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1680.

Juin.

unanimement, & je crus fi bien la paix faite, que l'on brûla dans la Chambre d'Audience toutes les Procédures civiles & criminelles, & toutes les Lettres qui étoient prêtes à partir pour la Cour & pour la Porte: cela nous fervit de feu de joye pour la veille de la Saint Jean.

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Le Pere Nau changea d'avis le même jour, & vint me dire que la chambre qu'il avoit accepté étoit trop éloignée de leur maifon; mais que je voulois aller à la Meffe chez eux, & y tranfporter la Chapelle Confulaire, ils feroient contens. Je le lui accordai fur le champ le plus poliment qu'il me fur poffible, parce que j'étois réfolu d'embraffer tous les moyens imaginables de les fatisfaire. Cette réfolution ne fut pas de durée. Dès le lendemain matin il vint me dire qu'il avoit fait des reflexions, & que la Chapelle Confulaire ne pouvant être que dans la maifon du Conful, il ne pouvoient pas l'avoir dans la leur.

Je lui dis que fes irréfolutions étoient tout-à-fait furprenantes, & que je ne fçavois plus quel parti prendre puifqu'ils avoient changé d'avis trois fois en vingt-quatre heu

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res. Alors il jetta les yeux fur une de mes deux grandes chambres, qui étoient celle d'Audience, & celle du Sopha. Je lui fis connoître l'impoffibilité qu'il y avoit à lui en donner une mais je lui offris une de mes plus belles chambres, qui étoit à côté de celle du Sopha. Il l'acepta avec joye, me dit qu'il en étoit content, & que ce feroit fans retour. Je le crûs encore cette fois, & comme nous avions déja écrit à M. Colbert & au Pere de la Chaise, fur nos premiers démêlés, nous leur écrivîmes réciproquement, que la paix étoit faite, & que nous étions tous contens. Le Pere Nau me communiqua fes Lettres, & je lui envoyai les miennes à cachet volant, pour les mettre dans fon paquet.

Nous étions demeurés d'accord que le Curé feroit les fonctions dans la Chapelle de la falle à la maniere accoûtumée, & que les Jefuites feroient celles de la Chapelle Consulaire, & leurs autres exercices dans la chambre que je leur donnois.

Je crus cette fois que tous nos embarras étoient finis, & que ce Pere ne fe retracteroit plus, puifqu'il avoit fujet d'être content; mais je fus encore trompé.

1680.

Juin.

Le 25. M'étant levé de grand matin 1680. pour une partie de promenade que Juin. nous voulions faire, je voulus entendre la Meffe avant de monter à che val. Le Pere Nau me vint dire, qu'il ne pouvoit accepter cette chambre qu'en me faifant une proteftation des droits qu'il avoit fur la Chapelle, qui eft dans la même falle.

Je fus fi furpris du procedé de ce Pere, que je lui dis tout net, que je ne voulois point recevoir de proteftation, & que s'il ne fe contentoit pas de cette chambre, je lui abandonnerois la maifon toute entiere dès ce moment, & qu'il en difpoferoit comme il lui plairoit. Il fe retira, me renvoya mes Lettres, & je lui renvoyai les fiennes. Je rompis notre partie; j'écrivis à M. Colbert, au Pere de la Chaife, & à M. de Guilleragues; je leur marquai mes bons deffeins, & tout ce que j'avois fait pour fixer l'inconftance du Pere Nau, & le contenter; & comme il partoit un Vaiffeau Anglois pour Livourne, j'énvoyai à Rome & en France toutes les Procédures qui avoient été faites contre le Pere Nau, & la guerre recommença plus vivement que jamais.

Le 28. Jefis publier l'augmentation

des gages de Galpard Netis mon fecond Truchelman. Ils furent reglés à deux cens piaftres par an.

1680.

Juin.

Le 29. J'allai rendre vifite au Mut- Vifite du fallem Kadir Aga incognito, à huit Conful au heures du foir. J'en fus reçû avec Mutfallem. toute la politeffe & les marques d'amitié que je pouvois fouhaiter.

Etant forti du Serail je paffai chez Ifaac Sarmon mon premier Trucheman, dans le deffein de voir sa maifon que l'on m'avoit dit être fort bel le; mais comme il étoit nuit je ne pus rien voir du dehors, ni le beau jardin qui y eft; je m'arrêtai, avec ma compagnie dans une grande falle, où l'on nous regala des danfeurs & des inftrumens du Païs,

Le 30. Je partis d'Alep pour aller paffer quelques jours dans le jardin du Mufti, qui m'avoit paru le plus propre & le plus commode de tous ceux que j'avois vû aux environs de la Ville. J'y avois fait porter mes Partie de meubles à la Turque, & ma cuifine. promenaRien ne nous y manqua pendant le de. petit féjour que j'y fis; j'y étois visité Tous les jours par les Anglois, les Hollandois, & autres Nations; je leur donnois à manger, & chacun s'y divertiffoit à fa maniere.

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.1680.
Juin.

Le jour de mon retour à la Ville, toutes les Nations monterent à cheval, & vinrent au jardin pour me reconduire à la Ville. Je leur donnai à fouper, & après avoir bien bû à la fanté les uns des autres, je montaż à cheval avec cette grande fuite, & je leur donnai la colation quand nous fumes arrivés au logis.

Le 6. Juillet, quelques Marchands François qui étoient allés à Caffarlata fe divertir à la chaffe, m'envoyerent un exprès, pour m'avertir qu'un de leurs valets avoit été bleffé par accident. Je leur ordonnai de faire faire les informations de cet accident par le Cadi de Caffarlara, qui eft indépendant de celui d'Alep, & de revenir fans délai.

Cette précaution ne fut pas inutile; car le Mutfallem & le Cadi d'Alep voulurent prendre connoiffance de Procédu-l'affaire. Quelques bons amis que les res du Ca- Turcs paroiffent être aux Chrétiens di de Caf-ils n'oublient jamais leurs interêts, farlata.

& les font valoir à merveilles. Tout ce qu'on peut attendre d'eux, ce font des facilités dans les affaires, qui coûtent fouvent affez ccr. J'envoyai au Cadi d'Alep la Procédure de celui de Caffarlata, ce qui n'empêcha

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