abolir; propofition impie autant qu'extravagante, & démentic par la tradition, mais avan cée là, & [3] répétée ailleurs, com me pour effacer de deux traits de plume & de critique, tous les caracteres de (2) M. Jurieu, Droits des deux Souverains, page 280.

(3) Le même ajoûte dans la lettre 8. page foi. du Tableau du Socinianifme: Il est donc certain que le Chriftianisme doit toute fon éten duë à l'autorité des Empereurs, il eft indubitable que fans cela les temples de Fupiter & da Mars feroient encore debout,

Divinité,qui ont illuftré la naiffance & la propagation de l'Evangile. Car ce n'est donc plus le doigt de Dieu, mais un bras de chair, qui a operé les grands fuccès d'une doctrine auffi contraire aux préjugez de l'efprit, & aux inclinations des fens que celle de J. C. Doctrine, qui prêchée par douze pauvres, armez de leur feule confiance en Dieu,a triomphé, & des Gentils dont elle renverfoit les Idoles, & des Juifs dont elle aboliffoit la Loy, & des Philofophes 3 dont elle confondoit l'orgueil, & des peuples qui la regardoient comme une magie déteftable; & des Empereurs, qui après s'être faits un merite barbare de la facrifier, s'y font attachez, jufqu'à faire pafler la Croix, dit S. Chryfoftome, [4] du lieu infâme des fupplices, fur leurs diadêmes pour orner leur front, & fur leurs étendars pour y être un gage de la victoire. [s]

Ne feroit-ce done pas, conclut faint Auguftin, [6] le plus grand des Miracles, qu'un changement fi prodigieux se fut fait fans miracle: tant de fçavans fu

(4) S. Foan. Chryfoft. in l. quod Chriftus fit Deus, & in Homil. §§. in Math.

(S) Eufeb. 1. 1. de vita Conftant. cap. 28. (6) S2 Aug. L. 22. de Civit, Dei, cap. S.

perbes rendus dociles à la Foy, jusqu'à s'y immoler: dix perfecutions fuscitées coup fur coup, loin d'ébranler le Chriftianifme, ne fervant qu'à l'affermir: douze pêcheurs, le rebut du monde, & d'un cœur aufli bas que leur naiffance, juftifiant leur défintereffement par la plus incontestable des épreuves, qui eft la mort même ? Et cependant, fi l'on en croit M. Jurieu, la fanctification de l'Univers eft operée par la feule violence du bras feculier. Peut-on fe figurer une plus aveugle crédulité, que celle d'un incrédule qui fe perfuaderoit un tel prodige ?

Un autre Critique [7] qui traite des miracles, & qui fait bien l'honneur à ceux de Moyfe & des Prophetes, de J. C. & des Apôtres, de les reconnoître pour indubitables,ne peut gueres aprés cela fouffrir qu'on le violente à en croire d'autres : de forte qu'épui fé du grand effort de foy, que fa critique lui a permis de faire, il s'arrête là; comme s'il ignoroit les fuites de l'effufion du SaintEfprit marquées par tant de dons mi

(7) Guill. Fletvood dans fa Differt. fur les Miracles écrite en Anglois. Voyez l'Extrait qu'en ont donné les Journalistes de Trevoux,au mois de Novembre 1703.

raculeux, & le pouvoir [8] accordé par J. C. tant à fes Difciples qu'à leurs fucceffeurs, d'encherir même fur fes propres miracles; ou qu'il comptât pour rien les dépofitions des Peres [9] fur tant de merveilles qui fe font ou paffées fous leurs yeux, ou faites par

leurs mains.

Un troifiéme plus religieux [10] à faire valoir les preuves de la Tradition, convient que les Apôtres conferoient le pouvoir de faire des miracles à tous ceux à qui ils impofoient les mains. Mais de peur qu'un aveu fi digne d'un vrai fidéle ne le fit paller dans fon parti pour critique moins éclairé qu'il n'eft, s'il le pouffoit un peu au-delà des temps apoftoliques, il y met bien-tôt des restrictions ne feint pas de donner une espece de démenti à faint Auguftin, qui parle, dit-il, de certains miracles qui fe faifoient même de fon temps 3 mais, pourfuit-il, à parler franchement, il faut être fort credule pour y ajouter foy.

&

C'eft fur des principes de pareille for

(8) Marci cap. 16. 17. & Foan. c. 14. 12. (9) Iren. 1. 2. adverf. Har. c. 58. Orig. 1. T contra Celfum.Auguft. l. 22.de Civit. Dei, & l. 9. Confeß. Ambr. &c.

(10) M. Jacquelot, Differt. 4. fur l'Existence de Dieu, chap. 7.

ce qu'il s'eft autorifé à combattre comme autant de fuppofitions [11] tous les Oracles du Paganifme. Methode aifée, de rejetter ce qui incommode dans les écrits des Peres, fans s'engager à répondre à des faits de notorieté publique, & contre lefquels on n'a aucun droit de réclamer; mais méthode dont il a paru que les Proteftans [ 12 ] s'accommodoient fort: & le malheur eft que plufieurs Catholiques attentifs à les copier, ne la goûtent pas moins. Ils

(11) Le même dans la même Differt. c. 8. (12) On en produira des preuves de fait dans le cours de ce Traité.En voici quelques-unes par avance. 1. M. Jurieu dans fon Apologie pour les Réformez,tom. 1. p.20. refute le miracle de la main coupée & remife à faint Jean Damascene, en traitant ce fait de conte monacal, & tel que s'il fe faifoit, dit-il, un pareil miracle dans la Meque, elle feroit incontinent Chrétienne; fauffe fuppofition qui attaque indirectement la verité des miracles de JesusChrift & des Apôtres. 2. L'Auteur des Remarques fur la difpute des Oracles dans le 13. tom. de la Bibliot. choifie, témoigne qu'il compte pour rien les miracles du 3. & du 4. ficcle, pardemander qu'on les croye y c'eft trop exiger de la foy des Chrétiens, & que c'eft ouvrir la porte à toutes fortes de fables, qu'on ne pourroit plus refufer de croire, aprés avoir laiffé paffer celles-là. 3. M. le Clerc dans fa 4. lettre critique, s'explique avec autant & plus de force font

ce que